Inspectrice générale des affaires sociales, Laure de la Bretèche a pris la tête du groupe Arpavie il y a quelques mois. Pour Géroscopie, elle dresse un bilan des actions et perspectives du Groupe. Interview.
"Les métiers du grand âge sont des métiers de vocation mais ils exposent à certains risques d'usure, physique ou psychologique".
Vous venez d'être nommée à la tête d'Arpavie. Comment percevez-vous le groupe ?
Arpavie, c'est avant tout le « chez soi » d'environ 10.000 personnes âgées. L'association est leur maison, soit dans ses 79 résidences autonomie, soit dans ses 45 EHPAD, avec 3000 collaborateurs au service de leur vie quotidienne, de leur vie sociale, de leurs soins et de leur sécurité. Nous avons également une résidence services et un service de soins infirmiers à domicile.
Depuis mon arrivée, j'ai passé en priorité du temps à rencontrer les équipes et j'y ai trouvé une magnifique capacité d'engagement ; on l'a vu pendant les grèves des transports de la fin d'année dernière car beaucoup de nos établissements sont en Ile de France. On l'a vu encore plus lors de la mobilisation nationale pour freiner l'épidémie de Covid-19 et assurer la continuité de prise en charge des résidents. Les collaborateurs se sont organisés pour être toujours présents.
La priorité fondamentale d'Arpavie est la qualité de service pour ses résidents et c'est une priorité exigeante qui commande toutes les autres : un parc immobilier qui doit permettre cette qualité, des équipes réactives auprès d'eux, un renouvellement des pratiques selon les besoins des personnes et leur évolution. Et cette qualité de service doit donner à plein dans la période de crise sanitaire que nous vivons en ce printemps !
Le secteur associatif n'est pas toujours bien perçu du grand public. Comment changer son image et impulser de nouvelles dynamiques ?
Votre question me fait très plaisir car oui, vous avez raison le secteur associatif n'est pas « perçu », au sens où il n'est pas identifié tout simplement ! notre secteur, celui du privé solidaire, est une solution pour tous, Français à faibles ressources et des classes moyennes. Nous devons davantage communiquer sur nos innovations, nos valeurs et l'excellence de nos métiers.
Par rapport à beaucoup d'autres pays, la place du secteur privé solidaire est moins historique car les solutions publiques y ont longtemps été dominantes. Changer l'image, c'est d'abord parler de ce que nous faisons, de la variété de nos établissements et services, de notre présence au plus près des Français, de notre travail avec le secteur sanitaire et les collectivités territoriales.
On parle beaucoup de l'approche domiciliaire. Comment le groupe envisage-t-il de s'approprier cette philosophie ? Les résidences services sont-elles pour vous l'unique réponse ?
L'originalité d'Arpavie est de disposer d'un grand nombre de résidences autonomie. Plus de 5000 personnes âgées y ont leur domicile et partagent des services (assistance, restauration, animations, lingerie..), à des coûts abordables. Mais il est certain que l'un des défis de ces prochaines années est de mieux coordonner ces solutions avec le secteur domiciliaire, qui intervient d'ailleurs auprès de nos résidents. Nous avons un SSIAD chez Arpavie, mais c'est aussi par un travail de territoire avec nos partenaires que nous répondrons le mieux aux besoins et leurs évolutions. Et à l'inverse, nous pensons que l'EHPAD peut être le réceptacle d'un travail en plateforme, ouvert sur la ville. Une première plateforme verra bientôt le jour à Villiers le Bel dans cet esprit.
Vous êtes depuis octobre 2018 vice-présidente de la filière silver eco. Pourquoi ce secteur peine t-il autant à s'imposer ?
A la différence d'autres filières, la silver économie se caractérise par une difficulté à rapprocher prescripteurs, bénéficiaires et entreprises. Les innovations réelles et dynamiques du secteur ont besoin de s'arrimer à des acteurs économiques solides et, en même temps, d'être repérés par les institutionnels (départements, associations gestionnaires, médecins..) pour enclencher leur développement. La réunion de ces trois conditions, à une échelle suffisante, s'avère particulièrement difficile. Il est nécessaire que le diagnostic des besoins soit validé et porté par une forme de commande politique nationale. LA loi Grand âge et autonomie est certainement une occasion de bien articuler le rôle de chacun.
Quelles sont la réflexion et les actions d'Arpavie pour améliorer l'attractivité des métiers, un sujet particulièrement sensible ?
Accompagner la vie des personnes âgées est un métier qui engage et pour beaucoup une vocation. Au-delà des questions liées aux ratios définis par les pouvoirs publics, c'est-à-dire le nombre de personnes pouvant raisonnablement être prises en charge par les personnels, il y a plusieurs chantiers en cours pour Arpavie : les formations ; les questions éthiques et, un sujet plus complexe qui demande de réfléchir à plusieurs, les parcours professionnels : les métiers du grand âge sont des métiers de vocation mais ils exposent à certains risques d'usure, physique ou psychologique. Il faut aider aux reconversions et nous souhaitons y réfléchir avec les autres acteurs du secteur.
En tant que directrice déléguée des retraites et de la solidarité à la Caisse des Dépôts, quelles interactions avec Arpavie ou avec le secteur médico-social dans son ensemble envisagez-vous ?
La Caisse des Dépôts a reçu de son directeur général, Eric Lombard, la mission de lutter contre les fractures territoriales et les inégalités sociales. Son engagement renouvelé dans la gouvernance d'Arpavie, avec une présidente en activité au coeur de la Caisse des Dépôts, en est une traduction concrète. La Caisse des Dépôts participe aux travaux de préparation de la loi Grand Age et autonomie ; elle peut soutenir les transformations du secteur que vous avez évoquées : mutation des EHPAD, lien nouveau avec le secteur du domicile, accompagnement des projets de collectivités locales.
Le Conseil d'administration d'Arpavie s'est étoffé de représentants de groupes concurrents. Faut-il y voir les prémices d'une fusion, un opérateur unique ?
Pour affronter le défi de l'accompagnement des personnes âgées dans les 30 années à venir, il est moins question de concurrence que de complémentarité. Les besoins sont très importants. Je souhaite, en renforçant les liens avec des acteurs du secteur (Partage et Vie, ADEF résidences), accroitre notre impact et notre réactivité à l'urgence. Nous avons des valeurs communes et ce qui nous réunit est bien plus fort que nos histoires distinctes. Dans les trois cas d'ailleurs, ce sont des organisations assez jeunes. La présence de la FNMF via son directeur général donne aussi à nos échanges en conseil d'administration une vue plus large sur les interconnexions évidentes avec les questions de santé et de solvabilisation des personnes.
Enfin CDC Habitat pourrait investir dans la création ou la rénovation d'Ehpad associatifs. Est-ce une priorité ? Souhaitable ?
CDC Habitat s'est doté d'une foncière tout récemment qui aura effectivement pour mission d'appuyer le secteur associatif dans sa gestion immobilière. Une association ad hoc, La clé solidaire, renforce ce dispositif. C'est le signe que le groupe CDC a bien la volonté de traduire en actes très concrets son soutien