Entretien avec Marie-Pierre Faure, podo-orthésiste et podologue, établissements Podargos (Paris).
« Les personnes âgées perdent trop rapidement la marche en Ehpad »
« Nous sommes nombreux à constater et à déplorer que les personnes qui entrent en Ehpad perdent rapidement la marche : peu de sorties extérieures leur sont proposées et souvent, par manque de personnel ou pour aller plus vite, les professionnels optent pour des transferts en fauteuil roulant. Par ailleurs, le chaussage évolue vite vers des pantoufles. Or le fait de moins marcher entraîne rapidement une mauvaise répartition des appuis, un déficit musculaire et donc une perte d'autonomie. La crise sanitaire a encore dégradé la situation en maintenant les personnes âgées pendant des mois dans leur chambre.
J'ai le souvenir d'une patiente hémiplégique dont l'un des pieds était déformé en varus. Grâce au suivi assuré par un médecin, un kiné et moi-même, sa marche était préservée. La situation s'est malheureusement détériorée très rapidement lorsqu'elle est entrée en Ehpad...
Une autre difficulté tient au combat que doivent mener les familles pour obtenir des séances de kinésithérapie ou le renouvellement de chaussures orthopédiques par exemple. Il existe d'ailleurs peu de salles de rééducation ou dédiées aux soins des pieds.
Quant aux interventions de pédicurie et de podologie, nous sommes scandalisés par le fait que certains établissements imposent des conventions mentionnant des tarifs inférieurs à ce qui se pratique en cabinet. Ceux qui acceptent ce genre d'accords sont soit des jeunes en début de carrière, soit des professionnels qui travailleront "au plus vite". D'autres établissements demandent des patentes - avec un versement mensuel qui peut atteindre 50 euros - pour exercer chez eux. Or le droit de travailler ne se paye pas, surtout pour des soins en chambre.
Si dans les textes, chaque résident peut faire appel au professionnel de son choix, les établissements font valoir que celui qu'ils ont sélectionné est moins cher - et pour cause ! -, et assure des interventions régulières.
Ce manque d'attention à la santé des pieds se retrouve aussi dans le comportement des pouvoirs publics à notre égard : les tarifs des actes en podologie et en podo-orthèse n'ont pas été revalorisés depuis plus de dix ans... »