Dans le n° 164-novembre 2024  - Pauline Allain, présidente du Groupement des animateurs en gérontologie (GAG)  17268

« Les structures ont compris qu'elles n'avaient pas intérêt à rogner sur la vie sociale »

Alors que s'ouvre dans quelques jours le Congrès national des animateurs en gérontologie (CNAAG), Pauline Allain revient pour Géroscopie sur le rôle et la place des animateurs. Entretien.

Combien y a-t-il d'animateurs aujourd'hui exerçant auprès des plus âgés ?

Il y a en France aux alentours de 12 000 animateurs. En 2017, notre enquête métier recensait un animateur pour 64 résidents. Notre nouvelle enquête démontre une légère amélioration de ce taux qu'il nous faut encore analyser pour le mettre en corrélation avec les réalités du secteur. Le chiffre final sera dévoilé le 26 novembre au congrès de Poitiers. Nous ne savons pas encore très bien si cette légère embellie est le fruit d'embauches supplémentaires ou si elle est simplement liée à une baisse du taux d'occupation dans les établissements. Nous sommes de toutes façons encore bien loin de notre revendication d'un animateur pour 30 personnes accompagnées

La place des animateurs a-t-elle changé aujourd'hui ? Est-elle mieux comprise ?

Les diplômes sont bien représentés, ce qui tend à prouver que les postes sont de plus en plus professionnalisés. Mais on sait aussi, en dehors de l'enquête métier, que les autorités de tutelle reconnaissent et recommandent, voire exigent (selon les territoires) des animateurs mieux formés, et détenteurs au minimum du BPJEPS animation sociale (brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport). C'est plutôt une bonne nouvelle car c'est le signe d'une reconnaissance de nos métiers.

Le nouveau bac pro participe-t-il de cette évolution ?

Il est encore un petit tôt pour le dire car les premiers diplômés sont sortis en juin dernier, mais si certains sont entrés directement dans la vie active, d'autres ont certainement poursuivi leurs études, s'orientant vers des BPJEPS. Le bac pro commence à être reconnu sur les territoires mais le ministère de la Jeunesse et des Sports peine à s'accorder avec l'éducation nationale, ce qui rend encore certaines transitions brinquebalantes. Mais nous sommes sur la bonne voie car les jeunes se forment et s'engagent dans des DUT carrières sociales. Cela crée des professionnels qui ont une capacité d'analyse et de réflexion très intéressante.

Développez-vous des actions de mentorat ?

Nous réalisons plutôt du tutorat. De plus en plus de jeunes en bac pro, BTS, service civique s'engagent dans nos structures. Pour accueillir cette nouvelle demande, le Gag propose d'ailleurs une formation au tutorat. C'était une demande forte des animateurs à laquelle nous tenions à répondre. Pour la financer, les animateurs se réunissent et se regroupent sur les territoires.

Quelles sont précisément les actions du Gag ?

Notre association a pour vocation d'accompagner et représenter les animateurs qui interviennent auprès des personnes âgées, en structures médico-sociales (Ehpad, USLD, hôpitaux gériatriques) mais aussi à domicile, en CCAS, résidences seniors, maisons de quartiers, centres sociaux... Il y a de plus en plus de dispositifs d'accompagnement des personnes âgées.

Pour ce faire, nous avons développé un ensemble de solutions. Notre site internet d'abord, www.anim-gag.fr, qui recense toutes les informations professionnelles sur le métier d'animateur. Pour les supports d'animation, la plateforme CulturàVie. Elle concentre des idées développées et déposées par les animateurs eux-mêmes pour d'autres animateurs. L'accès se fait par abonnement du département dont dépend l'établissement. Aujourd'hui, plus de la moitié des départements français sont abonnés. Nous voulions créer un dispositif qui évite d'imputer le coût de l'abonnement aux structures car les budgets d'animation sont très limités.

En 2022, nous avons aussi créé les repères déontologiques de l'animateur, au nombre de huit aujourd'hui. Et en 2024, une commission de déontologie, ouverte à tous, dès lors qu'elle concerne une situation vécue, en rapport avec la vie sociale et les droits universels des personnes. Cela nous a semblé utile car le métier d'animateur n'est pas une profession réglementée et cela nous importe de mettre en place des garde-fous.

Quels sont les grands enseignements de votre dernière enquête métier ?

Le premier est le fort taux de réponse des animateurs. Nous enregistrons plus de 1 100 réponses dont 700 exploitables. C'est énorme car l'enquête est longue et ne compte pas moins de 60 questions dont certaines difficiles. Les animateurs de Loire Atlantique et des Deux Sèvres se sont particulièrement mobilisés. Le second enseignement est la professionnalisation et l'engagement des professionnels. Les animateurs soulignent une autonomie et une liberté croissantes au sein des structures. On observe également une augmentation des budgets d'animation (même si les animateurs les jugent toujours insuffisants). Il faut noter que les dispositifs proposés à l'achat sont de plus en plus onéreux. On ne peut pas les imputer dans un budget annuel, car on ne pourrait plus mener aucune action.

Pourquoi avez-vous choisi le thème de l'intergénération pour votre prochain congrès ?

L'an dernier, nous avons vécu un magnifique congrès avec l'AD-PA, association des directeurs. On s'est vraiment régalé mais les animateurs ont exprimé le besoin de se retrouver cette année entre animateurs pour y évoquer des sujets très concrets, de leur quotidien. L'intergénération est une des demandes majeures des personnes âgées dont on s'occupe. Répondre aux souhaits et aspirations des personnes est notre moteur, d'où le choix de cette thématique. En parallèle, on observe que les personnes âgées revendiquent leur utilité sociale et le droit à la parole. La transmission est très valorisante pour les personnes âgées. Il nous faut l'accompagner.

Comment vivez-vous l'intergénérationnel sur le terrain ?

Nous avons mené de nombreuses enquêtes sur les activités menées dans les structures. L'intergénérationnel y est très représenté. Des dispositifs de tiers-lieux ou d'établissements ouverts ont été développés récemment mais la réalité, c'est que depuis des années, les animateurs créent des partenariats sur les territoires avec les crèches, les écoles, les jeunes et les moins jeunes, les organismes de formation... Ça existe depuis très longtemps.

D'ailleurs, les Anim'awards sont la preuve de cette vitalité. 25 dossiers très intéressants ont été déposés, et annoncent une belle cuvée 2024.

À l'heure des restrictions budgétaires, quelles sont les perspectives de vos métiers ?

En effet, le climat est morose, mais ces dernières années nous montrent un changement de regard sur les établissements. Les Ehpad ne veulent plus être des lieux de soins mais des maisons à vivre, des espaces de vie sociale. La professionnalisation des animateurs leur permet de mieux s'affirmer pour travailler en collaboration avec les directions, les seconder dans la coordination de la vie sociale des structures. Cela concerne les résidents mais aussi les collègues car pour transformer l'image des Ehpad, il faut accepter le fait que la vie sociale est partout et tout le temps. Elle ne peut plus dépendre d'un seul animateur isolé. On voit aussi de plus en plus de postes d'animateurs coordonnateurs (Bac+2) qui, grâce à leur capacité d'analyse, peuvent se positionner comme animateur cadre, voire chef de service. Les structures ont compris qu'elles n'avaient pas intérêt à rogner sur la vie sociale, véritable vitrine des Ehpad, pour susciter du désir chez d'éventuels futurs résidents.

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