Dans le cadre du projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? », lancé en mai par le Laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques (LIEPP) de Sciences Po, et dont les travaux viennent de donner lieu à co-édition par Les Presses de Sciences Po/LeMonde, quatre chercheurs, Annie Dussuet, François-Xavier Devetter, Laura Nirello, Emmanuelle Puissant se sont penchés sur les conditions de travail des métiers du vieillissement. Avec l'aimable autorisation des Presses de Science Po, Géroscopie en publie ici la contribution (hors références bibliographiques).
« Les métiers du vieillissement, essentiels et pourtant insoutenables »
La crise du Covid a rendu encore plus évident le caractère essentiel des métiers du Grand âge. L'allongement de l'espérance de vie s'accompagne en effet de l'apparition de limitations fonctionnelles, de façon plus ou moins accentuée suivant les catégories sociales. Celles-ci se traduisent pour une partie importante de la population par la nécessité d'un accompagnement destiné à maintenir le maximum d'autonomie et à favoriser des fins de vies dignes. Que ce soit à domicile ou en établissement, cet accompagnement nécessite l'intervention de personnes aguerries, non pas tant pour « soigner » des pathologies, mais pour « prendre soin » (care) de personnes devenues plus vulnérables avec l'âge. Il s'agit donc d'adapter les caractéristiques de chaque intervention : suffisante pour garantir la sécurité et la qualité de vie des personnes âgées aidées, mais pas trop intrusive, afin d'éviter de précipiter la perte d'autonomie. Pourtant, les acteurs du secteur attendent toujours la fameuse Loi Grand Âge, sans cesse annoncée et repoussée, alors que les rapports institutionnels et les recherches académiques se succèdent et alertent tous sur la faible qualité des emplois et du travail dans ce secteur, notamment en termes de faiblesse des rémunérations, mais aussi en termes de pénibilité et d'usure professionnelle qui en découle.
Or, ces métiers du grand âge, qui se concentrent dans les Ehpad et l'aide à domicile, sont indirectement déterminés par des financements et réglementations publiques, à la fois sur les plans quantitatif (nombre de création d'emplois) et qualitatif (qualité des emplois créés et qualité des conditions de travail). En quoi les politiques publiques actuelles contribuent-elles à la faible rémunération, au déficit de reconnaissance symbolique et matérielle et aux mauvaises conditions de travail constatées de ces emplois ?
Après un bref panorama sur qui sont les travailleuses des secteurs du vieillissement et sur leurs conditions de travail (partie 1), nous reviendrons sur le rôle joué par les politiques publiques (partie 2).
1- Des travailleuses aux conditions d'emploi difficiles
Les personnes qui prennent en charge les personnes en perte d'autonomie (personnes âgées et/ou en situation de handicap) relèvent principalement de quatre métiers : les agent.es de services hospitaliers (ASH), les aides-soignantes (AS), les aides médico-psychologiques (AMP) et les aides à domicile (AD).
Au total ce sont près d'un million de personnes (dont environ la moitié, essentiellement les aides à domicile, peuvent également être considérées comme participant aux emplois du nettoyage. On compte ainsi plus de 550 000 salariées dans l'aide à domicile et près de 400 000 dans les structures d'hébergement médico-sociales, notamment les Ehpad. Ces salariées du « care » se caractérisent également par une moyenne d'âge plutôt plus élevée que celle de l'ensemble des salarié.es (âge moyen de 43 ans pour l'hébergement médico-social et plus de 47 ans dans l'aide à domicile). Ces métiers sont en effet souvent exercés en seconde partie de carrière, soit après une longue période d'inactivité, soit après un licenciement, par exemple dans l'industrie. Ces emplois ne s'inscrivent ainsi que rarement dans des projets de carrière et sont, au-delà de la faible rémunération, marqués par des pénibilités multiples à la fois d'ordre physique et psycho-social.
Bas salaires et pauvreté
Le premier fait marquant des métiers du Grand âge est le bas niveau des salaires. Pour les quatre métiers identifiés...