Le dossier statutaire des D3S est au point mort. Depuis sa prise de fonction, il y a un an, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, n'a pas ouvert les négociations. Un dossier qui prend la poussière - depuis deux mandatures déjà - au grand dam des syndicats de directeurs d'EHPAD de l'hospitalière qui alertent, année après année, sur le déficit d'attractivité du corps.
Négociations statutaires D3S : ne vois-tu rien venir ?
Le temps faisant son oeuvre, les déclarations d'Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, en décembre dernier, sur les "carences managériales" des directeurs d'EHPAD publics hospitaliers semblent avoir été - plus ou moins - digérées par les syndicats de directeurs d'établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux (D3S). En revanche, l'absence de toute négociation statutaire, depuis un an, fait resurgir, pour le Syncass-CFDT, le CH-FO, le SMPS et l'Ufmict-CGT, le sentiment d'un manque de considération du rôle des chefs d'établissements. Et cette pilule aura plus de mal à passer, dans un contexte de difficultés croissantes pour les établissements.
" Nous n'avons aucune indication. Il n'y a d'ailleurs eu, depuis un an, aucune réunion avec la Direction générale de l'offre de soins (DGOS), ni réponse à nos demandes répétées d'un calendrier de concertation. Cela augure bien mal du " nouveau contrat social " annoncé par la ministre ", critique le CH-FO suite à sa rencontre le 29 mars avec la direction du cabinet de la Ministre des Solidarités et de la Santé. " L'amertume est forte car la parole de l'État n'a pas été tenue. L'engagement pris envers les corps de direction dans le protocole d'accord du 29 juillet 2011 n'est pas respecté. Il y a eu une amélioration du statut des directeurs d'hôpitaux (DH) et c'est tant mieux mais pour les D3S, le statut n'est pas à la hauteur ", déplore Emmanuel Sys, secrétaire national D3S du Syncass-CFDT.
Une fonction au plus mal
Le mécontentement des syndicats de directeurs de l'hospitalière est d'autant plus grand que la mandature précédente de Marisol Touraine n'avait déjà pas été marquée par les évolutions statutaires demandées. " Les D3S n'ont pas obtenu grand-chose sous les deux précédentes mandatures ! ", s'agace Pascal Martin, secrétaire général adjoint du CH-FO.
Pour les syndicats, il y a urgence à agir pour restaurer l'attractivité du corps des D3S. Les signaux d'alerte sont au rouge depuis plusieurs années : des conditions d'exercice difficiles, le nombre d'élèves D3S en formation en deçà des postes ouverts, la chute du nombre de candidats, les détachements massifs des D3S vers le corps des DH, des intérims qui se multiplient et qui se pérennisent, des vacances de chefferies qui n'attirent pas ou peu de candidats... En somme, alors que la filière D3S fête ses 20 ans cette année, la fonction se porte mal.
Mais si les syndicats de D3S sont unanimes sur les constats, les solutions attendues ne sont pas les mêmes. Le Syncass-CFDT, CH-FO et Ufmict-CGT sont en faveur de l'unicité des statuts entre les directeurs d'Hôpitaux (DH) et les directeurs d'établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux (D3S). De son côté, le SMPS - tout comme l'Association des directeurs d'hôpital (ADH) - est fermement opposé à cette fusion des corps DH/D3S et partisan d'une reconnaissance statutaire et indemnitaire des D3S en adéquation avec leurs responsabilités et en corrélation avec le statut des DH, selon le principe "à même type de responsabilités, même rémunération".
Absence de consensus
Les pouvoirs publics ont longtemps fait valoir cette absence d'unanimité des organisations syndicales pour éviter de trancher. " S'il n'y a pas consensus sur cette unicité des corps, elle est souhaitée par les trois syndicats qui représentent au total 83% des D3S ", rappelle Pascal Martin (CH-FO). Le syndicat soupçonne le cabinet de la Ministre de " se retrancher derrière la question du financement de la mesure ". " L'unicité statutaire DH/D3S n'est pas seulement une question financière pour les directeurs mais une reconnaissance du rôle des chefs d'établissement, un rapprochement identitaire entre DH et D3S. La démographie des corps plaide en faveur de l'unicité statutaire. Les pouvoirs publics souhaitent-ils l'assèchement du corps des D3S ?", interroge le représentant du CH-FO.
" Nombre de collègues sont épuisés, leurs conditions de travail deviennent de plus en plus dégradées. Les D3S sont en attente d'une meilleure reconnaissance qui passe par l'unicité des corps. Les D3S fuient le corps pour aller vers celui de DH. Cette perte des compétences dans le médico-social est compensée par le recours accru aux contractuels. Les élèves D3S sont toujours dans l'attente d'une revalorisation de leur régime indemnitaire inférieur de 1000 € à celui des DH. Pour ceux et celles qui sont l'avenir du corps des D3S, ce n'est pas cher payé !", considère Yves Richez, responsable du collectif des directeurs de l'Ufmict-CGT.
Pour le Syncass-CFDT, l'unicité statutaire DH/D3S va dans le sens de l'avenir des établissements et de l'évolution du secteur médico-social. " Les D3S compte 5% d'effectifs en moins depuis 3 ans. Certains postes isolés, et certaines régions sont moins attractives, ce qui explique en partie la vacances de postes. En 2007, il y avait 300 EHPAD publics hospitaliers qui avaient un budget de moins de 2 millions d'euros. Aujourd'hui, on en compte 30. C'est bien là le signe que la restructuration des établissements est à l'oeuvre sur les territoires. La vision monolithique d'un D3S qui passe toute sa carrière à la tête d'un EHPAD de 90 lits, c'est du passé, c'est dépassé. Les D3S vont vers une carrière plurielle, transversale sur les différents champs personnes âgées, personnes handicapées, protection de l'enfance ou le secteur sanitaire, et sur plusieurs établissements. 12% des D3S demandent un détachement vers le corps des DH. L'évolution statutaire est au service de la santé publique. L'unicité statutaire D3S/DH est une évidence. Ça se fera ! Ça prendra 2 ou 5 ans, mais ça se fera !", affirme Emmanuel Sys.