Si le Japon peut se réjouir d'avoir l'un des taux d'espérance de vie les plus élevés au monde, certainement dû en grande partie à son système de santé universel, il doit cependant faire face à une progression de ses dépenses de santé plus rapide ces dernières années que la plupart des pays de l'OCDE. Alors, quels enseignements et quelles évolutions attendre du modèle japonais ?
Le système de santé japonais : modèle à suivre ou à fuir ?
Système d'assurance santé
Introduit en 1961, le système d'assurance maladie universelle obligatoire japonais, régulé par le gouvernement au niveau national, se décline dans plus de 1 700 municipalités que dénombre le pays. Il comprend trois régimes de santé principaux fondés sur l'affiliation professionnelle et financés par des cotisations patronales, syndicales, ainsi que par des subventions de l'État (un régime d'assurance privé, public et un pour les personnes de 75 ans ou plus). Quel que soit le régime, la part des dépenses médicales à la charge d'un assuré s'élève à 30 % jusqu'à atteindre un plafond mensuel établi en fonction du niveau de revenus de ce dernier (10% pour les assurés de 70 ans et + disposant de revenus faibles). Cette prise en charge, en libre accès pour l'assuré, se fait sur un « bouquet de soins » (frais d'hospitalisations, soins ambulatoires, soins dentaires...) uniquement dans les établissements couverts par l'assurance universelle maladie.
Système d'assurance dépendance
Instaurée en 1997 et mise en place en 2 000, une assurance « dépendance » dite de soins de longue durée, publique et obligatoire a été mise en place pour anticiper le déclin démographique. Elle s'adresse aux plus de 65 ans, mais toutes les personnes de plus de 40 ans cotisent et peuvent en bénéficier selon plusieurs modalités. En effet, chaque cotisant le fait selon ses moyens (exonération possible pour les personnes les plus démunies) pour des droits octroyés selon le niveau de dépendance (2 niveaux de soutien léger et 5 niveaux de soins) :
- Pour les 65 ans et + : si perte d'autonomie identifiée lors d'une évaluation spécifique et en fonction du degré de cette dernière. Une cotisation mensuelle (environ 35 €/mois, plus élevée que pour les actifs) est prélevée sur les retraites.
- De 40 à 64 ans : si une pathologie référencée sur une liste limitative est reconnue. A partir de 40 ans, une cotisation est prélevée par les municipalités sur les salaires des assurés (pas de taux unique) et leurs employeurs (cotisation forfaitaire pour les non-salariés).
A domicile
L'accompagnement à domicile constitue la voie privilégiée par les pouvoirs publics japonais et surtout la moins onéreuse (¾ des prises en charge sont à domicile et ¼ en établissement). Les prestations d'aide et de soins à domicile sont attribuées en fonction du niveau de dépendance des personnes qui détermine un nombre maximum d'unités de services (plafond). Dans la limite des droits octroyés (majorés par rapport à la France), en lien avec un « Care Manager » (gestionnaire de cas), l'assuré peut librement combiner les services dont il souhaite bénéficier (dispositif de prévention, soins, équipement du logement, visites nocturnes...) en participant à hauteur de 10% du coût du service (aide sociale possible pour les plus démunis). Les communes, qui perçoivent directement les cotisations de l'assurance soins longue durée, rémunèrent les prestataires de ces services (publics ou privés).
En établissement
Le Japon propose une offre multiple de structures plus ou moins médicalisées dans le secteur public ou privé commercial. Pour un nombre d'habitants supérieur de moitié, le Japon dispose seulement d'un nombre équivalent d'établissements pour aînés à celui de la France. En conséquence, le Japon qui fait face à un manque chronique de places en établissements, se confronte à des listes d'attentes très longues pour l'accès à ces structures, en particulier, publiques. L'accompagnement en établissement médicalisé devient réservé, en priorité, aux personnes justifiant d'un certain niveau de perte d'autonomie. Si cette problématique est l'un des défis du pays actuellement, elle aura néanmoins facilité l'intégration et le développement des résidences avec services sur le territoire.
La tarification des structures médicalisées du grand âge dans le pays est binaire (section hébergement et section dépendance/soin) pour un tarif moyen mensuel compris entre 800 € et 1 500 € par personne (aide sociale communale possible pour les personnes à faibles ressources). Dans une logique d'équité et afin d'inciter les assurés à recourir aux services à domicile, moins coûteux, les frais de restauration et d'hébergement de ces établissements ne sont plus pris en charge par l'assurance soins de longue durée mais par l'usager directement. Afin toutefois de limiter ce reste à charge, des moyens supplémentaires ont été prévus permettant d'encadrer la tarification de cette section hébergement en fonction du statut juridique de l'établissement.
Les conséquences du vieillissement accéléré de la population japonaise focalisent l'attention du pays depuis quelques années. En effet, alors que le rapport entre les personnes les plus âgées et les plus jeunes se réduit, les cotisations sociales des personnes actives ne vont pas permettre à long terme de financer les coûts des soins de l'ensemble de la population.
Crise des vocations
Que ce soit à domicile ou en établissement, le problème majeur du système japonais reste celui de la masse salariale. La charge élevée de travail et les faibles rémunérations accordées ont engendré une crise des vocations dans ce secteur. Afin de palier temporairement à cette situation le Japon a conclu des accords de partenariat avec l'Indonésie et les Philippines autorisant des ressortissants de chacun de ces pays à venir travailler dans ce secteur. Si le système assurantiel proposé par le Japon peut paraitre séduisant, sa pérennité l'est beaucoup moins. Si le Japon veut assoir son dispositif dans un contexte d'évolution démographique, il devra l'ajuster et le compléter.