Pascale Boistard est désormais secrétaire d'État chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Face à un secteur qui nécessite à la fois financement et organisation, la priorité de la nouvelle ministre est claire : mettre en oeuvre la loi Adaptation de la société au vieillissement pour juin 2016. Pour ce faire, Pascale Boistard va appliquer la méthode qu'elle a utilisée comme secrétaire d'Etat aux droits des Femmes : s'entourer d'experts, aller à la rencontre du terrain et s'appuyer sur la bonne volonté de tous. Et en premier lieu, celle des Conseils Départementaux.
"Nous avons attendu longtemps une volonté politique. Il est temps de passer aux actes !"
Le secteur est en attente des décrets de la loi ASV. Quel est votre calendrier dans ce domaine ?
Nous publierons la quasi-totalité des textes avant le 1er juillet 2016. Nous sommes dans un temps court et le calendrier suivra en conséquence Des concertations sont encore en cours. La mise en oeuvre financière se fera au fil des décrets. Je rappelle que l'ensemble des mesures contenues dans la loi, à hauteur de 700 millions d'euros par an, dont 453.6 millions pour la seule revalorisation de l'APA à domicile, sont entièrement financées par l'Etat. Ainsi une enveloppe de 25 millions a été débloquée pour les services d'aide et d'accompagnement à domicile. La circulaire est parue le 7 mars dernier et là aussi, le calendrier est serré. Les remontées aux ARS (Agences régionales de santé) doivent se faire au plus tard pour le mois de mai pour un versement des subventions en septembre. Vous le voyez, nous faisons vivre cette loi sur le terrain. La loi était attendue, l'enthousiasme est là.
Le temps politique est à la fois un temps long pour faire face au défi démographique et à l'évolution des attentes, et un temps court pour mettre en oeuvre...
Quel message souhaiteriez-vous faire passer pour la mise en oeuvre de cette loi ?
La loi d'adaptation de la société au vieillissement est une première loi, qui va en appeler d'autres, pour relever le défi démographique auquel nous sommes désormais confrontés. La volonté politique a trop longtemps manqué sur ce sujet du vieillissement de la population. Le gouvernement auquel j'appartiens a su mettre en oeuvre la dynamique nécessaire pour que la loi se fasse, se construise collectivement avec tous les acteurs concernés, dans un esprit volontaire et consensuel, sous l'égide de Michèle Delaunay dont l'action doit être saluée. Il est temps désormais de passer aux actes !
Ma méthode a toujours été la co-construction et ce, quelles que soient mes responsabilités. C'est une méthode fondée sur une écoute permanente. Ecouter ne signifie cependant pas répondre à toutes les attentes car il y a aussi un principe de réalité.
Le dialogue avec les départements est tendu. Que comptez-vous faire pour l'améliorer ?
Comme vous le savez, nos partenaires principaux pour la mise en oeuvre sont les départements. J'ai à coeur d'écouter tous les acteurs et j'écouterai donc les départements. J'en connais les disparités, je connais leurs contraintes, j'ai à l'esprit les politiques différenciées que les départements mènent chacun sur leur territoire, mais je sais aussi que nous pouvons compter sur la grande compétence de leurs élus et de leurs administrations. Nous comptons travailler en partenariat très étroit avec les départements : ils ont un savoir-faire et une expertise reconnus et issus du terrain. J'aimerais que ce soit en bonne intelligence même s'il y a, on le sait, des sujets en discussion. J'aimerais que ces discussions ne viennent pas impacter la mise en oeuvre de la loi. Nous devons tous avoir à l'esprit les bénéficiaires de la loi, au premier rang desquels les 700 000 bénéficiaires de l'APA, et les plus de 4 millions d'aidantes et d'aidants de personnes âgées, qui attendent avec impatience la mise en place du droit au répit. Tout le monde est appelé à ses responsabilités. J'ai confiance dans tous nos partenaires. Osons le terme, la démarche pour la construction de la loi et sa mise en place relève de la lettre et l'esprit de la démocratie participative C'est grâce à cette démarche qu'on répondra au mieux aux attentes des personnes âgées.
Cette démarche a permis un vote très large la loi. Aujourd'hui les départements grâce aux compétences qui relèvent de leur seul périmètre, doivent mettre en oeuvre cette mane supplémentaire qui apporte aux personnes âgées un bol d'air financier. Concrètement, pour un plan d'aide actuellement au plafond, la réforme de l'APA permettra d'accorder jusqu'à une heure d'aide à domicile supplémentaire par jour pour les personnes les plus dépendantes ou une heure par semaine pour les personnes avec une perte d'autonomie réduite.
Pour une personne très dépendante disposant de 1 500 euros de revenus mensuels et avec un plan d'aide au plafond, le reste à charge passera de 400 à 250 euros, soit une économie de 1 800 euros par an.
Tous les bénéficiaires de l'Allocation de solidarité avec les personnes âgées (ASPA,
ex-minimum vieillesse) pourront désormais bénéficier d'une prise en charge totale de leur plan d'aide. La réforme de l'APA à domicile permettra aux personnes âgées de bénéficier de plans d'aide plus conséquents et davantage diversifiés, avec une participation financière de leur part largement réduite, notamment pour les personnes les plus modestes et les plus dépendantes.
La quasi-totalité des bénéficiaires de l'APA à domicile (740 000 personnes) profiteront d'une baisse de leur reste à charge.
Les territoires pour la coordination risquent d'être redécoupés. Cela pose des questions...
Les départements sont pilotes et la loi renforce ce rôle. J'aimerais qu'on donne des instructions aux ARS pour favoriser la co-construction, avec les départements, d'un secteur où la disparité est grande : disparité de tarifs, disparité de poids des secteurs public/privé, disparités des structures... Il faudra aussi travailler sur l'efficacité face aux contraintes budgétaires. Je fais confiance aux départements pour créer des partenariats. La CNSA va contribuer à accompagner cette évolution.
Quelle communication envisagez-vous auprès du grand public ?
Je considère que mon rôle de secrétaire d'état, au-delà de la mise en oeuvre de la loi, est d'être une porte-parole. Par exemple le secteur de la Silver Economie, au travers des matériels, services et technologies, peut apporter un mieux-être à la fois aux personnes âgées et aux professionnels et, parfois, faire faire des économies. C'est un fleuron qui peut être mis en avant sur le territoire et à l'extérieur. J'ai eu à m'occuper, lorsque j'étais chargée des droits des femmes au gouvernement, de valoriser l'entreprenariat féminin français, et j'ai à coeur de faire la même chose dans ce secteur. Il faut pouvoir mettre en réseau tous les acteurs, chercheurs, industriels... pour montrer et valoriser l'excellence française, excellence au service du bien-être des autres. C'est un concept très intéressant et quand l'économie se met au service de l'humain, cela fait évoluer les choses et participe de la construction d'une société plus ouverte, plus attentive, plus bienveillante. Les dispositifs de la Silver Economie peuvent par exemple rompre ou prévenir de l'isolement, facteur reconnu de perte d'autonomie.
J'ai rencontré des acteurs de la Silver Economie. La structuration est en cours et je vais appuyer le travail déjà engagé. J'espère avoir la possibilité de lancer des expérimentations, avec des volontaires, soit par département, soit par établissement.
Les contraintes sur les tarifs hébergement entrainent des difficultés pour recruter... L'efficacité économique peut peser négativement sur la bientraitance. La tarification des EHPAD va être mise en oeuvre et j'aborde ce sujet de façon très pragmatique. Ainsi j'ai intégré à mon équipe M. Magnavacca qui gérait avant de me rejoindre 2 EHPAD publics, et Pauline Sassard qui a été chargée de projet puis chef de projet à l'Anap, principalement sur les thématiques médico-sociales. C'est une volonté de ma part que de m'entourer de personnes de terrain.
Les aidants, comme les personnes très âgées et les soignants, sont majoritairement des femmes. Avez-vous une vision personnelle ?
Le statut d'aidant est reconnu dans la loi ASV et c'est important pour les 4 millions d'aidants de personnes âgées (et pour l'ensemble des aidants, 8 millions au total). Avant le recours aux services à domicile, il y a toujours une forme d'organisation et des solutions de proximité. Je veux mettre en avant le rôle de ces personnes sans qui la société serait vraiment en difficulté. Reconnaître le droit au répit est, dans le même esprit, une reconnaissance de l'engagement des aidants.
Il faut travailler sur la revalorisation des aidants et également sur celle des diplômes et des métiers liés au grand âge. Face à la poussée démographique, nous devons être proactifs. On ne confie pas ses enfants ou ses parents à n'importe qui... Il faut que cette filière devienne une filière d'excellence ! Pour l'heure, les métiers de l'accompagnement des personnes âgées ont une image trop souvent négative et pourtant ils sont pleins de ressources pour les jeunes ou ceux qui cherchent un emploi. Je compte faire avancer d'autres sujets comme celui-ci.
Je suis dans la même situation que précédemment : à mon arrivée au secrétariat, j'ai géré la mise en oeuvre de la loi sur l'égalité des femmes et j'ai fait beaucoup d'autres choses !
Bio-express
Pascale Boistard est née le 4 janvier 1971 à Mont-de-Marsan (Landes)
Fonctions ministérielles
- Secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie, depuis février 2016
- Secrétaire d'État chargée des Droits des femmes, auprès de la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, d'août 2014 à février 2016
Fonctions électives
- Députée de la Somme depuis 2012
- Secrétaire de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale depuis 2012
- Adjointe au maire de Paris chargée de l'intégration et des étrangers non communautaires, de mars 2008 à juillet 2012
- Conseillère de Paris du 11ème arrondissement, de mars 2008 à septembre 2012
Fonctions politiques
- Membre du conseil national du PS, depuis 2005
- Première secrétaire de la fédération PS de la Somme, depuis 2012
Carrière
- Chargée de mission au cabinet du ministre délégué à l'Enseignement professionnel, 2001
- Conseillère parlementaire au cabinet du ministre délégué à l'Enseignement professionnel, 2001-2002
- De 2002 à 2011, elle rentre dans la fonction publique pour travailler au Ministère de la Jeunesse et des Sport en charge du suivi des réseaux nationaux de Jeunesse et d'Education Populaire.
Cursus
- DEA en sciences politiques, spécialisé sur les institutions européennes (Université Paris-VIII)