Dans le rapport « Les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en Ehpad » publié en mai 2021, la Défenseure des droits recommande à plusieurs reprises de renforcer la formation des professionnels. Sarah Doszla, juriste en droit de la santé de l'institution, répond aux questions de la rédaction.
« Les directeurs d'établissement doivent aider leurs équipes à exercer leur métier le plus humainement possible »
Pourquoi est-il important de rappeler les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies dans les Ehpad ? Le nombre de saisines relatives à ce sujet est-il en augmentation ?
Nous avons reçu au cours des six dernières années 900 réclamations portant sur les conditions d'accompagnement médico-social, dont 80 % mettent en cause des Ehpad : 45 % des dossiers concernent un établissement public, 30 % un établissement privé associatif et 25 % un établissement privé commercial. La plupart des réclamations sont adressées par les familles des résidents, leurs tuteurs ou même des professionnels en activité au sein de la structure ou ayant démissionné. Depuis le début de l'année 2019, nous avons également mené des auditions auprès de l'ensemble des acteurs concernés - associations, syndicats, fédérations... -, effectué de nombreuses visites dans des Ehpad, publics et privés, et associé à nos travaux notre Comité d'entente sur l'avancée en âge qui réunit les associations, fédérations et l'ensemble des instances de concertation et de réflexion en la matière. Nous avons enfin sollicité l'ensemble des Agences régionales de santé pour qu'elles nous transmettent un état des lieux des réclamations et signalements, ainsi que la synthèse des inspections réalisées au cours des trois dernières années. C'est à partir de ces éléments que la Défenseure des droits a formulé des recommandations, avec l'objectif de faire respecter l'effectivité des droits fondamentaux des personnes âgées résidant en Ehpad.
Pour quelles raisons recommandez-vous de rendre obligatoire une formation initiale et continue à la bientraitance pour tous les professionnels intervenant dans l'accompagnement et le soin des résidents ?
Toutes les atteintes aux droits et libertés des résidents que nous avons constatées sont rendues possibles par la vulnérabilité de ces personnes, liée à leur perte d'autonomie, et sont constitutives de maltraitances et de discriminations. D'où l'importance d'une formation dédiée à la bientraitance qui soit très pédagogique : chaque professionnel doit par exemple savoir quelle situation signaler et auprès de qui. De plus, le personnel doit jongler avec des impératifs organisationnels qui peuvent être maltraitants, et il n'est pas rare que « croyant bien faire » on puisse être maltraitant. Ces formations apprennent à bien prendre soin et permettent aux professionnels de travailler de façon satisfaisante en reprenant goût à leur fonction. Cette bientraitance est aussi liée à la présence d'un nombre suffisant de personnel.
Le rapport évoque également le manque de préparation à la fin de vie en Ehpad. Comment y remédier ?
La question de la fin de vie n'est pas suffisamment anticipée. Depuis le début de la crise sanitaire, des familles nous ont alertés sur le fait que leur proche était décédé seul, et sans qu'elles puissent le revoir, mais d'une manière plus générale, nous avons observé que l'accès aux soins palliatifs et le nombre de personnes formées demeurent trop faibles. Or, comme l'indique la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), les structures qui ne peuvent pas s'appuyer sur du personnel interne formé pour accompagner la fin de vie des résidents enregistrent des taux d'hospitalisation en urgence beaucoup plus importants. La Défenseure des droits a donc recommandé de développer la formation et d'inscrire dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens le renforcement des partenariats avec des réseaux ou des équipes mobiles en soins palliatifs, et ce, afin que les personnes âgées ne décèdent pas dans un service d'urgence, seules, loin de leurs proches et de leur domicile.
La formation des professionnels à l'utilisation du dossier de liaison d'urgence paraît également insuffisante...
Les informations transmises par les Ehpad aux Samu et aux services d'urgence ne sont pas toujours exactes et complètes alors que, par exemple, mentionner la pathologie du résident et les traitements qu'il prend est essentiel. Les établissements doivent aussi mieux prendre en charge les situations d'urgence, notamment la nuit. Sur ce point, la Défenseure des droits a recommandé de promouvoir la permanence des soins de nuit grâce à la généralisation d'une présence infirmière.
Vos propositions en matière de formation initiale et continue peuvent-elles contribuer à renforcer l'attractivité des métiers du grand âge ?
L'atteinte aux droits des résidents a un impact sur les professionnels. D'où l'importance d'agir, mais aussi de valoriser les diplômes et les parcours professionnels, comme l'a préconisé Myriam El Khomri, ou encore d'augmenter le ratio minimal de personnels en Ehpad comme cela a été proposé par le Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge. Les directeurs d'établissement doivent aider leurs équipes à exercer leur métier comme le plus humainement et professionnellement possible.