La FNAPAEF (Fédération Nationale des Associations de Personnes Agées Et de leurs Familles) se positionne. Joëlle Le Gall, présidente, fait le point sur dix ans d'action. La prise en considération des usagers est réelle mais de nombreux dysfonctionnements existent... à commencer par le système de financement.
" Le système de financement actuel est injuste, c'est une double peine. "
Comment est née la FNAPAEF ?
L'histoire de la FNAPAEF tient à mon histoire personnelle et à celles des présidents d'associations qui ont participé à la création de la fédération en 2004. Nous décidions de nous regrouper pour partager nos constats avec l'ambition de reproduire le lobby qu'avaient construit les parents d'enfants handicapés il y a 40 ans pour se faire entendre. Nous avions souvent l'impression d'être enfermés dans un ghetto, l'impression que l'omerta régnait lorsque nous osions dénoncer des dysfonctionnements incompatibles avec la dignité et le respect dus à toute personne fragilisée par la maladie et le handicap.
L'association BVE 29 est née en 2003 avant la canicule. Nommée Présidente, j'ai ressenti le besoin de constituer une Fédération nationale car les dysfonctionnements repérés relevaient plus des politiques publiques nationales que locales. La FNAPAEF s'est créée autour de 7 associations.
Que représente la FNAPAEF aujourd'hui ?
La FNAPAEF compte aujourd'hui 34 associations représentant plusieurs milliers de familles et personnes âgées. Elle regroupe des représentants d'associations qui s'engagent à oeuvrer pour le confort matériel, physique et moral de nos aînés partageant les objectifs de la Fédération. Elles transmettent des synthèses de la situation départementale à la FNAPAEF, laquelle alerte ensuite le Ministère.
Les associations naissent de la volonté des familles impliquées dans l'accompagnement d'un parent fragilisé mais aussi de celle de directeurs d'établissement conscients du poids des familles auprès des instances départementales et régionales, pouvoirs publics, ARS, Conseils généraux, élus...
Quels sont les dysfonctionnements les plus souvent constatés * ?
Une récente réunion entre un directeur et des familles a souligné les problèmes suivants?: manque de communication de la direction envers son personnel et les familles, manque de communication entre les équipes, manque d'humanité envers les résidents, lenteur du diagnostic et de la prise en charge des malades, déshydratation, repas pris trop rapidement, matériel inadapté, fauteuils roulants générateurs de blessures, appareils d'appoint de climatisation défectueux... Certes il ne faut pas généraliser.
Plusieurs observations importantes :
- les équipes sont rarement remises en cause. C'est surtout le manque de personnel qui est mis en avant ;
- concernant le coût relatif à la mauvaise gestion, la responsabilité du Conseil général et de l'ARS pour insuffisance de contrôle est en cause ;
- les décisions politiques amènent une mauvaise gestion en général soit par des comptes en déficit soit par des coupes drastiques, l'ensemble au préjudice des personnes âgées.
Qu'est-ce qui a changé en dix ans ?
Quand nous avons démarré, les directeurs d'établissement restaient souvent éloignés des familles. Aujourd'hui directeurs et familles se concertent. Néanmoins si, dans certains établissements, la porte du directeur est ouverte, dans d'autres la transparence est un vain mot...
Les familles, en se regroupant, ont au fil du temps gagné du poids auprès des conseils généraux et ARS. Les familles sont des citoyens, des électeurs et les autorités ne peuvent pas leur répondre comme à un directeur " Côté financement il faut faire avec, d'autres directeurs s'en sortent ! "
Les conseils généraux ouvrent leurs portes aux associations de familles et les consultent pour construire leurs politiques gérontologiques. Enfin, la FNAPAEF est présente dans les colloques nationaux et dans des commissions comme celle du Comité national pour la bientraitance et les droits des personnes âgées et des personnes handicapées.
La FNAPAEF est-elle écoutée au Ministère ?
Nous sommes écoutés mais sommes-nous entendus ? Nous avons d'abord travaillé avec Philippe Bas, qui le premier a souhaité faire entrer les usagers dans les commissions nationales. Nous continuons à militer pour le PSGA (Plan Solidarité Grand Age), qui a enfin mentionné des ratios d'encadrement. Ensuite, successions de Ministres et mêmes attentes...
La baisse du coût des établissements pour les familles est un des grands combats de la FNAPAEF.
La baisse des coûts est toujours une priorité ministérielle... non suivie d'effets. J'ai reçu récemment un dossier d'une association du Finistère?: les familles subissent une hausse de 100?euros par mois du tarif hébergement?! Nous avons aussitôt fait suivre à Mme Delaunay et à l'ARS. À ce jour, pas de réponse. Ici les familles paient la facture d'une mauvaise gestion...
Aujourd'hui les Ehpad accueillent des personnes malades. Elles rentrent dans un établissement non choisi, doivent vendre leur maison et demander l'aide de leurs enfants, voire de leurs petits-enfants. Le système de financement actuel est injuste, c'est une double peine?: les résidents sont malades et ils en paient la facture. Dans le handicap, la tarification est binaire?: d'un côté un loyer pour le logement et la restauration, de l'autre le soin et le prendre soin (animation...).
Il faudrait 12?milliards pour améliorer les choses. On nous répond toujours qu'il n'y a pas de moyens. Alors pourquoi réussit-on à financer un ratio de 1/1 dans le secteur du handicap, alors qu'on est à 0,56 dans le secteur du grand âge ?
Le tarif hébergement comprend d'autres charges indues, dénoncées, en 2007, par Paulette Guinchard, alors députée, lors de la mission d'évaluation des comptes de la sécurité sociale?: salaires du personnel administratif, restauration adaptée à l'état de dépendance (moulinée...), animation spécialisée qui relève du soin, intérêts d'emprunt...
Qu'attendez-vous de la future " Loi Autonomie " ?
Nous sommes très inquiets. Les premières tendances mettent la géolocalisation en avant, suite à des incidents. N'est-on pas en train de faire des effets d'annonce?? La géolocalisation, cela parle au grand public. Si une loi se prépare, ce doit être dans le respect des personnes âgées qui ont une maladie invalidante, et en adoptant une éthique. La loi doit donner des ratios d'accompagnement, engager une réflexion sur le coût des établissements...
Favoriser la vie à domicile semble être la priorité actuellement...
La majorité des Français veulent finir leur vie à leur domicile. Actuellement, en grande perte d'autonomie il faut disposer d'un revenu mensuel de 5 000 à 7 000 euros pour vivre à domicile. Le maximum financé par l'APA couvre 2 heures d'intervention par jour, et ce avec le prestataire le moins coûteux Le conjoint ou/et l'enfant assurent le reste. Former les familles à la prise en charge des personnes malades d'Alzheimer, faire le bon geste, avoir le bon mot... c'est très bien. Mais attention de ne pas transférer aux familles les actes professionnels comme la toilette ou le soin. Les aidants peuvent renoncer, s'épuiser... On peut parler aussi de l'épuisement des professionnels. On voit des passages à domicile durer 30 minutes ! Il y a beaucoup moins d'exigences vis-à-vis des intervenants à domicile que vis-à-vis des Ehpad. Le domicile, c'est l'omerta...
Votre conclusion ?
Quand on occupe un poste aussi important que celui de ministre, il faut voir la réalité, monter au créneau et demander des moyens. Lors de l'installation des commissions du Comité national pour la bientraitance et les droits des personnes âgées et des personnes handicapées, j'ai demandé à la Ministre où était la commission Financement. " Pour les finances, c'est Bercy ! ", m'a-t-elle répondu. Rappelons-nous pourtant que Mme Delaunay défendait le 5e risque...
* Une liste de dysfonctionnements adressée à Mme Bachelot en 2010 est consultable sur le site de la FNAPAEF www.fnapaef.fr