Trois questions à Frédéric Serrière, conseiller en stratégie pour les directions générales sur les questions du vieillissement démographique, marché des Seniors et Silver Économie depuis plus de 15 ans et fondateur du Think Tank Age Economy.
« Les technologies qui s'imposeront sont celles permettant une réduction des coûts »
Quelles sont les priorités des EHPAD en terme de digitalisation ?
La numérisation des EHPAD s'articule autour de quatre axes prioritaires : les données de santé ; la gestion des bâtiments intelligents ; la sécurité des flux d'information et celle des résidents ; le maintien du lien social des résidents notamment avec leurs familles. Actuellement, chaque semaine, un directeur d'EHPAD peut être contacté pour se voir proposer 4 à 5 solutions différentes.
Le marché de la Silver Économie répond-ils aux besoins des établissements ?
Nous venons d'achever une étude AgeingFit* menée dans quatre pays européens (Royaume-Uni, France, Allemagne, Espagne) sur ce que les EHPAD pensent des nouvelles technologies. 40 directeurs d'EHPAD et 40 employés dans chaque pays ont été interrogés. Il apparaît que les établissements se plaignent de recevoir trop de solutions qui ne sont pas testées, très partielles, pas évolutives et ne répondant pas à toutes les problématiques des structures pour personnes âgées. Certaines innovations technologiques nécessitent de lourds aménagements du bâti ou ne peuvent être installées que dans le cadre d'une réhabilitation ou d'une construction d'EHPAD. Les acteurs de la Silver Économie doivent passer plus de temps dans les EHPAD pour mieux appréhender les besoins des structures, des résidents et des équipes, tenir compte de l'hétérogénéité des structures entre le secteur public, associatif ou commercial, identifier des directeurs qui sont leaders sur leur territoire et qui ont un budget de fonctionnement pour s'équiper. Il faut savoir que toutes les innovations technologiques qui ont reçu des prix entre 2013 et 2016 n'existent plus aujourd'hui.
La question du financement reste encore un frein important. Plusieurs établissement interrogés ont pu tester certaines de ces solutions pilotes grâce au financement de fonds européens mais n'ont pas le budget ensuite pour s'équiper. Toutes les solutions de surveillance qui dépassent un coût de 400 € par chambre n'ont pas d'avenir. Par exemple, certaines solutions de sols "intelligents" reviennent pour l'instant à 2000 € par chambre. Mais le marché évolue très vite, certaines solutions vont devenir très vite obsolètes et les prix vont baisser.
Quelles sont les solutions qui s'imposeront ?
Les solutions technologiques qui s'imposeront seront celles qui permettront une réduction des coûts pour les EHPAD tout en assurant un meilleur service. Cela passe par la baisse du coût des erreurs médicamenteuses, la lutte contre le gaspillage alimentaire, les solutions pour soulager ou réduire la charge du personnel et donc l'absentéisme. On peut citer notamment les exosquelettes, les robots d'assistance pour emmener un résident aux toilettes sans assistance humaine, les logiciels qui vont simplifier les taches du personnel. Au niveau des start-up, ça va "écrémer". Par exemple, pour renforcer sa présence dans les EHPAD et résidences services seniors, SeniorAdom, qui a développé un dispositif de détection automatique des situations anormales pouvant être la conséquence de chutes, malaises ou le signe d'un début de fragilité, vient de s'associer à Technosens, société créatrice d'E-lio, une plateforme de services du médico-social en marque blanche allant du lien social à la télémédecine. Grâce à cette concentration des acteurs, des offres plus claires, plus robustes, plus complètes vont émerger.