Le bien vieillir implique d'abord que l'environnement s'adapte aux réalités des personnes qui avancent en âge. Pourtant, trop souvent, les politiques publiques, l'absence de pensée et la culture du tout techno, font exactement l'inverse.
Les vieux sont lents ? Tant mieux !
Un environnement qui s'adapte, c'est sans doute d'abord de le penser au niveau du bassin de vie réel, là où les échanges, la civilité, les lieux du lien sont les plus évidents, simples et partagés. Là où la transition énergétique pourrait plus facilement devenir réalité.
Dans une chronique récente, j'ai évoqué le lien entre transition énergétique et transition démographique, en m'appuyant sur la problématique du logement et de la précarité énergétique que subissent de nombreux seniors. Mais une société de la longévité durable implique aussi la prise en compte des enjeux de mobilité. Trop souvent les plus âgés sont les oubliés des acteurs de la mobilité. Signalons d'abord qu'une idéologie de la modernité se plait à sur valoriser le déplacement, la vitesse et la mobilité. Trois valeurs qui sont associées à la jeunesse et tendent à évincer les lents, les prudents, les sédentaires... Bref, une série d'adjectifs à la connotation largement négatives. Et par ailleurs, très souvent associés aux vieux, à l'avancée en âge... Or, la lenteur, la proximité sont des ressources essentielles pour réussir la transition énergétique.
Quel rapport au territoire ?
Cette société de la longévité durable est aussi interrogée par le développement des technologies numériques qui change le rapport au territoire avec la possibilité d'une présence virtuelle. Sans compter des innovations en transport qui accélèrent la rapidité de certains déplacements, tout en en rendant d'autres bien moins aisés. Pour autant, jamais le territoire, la proximité, le bassin de vie n'a été aussi important. En particulier pour les plus âgés.
En effet, pour les aînés, bien vivre sur son territoire est un enjeu majeur. C'est une condition essentielle du bien vieillir. Il y a bien souvent une relation personnelle entre l'aîné et son territoire.
Vieillir est-ce s'adapter à un lieu de vie ?
Non, le bien vieillir implique d'abord que l'environnement s'adapte aux réalités des personnes qui avancent en âge. Chaque personne recherche un environnement quotidien à la fois sécurisant et offrant un maximum de liberté personnelle, un territoire de vie fait de liens sociaux, de possibilités de rencontres interpersonnelles, de commerces de proximité et d'équipements et acteurs de santé. Si les outils numériques peuvent contribuer à rapprocher les distances, la question majeure reste celle de l'accessibilité aux services et de la force des réseaux relationnels. Autrement dit, il faut aussi penser avec les pieds, prendre en compte la zone de proximité où se déplacent et vivent les personnes. Et plus particulièrement les aînés globalement moins mobiles -ou plutôt moins rapide dans leur mobilité-, et qui privilégient les distances courtes. Une excellente étude publiée par la Fondation I2ML, « Les lieux du bien vieillir », montre ainsi que dans le pays de Petite Camargue, les aînés déclarent être prêts à parcourir en moyenne 647 mètres pour se rendre de chez eux à un endroit précis, type commerce de proximité.
A l'heure où la question de la décentralisation revient dans le débat, où la tentation de la recherche d'économie d'échelle et de gigantisme reste forte, la commune retrouve aussi ses lettres de noblesse.
Serge Guérin
Professeur à l'Inseec SBE directeur de MSc « Directeur des établissements de santé ». Auteur de Les Quincados , Calmann-Lévy, 2019 et co-auteur de Médecines Complémentaires et Alternatives. Pour et Contre ?, Michalon, 2019