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19/12/2024  - Étude de l'Irdes  17480

« Les Ehpad les plus chers ne sont pas les meilleurs »

Les différences de prix reflètent-elles des différences de qualité? Quel est le rôle joué par la concurrence dans la fixation des prix ? Deux économistes en santé ont calculé des indicateurs inédits décrivant la qualité des Ehpad et le niveau de concurrence entre les secteurs lucratif et non lucratif.


L'Institut de recherche en économie de la santé (Irdes) publie une étude titrée « Les Ehpad les plus chers ne sont pas les meilleurs » signée d'Anne Penneau et Zeynep Or et issue de la thèse de doctorat de la première (Paris-Dauphine, novembre 2022) sous la direction de la seconde.

Un des constats de départ : les résidents et leurs proches choisissent un Ehpad en fonction du tarif d'hébergement (qui varie de 1400 à 6000 euros), de la localisation et de la qualité qu'ils perçoivent (qu'elle soit financée ou non par le tarif d'hébergement) ... faute de pouvoir l'évaluer. En tant que consommateurs, il se fient au prix d'hébergement comme indicateur de qualité. Les autrices parlent d'asymétrie d'information : « la littérature montre que lorsque le niveau de qualité n'est pas facilement observable par les consommateurs, il existe un décalage entre le prix payé et la qualité des services reçus », expliquent-elles dans une interview.

La qualité en cinq dimensions

Dans cette étude remarquable, les deux économistes en santé ont apparié de manière originale des données de plusieurs sources, ce qui apporte de nouveaux éclairages sur le lien entre prix d'hébergement et qualité, ainsi que sur le rôle joué par la concurrence entre les secteurs non lucratif et lucratif. Pour cerner le « pouvoir de marché » du secteur lucratif elles ont construit un indicateur sur l'offre globale de places d'Ehpad à une heure de route de chaque commune française et la proportion de ces places appartenant au secteur privé lucratif.

Par ailleurs, elles ont élaboré une évaluation de la qualité en cinq dimensions documentées - une publication de ce travail inédit est prévue :

- La première évalue le niveau d'encadrement par le personnel soignant, à travers un indice qui prend en compte le nombre d'équivalents temps plein pour 100 résidents, de jour, de nuit et durant les week-ends, ainsi que les difficultés de recrutement déclarées et le taux de turnover du personnel ;

- La deuxième évalue l'accompagnement par le personnel non soignant (administration, lingerie, cuisine, animation, etc.) ;

- La troisième repose sur un indice de qualité du bâtiment, intégrant des critères comme l'ancienneté du bâtiment, la surface par résident, la présence d'un jardin, la climatisation des chambres et l'accessibilité aux fauteuils roulants et lits médicalisés ;

- La quatrième porte sur la coordination avec les acteurs externes, notamment à travers le recours à la télémédecine, aux équipes mobiles spécialisées et à l'hospitalisation à domicile ;

- La cinquième évalue les résultats en matière de soins pour les résidents, à partir de la fréquence des hospitalisations (réadmissions à 30 jours, admissions non programmées ou potentiellement évitables)

Quelques conclusions

Le secteur économique des Ehpad se caractérise par des contextes concurrentiels très différents sur le territoire. D'une part, certains départements sont nettement mieux dotés que d'autres en places d'hébergement et, d'autre part, le secteur privé lucratif représente dans certains départements la moitié ou plus des places disponibles, alors qu'il peut être très minoritaire ailleurs.

Les Ehpad privés lucratifs peu concurrencés par le secteur non lucratif ont des tarifs d'hébergement plus élevés, mais leurs résidents sont plus souvent hospitalisés.

Des tarifs d'hébergement plus élevés ne sont généralement pas associés à une meilleure qualité.

Les tarifs des établissements privés lucratifs sont d'autant plus élevés que la part du secteur non lucratif est plus faible.

Le pouvoir de marché plus important du secteur lucratif s'accompagne aussi d'une fréquence plus élevée des hospitalisations des résidents, ce qui interroge la qualité des soins fournis.

Anne Penneau et Zeynep Or insistent : « Il est essentiel de développer les outils de mesure de la qualité dans les Ehpad. Un suivi plus complet, standardisé et transparent d'indicateurs permettrait non seulement d'évaluer la performance des établissements de manière plus rigoureuse, de garantir un accompagnement de qualité plus équitable, mais également de réduire l'asymétrie d'information entre les gestionnaires, les résidents et leurs familles ».