Pour la première fois depuis les ministères Raffarin 2002-2005, le Gouvernement ne compte pas de responsable en charge des aînés. Pour la première fois, un président de la République explique combien les retraités " aisés " doivent être plus fiscalisés par solidarité avec les jeunes.
N'oubliez pas la transition démographique !
Ces deux faits marquent-ils un désintérêt pour les problématiques du grand âge et une vision de lutte des âges destinée à remplacer la lutte des classes ? Ou au contraire, manifeste-t-elle une volonté d'aborder la transition démographique de manière transversale et d'inventer de nouvelles approches et manières d'impliquer toutes les générations ? Ce serait, pour le coup, une formidable nouvelle !
La transition démographique, élément déterminant
A côté des deux transitions, énergétique et numérique, une troisième ne doit pas être oubliée : la transition démographique. Comme les deux autres, elle implique de réinventer notre rapport aux ressources (en ce cas publiques...), d'en rechercher de nouvelles et de transformer les comportements. Il est de tradition de placer les questions liées à la société de la longévité sous l'ombrelle du ministère de la santé et des affaires sociales. Comme si la question de l'allongement de la vie se résumait à la maladie et à la grande perte d'autonomie...
En termes de question sociale, le financement des retraites reste un sujet, certes économique, mais d'abord de représentation et de comportement. Côté ministère de la santé, on veut cependant croire que la prévention deviendra une priorité. L'alimentation, l'exercice physique et intellectuel, la protection face à la pollution sont des éléments déterminants pour réduire les risques de perte d'autonomie.
Améliorer le service de soin et de suivi
On parle beaucoup de déserts médicaux, d'insuffisance de prise en soin des plus âgés et des plus fragiles. Il y a pour le ministère de la santé, mais aussi celui de la Cohésion des territoires de Jacques Mézard, et pour le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'innovation, un formidable gisement d'amélioration du service de soin et du suivi des personnes en s'appuyant sur l'internet des objets, la télé-médecine, mais aussi via des innovations en termes d'organisation et de meilleure gestion des plannings, de réduction des tâches administratives effectuées par les médecins (dont la division par deux aurait, pour un coût bien moindre, un effet autrement plus rapide et certain que toutes les subventions à l'installation ou toutes les hausses du numerus clausus en école de médecine). Les innovations réalisées par le cabinet médical Ipso santé à Paris en sont un exemple frappant. Le suivi médical personnalisé y est facilité par le doublement du temps réel de soin par heure de consultation des médecins libérés des tâches administratives et par une pratique partagée au sein des équipes de santé.
Vers un volontariat service civique senior
Le ministère de l'éducation est aussi très directement concerné par les enjeux de la société de la longévité. Ne serait-ce que pour renforcer l'intégration dans le personnel enseignant de personnes ayant eu une première vie professionnelle. Pourquoi ne pas s'appuyer sur un vivier important de retraités qui souhaiteraient s'engager dans un volontariat service civique senior au bénéfice de l'accompagnement éducatif des enfants et des jeunes ?
Nous sommes dans une économie capitaliste d'obsolescence programmée des produits mais aussi des humains. Or la société de la longévité nécessite d'inverser la perspective pour mettre en son coeur une politique active de l'accompagnement de tous, et d'abord des personnes fragiles, et de soutien concret des acteurs -aidants bénévoles et professionnels- du " care ".
Serge Guérin
Sociologue, co-auteur de " La guerre des générations aura-t-elle lieu ? ", directeur de MSc " Directeur des établissements de santé ", Inseec Paris