Catastrophe écologique, retraite, clause du « grand-père »... Tout est bon, pour que certains nous refassent le coup de la guerre entre les générations. Raisonnement simpliste, pour ne pas dire plus, qui permet d'éviter les sujets qui fâchent et la pensée en nuance.
Les « Boomers », nouveaux boucs émissaires...
Novembre 2019, la députée écologiste néo-zélandaise Chlöe Swarbrick, 25 ans, cloue le bec à un parlementaire senior cherchant à la déstabiliser lors de son intervention sur le réchauffement climatique, par un sonore « OK boomer ! ». L'expression a fait le tour des réseaux sociaux comme une critique acerbe de la génération du baby-boom : née entre 1946 et 1964, elle aurait connu la vie facile, le plein emploi et pollué la planète. Alors que les « millennials », nés entre 1980 et 2000, connaissent la précarité économique et sont sur la brèche pour préserver le climat. Et voilà, qu'à l'occasion des débats sur la réforme des retraites en France a surgi la « clause du grand-père » ou l'idée de réserver le futur système par points aux générations nées après 1975. Un bon moyen de réveiller la guerre des âges... Un bon moyen de réveiller les affrontements entre les générations, de laisser à penser que les plus jeunes sont toujours les sacrifiés... Sauf à penser que cette réforme est formidable et qu'il est donc inadmissible d'en priver les plus âgés !
Diplôme et culture, facteurs d'emploi
Rappelons que les boomers sont loin d'avoir tous eu une vie professionnelle facile, qu'une partie des jeunes d'aujourd'hui, ceux bien formés, sont en position de force sur le marché du travail. Le diplôme reste en effet le facteur principal d'accès à l'emploi, quelle que soit la génération. D'ailleurs, les entreprises devront changer leurs représentations sur les seniors tellement elles auront besoin de personnes qualifiées...
Côté écologie, là encore l'affrontement des âges est une billevesée. La question n'est pas celle des générations mais du contexte : difficile aujourd'hui de ne pas prendre conscience, quel que soit la génération, des effets et des menaces du réchauffement climatique... I l y a un consensus scientifique autour des rapports du GIEC, et cette conscience traverse les classes d'âges . Pour autant, de là à changer de comportements... Ainsi de l'utilisation effrénée de technologies particulièrement polluantes, mais invisibles (le papier a perdu la bataille culturelle face au numérique parce que le second est invisible contrairement au premier. Alors que le papier se recycle bien mieux). Reste qu'une partie des jeunes comme de nombreux aînés bouleversent la donne et les modes de consommation. Une partie seulement... Les jeunes à la pointe sont issus le plus souvent des milieux les plus favorisés, engagés et disposant d'outils culturels élevés. Rappelons, enfin, que si une partie des 18-39 ans sont très mobilisés en faveur de l'écologie, de nombreux aînés ont conservé souvent des habitudes de consommation plus sobres que leurs cadets. Et peuvent témoigner des changements : le « il n'y a plus de saison » est vraiment d'actualité !
Pourquoi ce « OK boomer » ?
Pourquoi cette facilité autour de l'opposition entre les générations ? Pauvreté de la pensée, fainéantise intellectuelle, comportement moutonnier... La liste est longue !
Petit rappel : le procédé fut identique au sommet de Rio en 1992 lorsqu'une sud-africaine de 12 ans, Severn Cullis-Suzuki, avait prononcé un discours virulant contre les adultes passifs et responsables de la situation. Une génération qui aujourd'hui dépasse la quarantaine...
Bref, OK Boomer, c'est bien du recyclage. Du recyclage de poncifs...
@Guerin_Serge
Professeur de sociologie à l'INSEEC SBE. Il vient de publier « Les Quincados », Calmann-Lévy et, en co-direction, « Médecines Complémentaires et Alternatives. Pour ou Contre ? », Michalon