La loi de ratification des ordonnances Macron visant à renforcer le dialogue social est parue au Journal officiel ce 31 mars. De nombreuses mesures étaient toutefois entrées en vigueur dans la foulée de leur adoption en septembre dernier et au 1er janvier une fois tous les décrets d'application publiés. Décryptage des plus emblématiques et de celles susceptibles d'impacter le fonctionnement des établissements médico-sociaux.
Le point sur les ordonnances Macron
Adoptées en Conseil des ministres le 22 septembre dernier, les ordonnances Macron réformant le code du travail ont été ratifiées par le Parlement mi-février, leur donnant ainsi force/valeur de loi.
Pour rappel, cette réforme phare du début de ce quinquennat doit, selon le gouvernement, s'articuler avec le grand plan d'investissement pour les compétences et la formation professionnelle, la réforme de l'apprentissage, avec celle de la formation professionnelle, la refonte de l'assurance chômage, la hausse du pouvoir d'achat ainsi qu'avec la réforme des retraites. Donnant la priorité aux TPE-PME, cette réforme du code du travail vise à renforcer et simplifier le dialogue social dans l'entreprise et les branches, et à sécuriser les relations du travail.
Dispositions phares
Dans cette réforme du code du travail, des mesures majeures sont à pointer.
- Renforcement de la négociation collective en entreprise
La primauté de l'accord d'entreprise sur l'accord de branche avait déjà été introduite par la loi travail du 8 août 2016. Celle-ci se voit cependant confirmée par l'ordonnance relative au renforcement de la négociation collective. Ainsi un certain nombre de normes, notamment dans les domaines de la formation professionnelle ou des modalités d'organisation du travail, sont désormais définies par la direction de l'entreprise et les représentants du personnel dans le cadre d'accords d'entreprise3 . Cela peut concerner la rémunération (13e mois ou primes d'ancienneté), le temps de travail, la mobilité, le but étant de permettre aux entreprises, quelle que soit leur taille, de s'adapter plus vite au marché. Toutefois, la primauté des accords de branche reste conservée pour 13 thèmes définis par l'article L2253-1 du code du travail parmi lesquels les salaires minima hiérarchiques, les classifications, la mutualisation des fonds de la formation professionnelle, l'égalité professionnelle hommes/femmes, les conditions et durée de renouvellement de la période d'essai...
De plus, de nouveaux champs de négociation sont ouverts aux entreprises. Celles-ci vont pouvoir négocier l'agenda social, les consultations, les modalités d'information qui les concernent... sachant que sans accord d'entreprise majoritaire, c'est l'accord de branche qui s'applique.
- Modification des règles du contrat de travail
Il en va ainsi notamment des règles applicables aux contrats courts (CDD) ou aux CDI de chantier , lesquelles peuvent être assouplies par convention ou accord de branche étendu. Ainsi, la durée totale de ces contrats, le nombre maximum de leurs renouvellements et leur délai de carence peuvent désormais être fixés au niveau des branches professionnelles. Cela fait partie de leurs nouvelles compétences en matière de gestion et de qualité de l'emploi, l'objectif étant d'assurer davantage d'équité entre les salariés d'un même secteur. Pour autant, si aucun accord ou aucune convention de branche ne prévoit de règles particulières sur ces questions, c'est la loi qui s'appliquera.
Il en va aussi des règles applicables au télétravail ou concernant l'inaptitude. Pour cette dernière, l'obligation de reclassement est plus restreinte. La recherche de reclassement doit dorénavant s'effectuer " au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient " et dans un périmètre géographique limité au seul territoire national. De nouvelles modalités de contestation des avis d'inaptitude sont aussi à relever. Les changements portent notamment sur la suppression de la désignation d'un médecin expert, l'extension de l'objet de la contestation, la possibilité pour l'employeur de mandater un médecin, la substitution de l'avis par la décision prud'homale, ainsi que sur la prise en charge des frais d'instruction et d'honoraires.
- Suppression du contrat de génération
Un des articles de l'ordonnance sur la prévisibilité et la sécurisation des relations au travail a abrogé le contrat de génération, dispositif visant à favoriser le maintien en emploi des seniors, l'insertion durable de jeunes dans l'emploi et la transmission de compétences dans l'entreprise.
- Nouveau cadre juridique en matière de ruptures du contrat de travail et de contentieux prud'homal
L'une des ordonnances Macron fixe en outre différentes mesures destinées à sécuriser les ruptures du contrat de travail et à en limiter autant que faire se peut le contentieux. Ainsi :
- pour prévenir les erreurs de procédure commises lors des licenciements, six modèles types de lettres de licenciement sont mis à disposition des employeurs (faute sérieuse, grave ou lourde ; inaptitude ; motif personnel non disciplinaire ; motif économique individuel/ou pour les petits licenciements collectifs ou grands licenciements collectifs avec plan de sauvegarde de l'emploi PSE). Ces derniers doivent bien sûr les adapter " aux spécificités propres à la situation du salarié ainsi qu'aux régimes conventionnels et contractuels qui lui sont applicables "4. Sur ce sujet, notons par ailleurs que les employeurs ne peuvent plus être condamnés pour vice de forme dans le cadre d'un licenciement alors que le fond n'est pas contestable ;
- l'indemnité légale de licenciement est revalorisée. Le seuil d'ancienneté du salarié est abaissé à 8 mois ininterrompus contre un an jusqu'alors. Par ailleurs, cette indemnité ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à 10 ans et à un tiers de mois pour celles qui suivent. Les indemnités de licenciement sont ainsi augmentées de 25 %5;
- un barème prud'homal obligatoire est instauré. Selon l'ancienneté, il oscille entre un et vingt mois de salaire. Ce nouveau barème comprend, en outre, des seuils planchers minimum en dessous desquels les prud'hommes ne peuvent descendre, lesquels varient selon la taille de l'entreprise ;
- en cas de contestation de la rupture du contrat de travail, les délais de recours sont harmonisés à un an quel que soit le type de licenciement ;
- la rupture conventionnelle collective est instaurée. Jusqu'alors celle-ci existait sous forme individuelle. Désormais, les entreprises ont la possibilité de l'initier sous une forme collective par accord d'entreprise, rupture qui doit toutefois, comme pour la rupture conventionnelle individuelle, être homologuée par l'administration (en l'occurrence par la Dirrecte compétente) 6 .
- Fusion des instances représentatives du personnel
Autre mesure emblématique, la fusion des trois instances représentatives du personnel (délégués du personnel, comité d'entreprise et comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) en une instance unique, le "comité social et économique" (CSE) pour toutes les entreprises de plus de 50 salariés. Cette nouvelle instance conservera toutefois la personnalité morale, ainsi que toutes les compétences et prérogatives [y compris sur les aspects sécurité et conditions de travail, la capacité de demander des expertises, déclencher des enquêtes et faire des recours judiciaires si nécessaire].
- Pénibilité
Enfin, le sujet de la pénibilité a aussi été largement revu dans la cinquième ordonnance Macron qui lui est consacrée. De fait, le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P), jugé par le patronat comme une véritable "usine à gaz", est désormais rebaptisé compte professionnel de prévention (C2P) et géré par la branche AT/MP de la Cnam (et non plus par la Cnav). Quatre facteurs sur les dix retenus dans la loi du 20 janvier 2014 - et applicable depuis le 1er juillet 2016 - ont été supprimés. Ils concernent la pénibilité physique [postures pénibles, manutention de charges lourdes (ce facteur pouvait potentiellement concerner certains personnels en Ehpad) et vibrations mécaniques] ainsi que celle ayant trait aux agents chimiques infectieux. Ces facteurs pourront toutefois être considérés à l'occasion d'une demande anticipée de départ en retraite, et pourront être reconnus s'ils génèrent une maladie professionnelle et un taux d'incapacité permanente supérieur à 10%. Quant aux cotisations pénibilité, elles sont supprimées depuis le 1 er janvier dernier. À noter encore : l'ordonnance prévoit, à compter du 1er janvier 2019, la négociation d'un accord sur la prévention des effets de l'exposition des facteurs de risque professionnels, lequel concernera toujours les 10 facteurs existants. À défaut, un plan d'action pourra être arrêté après avis du CSE.
Danielle Julié - Richard Capmartin
Cabinet RC Human Recruitment