A l'heure où le travail des soignants en EHPAD est systématiquement décrié, nous avons souhaité partager ce magnifique texte de François Beaudonnet, journaliste à France Télévisions, publié sur sa page personnelle Facebook.
Magnifique témoignage de François Beaudonnet, partagé sur Facebook
« Vous savez ? » « Oui, je sais, je vais monter au chevet de votre maman ».
Pourquoi ai-je demandé cela ? J'aurais dû m'en douter. Oui, bien sûr, elle savait. De loin, derrière la vitre, j'avais remarqué qu'elle avait les yeux rougis. Nous sommes le soir de Noel, il est presque minuit. Le bureau des aides-soignantes est sombre et silencieux. Au premier étage de la maison de retraite, ma mère vient de mourir. Cela faisait des jours qu'elle s'accrochait à la vie. Des jours et des nuits pendant lesquels le personnel de cet EHPAD (ehpad, quel affreux acronyme !) a été formidable d'humanité.
Plus tard, autour d'un café, l'une des 2 aides-soignantes de nuit m'a confiée, très émue : « cela va vous paraître étrange... mais avec ma collègue, on s'était dit qu'on voulait que « ça » arrive lorsque nous serions de garde. C'est bête. Mais nous voulions être là pour votre mère ».
Non, ce n'était ni « étrange » ni « bête ». Juste d'une gentillesse à pleurer.
Ce n'est que plus tard que j'ai repensé à la force de cette phrase. Cette nuit-là, elle ne m'a pas surpris.
Peut-être parce que pendant la semaine interminable où, dans la chambre 129, la petite chandelle de la vie était en train de vaciller, le personnel a fait preuve d'une incroyable délicatesse. Tout était fait pour entourer notre mère, avec discrétion. Et pour lui éviter de souffrir.
A nous, ses enfants, présents à son chevet, on nous a proposé de dormir sur place. Nuit et jour, on nous a porté du café, des jus de fruits, des biscuits. La veille de la mort de notre mère, l'une des deux aides-soignantes de l'équipe de nuit a fait la tournée des chambres avec un bonnet rouge de père Noël. Et c'était amusant parce qu'il se dressait tout seul sur sa tête. Ça n'a l'air de rien, mais faire sourire des personnes âgées seules et une famille qui voit partir l'un des siens, le soir où tout le monde réveillonne, eh bien, c'est faire preuve d'une grande générosité.
Alors voilà, je pourrais aussi vous dire que des membres du personnel de la maison de retraite sont venus aux obsèques, qu'elles (et oui, le personnel est presqu'exclusivement féminin) se sont même excusées d'être là : « oh, on l'aimait bien, vous savez ». Je pourrais aussi vous raconter plein d'autres petites attentions...
J'avais juste envie de rendre hommage à ces femmes qui, sans se mettre en avant, travaillent pour les autres, dans des établissements parfois critiqués.