La perte d'attractivité du corps de directeurs d'établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux (D3S) se poursuit. Vacances de postes de chefs d'établissement, intérims qui se prolongent : le pilotage de plusieurs dizaines d'EHPAD de la fonction publique hospitalière est fragilisé et les conditions d'exercice pour les directeurs se dégradent. Les syndicats de D3S réclament - en vain pour le moment - l'ouverture de négociations statutaires.
Négociations statutaires des D3S : 11 ans d'inertie
A chaque commission administrative paritaire nationale (CAPN), le constat se confirme : le corps des directeurs d'établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux (D3S) s'érode progressivement avec une perte continue des effectifs. Selon le Centre national de gestion (CNG), depuis 2015, l'effectif des D3S a diminué de 6,6 %. Au-delà des départs à la retraite, cette baisse des effectifs s'explique par le nombre de détachements puis d'intégrations de D3S dans le corps des DH [directeurs d'hôpitaux] qui s'amplifie. Faute de candidatures, les vacances de postes de chefs d'établissement et d'adjoints se multiplient et les intérims de direction se prolongent, ce qui fragilise le pilotage d'établissements de plus en plus nombreux. « La quasi-totalité d'une promotion recrutée chaque année part en détachement dans le corps de DH ou dans d'autres fonctions publiques. Les élèves partent car ils estiment que les conditions statutaires ne leur conviennent pas. Et si on laisse le statut tel quel, on ne répond pas à la demande. Il y a aujourd'hui des dizaines de postes de chefs d'établissement qui en dépit de publications régulières ne trouvent pas preneurs. La moitié des chefferies D3S n'ont pas trouvé preneurs à la dernière CAPN. Et ce, pour différentes raisons : ce sont des régions isolées, la situation financière des établissements est très compliquée, il y a des difficultés relationnelles locales soit avec le personnel, soit avec les élus locaux soit avec l'ARS », explique Yves Richez, responsable du collectif des directeurs de l'Ufmict-CGT.
Pour répondre à cette perte d'attractivité de la fonction, les syndicats de D3S réclament l'ouverture de négociations pour de réelles évolutions statutaires sur les conditions de travail et la rémunération. « Il est temps que les lignes bougent ! Le protocole du 28 février 2008 sur le plan statutaire n'a pas été honoré, ce fut une première offense, un reniement de la parole de l'Etat et une non-reconnaissance du rôle des directeurs d'établissements. Dans le protocole du 29 juillet 2011, le volet n°3 qui concerne les D3S reprend, dans sa première phrase, cette zone blanche. Au moment où le nouveau gouvernement s'est installé en 2017, il y avait déjà une mandature blanche voire deux », fulmine Pascal Martin, secrétaire général adjoint du CH-FO, « nous sommes maintenant en 2019 et nous n'attendrons pas une nouvelle mandature ! Les collègues sont en colère, ils sont à bout. C'est regrettable, méprisant et scandaleux. Il faut que les négociations statutaires s'ouvrent dans l'optique qui est la nôtre, celle de l'unicité statutaire. Ce sera un chantier énorme car il faudra discuter de nombreuses questions : quelle formation ? Un seul métier ou pas ? Quelles répercussions sur le corps professionnel et sur l'école [EHESP, École des hautes études en santé publique] ? »
Absence d'unité syndicale
Pour justifier cette inertie du dialogue social, le ministère des Solidarités et de la Santé fait valoir l'absence d'unanimité des organisations syndicales sur les revendications statutaires. En effet, pour le Syncass-CFDT, le CH-FO et l'Ufmict-CGT, la voie à prendre est celle de l'unicité statutaire des corps de directeurs d'Hôpitaux et des directeurs d'établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux. Mais de son côté, le SMPS - à l'instar de l'Association des directeurs d'hôpital (ADH) - s'oppose à cette "fusion des corps DH/D3S " et souhaite obtenir pour les D3S, une même grille indiciaire, une même grille indemnitaire, et un même avancement que les DH selon le principe "à même type de responsabilités, même rémunération". « Il n'y a pas d'unité syndicale pour faire avancer le dossier. Le Syncass-CFDT, le syndicat majoritaire, reste sur sa position de fusion des corps et n'obtient rien car le gouvernement actuel, comme les précédents, est opposé à cette fusion des corps. Nous devrions plutôt agir ensemble pour une reconnaissance de la spécificité et de la singularité du métier et une reconnaissance financière de nos spécificités », considère Frédéric Cecchin, vice-président de la catégorie D3S au SMPS. « Les DH, les directeurs de soins, les ingénieurs, les attachés l'ont obtenue, les seuls à ne pas l'avoir obtenue sont les D3S. Le SYNCASS-CFDT qui demande la reconnaissance de la spécificité des aides-soignants dans les EHPAD ne le demande pas pour les directeurs, c'est surprenant », tacle-t-il. « Les syndicats représentés en CAPN n'ont, dans leur ensemble, pas été en mesure d'entretenir la mobilisation et se sont bercé de mots pendant 18 derniers mois », juge Yves Richez (Ufmict-CGT).
Pour Emmanuel Sys, secrétaire national D3S du Syncass-CFDT, « le travail de persuasion continue de se faire en off très régulièrement. Il n'y a pas à ce stade de mandat donné [à la DGOS et au CNG] d'ouverture de négociations et on reste insatisfaits de la situation ». Et de poursuivre :
« On sent toutefois des signaux plus favorables qu'ils ne l'étaient. Le Syncass-CFDT et de manière plus large la Fédération CFDT santé sociaux et la CFDT ont obtenu lors des discussions dans le cadre du rapport Libault que la question statutaire soit évoquée dans cette perspective de la reconstruction de la prise en charge de la dépendance et de la connexion avec le monde sanitaire. Le rapport Libault illustre parfaitement la dimension transversale de la prise en charge faisant le pont entre le médico-social et le sanitaire. Cela inscrit dans cette logique de rapprochement des corps de direction. L'unicité statutaire est l'un des outils à la disposition d'une vision plus transversale de la prise en charge de la dépendance. Ce point a été entendu par Dominique Libault ». Reste à savoir s'il en sera de même au niveau du ministère...