Présidente de la Fondation Médéric Alzheimer depuis deux ans, Hélène Jacquemont fédère associations, caisses de retraite et sociétés savantes autour du tout nouveau collectif « Alzheimer ensemble, construisons l'avenir ». Un nouveau pas pour tenter de relever les défis du vieillissement cognitif, à la veille de la journée mondiale de lutte contre la maladie d'Alzheimer. Explications.
« Nous devons déployer l'inventivité qui permettra d'assurer aux personnes malades et à leurs aidants les meilleures conditions de vie possibles »
Vous venez de lancer le collectif « Alzheimer ensemble, construisons l'avenir ». Quelles sont ses missions, ses objectifs ?
Il y a un an, la Fondation Médéric Alzheimer publiait "Alzheimer Ensemble" : 3 chantiers pour 2030. Ce plaidoyer identifiait 12 défis, mettait en lumière le rôle accru de la recherche en sciences humaines et sociales pour faire émerger des solutions innovantes et s'achevait par un appel à l'action : la nécessité de fédérer tous les acteurs.
L'Assemblée des Départements de France, l'AGIRC-ARRCO, France Alzheimer, la Mutualité française, l'Union nationale des aidants familiaux et la Société française de gériatrie et gérontologie ont rejoint le collectif que nous avons initié. Nous partageons le même constat : nous sommes arrivés à un moment décisif qui impose une mobilisation massive et rapide pour parvenir à relever collectivement les défis du vieillissement cognitif. C'est ce qui les a amenées à rejoindre le collectif.
Même si nous attendons beaucoup de la recherche, nous savons qu'à court terme, aucun traitement médical vraiment efficace ne verra le jour. Compte tenu des perspectives démographiques et épidémiologiques préoccupantes, nous devons déployer l'inventivité qui permette d'assurer aux personnes malades et à leurs aidants les meilleures conditions de vie possibles.
Vous envisagez des rencontres pour « Bâtir une société inclusive ». Au-delà de l'échange et des tables rondes, comment-pensez-vous traduire en fait le fruit de la mutualisation ?
C'est en fait un cycle de quatre rencontres territoriales répondant à quatre défis majeurs : l'inclusion sociale des personnes malades, l'accompagnement des personnes malades et des aidants, l'habitat, avec une attention portée à toutes les formes d'hébergement intermédiaire entre le domicile à l'EHPAD et, enfin, la prévention.
Nous commencerons par la société inclusive car ce thème illustre parfaitement l'ambition qui nous anime. En effet, bâtir une société plus inclusive, plus accueillante pour les personnes ayant des troubles cognitifs est l'affaire de tous ou, plus exactement, de chacun. Cette conviction est assortie d'une intuition : c'est le plus souvent sur un territoire donné que les idées les plus fécondes, les solutions porteuses d'avenir voient le jour. Mais les exemples portés localement peuvent être inspirants ailleurs, pour autant qu'on ait une compréhension fine des dynamiques qui les sous-tendent. C'est tout le sens des échanges que nous souhaitons susciter entre partenaires, porteurs de projets et acteurs institutionnels. Les pistes de réflexion, les idées, les propositions qui émergeront aujourd'hui prendront leurs racines dans la comparaison, la confrontation, le dialogue entre expériences de terrain.
Qu'attendez-vous de la prochaine journée mondiale contre la maladie Alzheimer le 21 septembre ? Quelles actions allez-vous mener ?
La Fondation est mobilisée tout le mois de septembre avec tout d'abord le 9, à Nice, la 1ère Rencontre territoriale du collectif sur la société inclusive. Elle contribuera ensuite aux Assises du PMND en Corse le 19 septembre. De plus, la Journée mondiale Alzheimer coïncide à quelques jours près au 20ème anniversaire de la Fondation. Nous éditerons à cette occasion une publication spéciale qui dressera un bilan de notre action et évoquera des pistes d'action pour demain. Nous réfléchissons notamment à la meilleure manière de valoriser la démarche qualité au sein des EHPAD dans l'accueil et l'accompagnement des personnes ayant des troubles cognitifs, en résonance avec les préconisations de la mission Libault.
Quelles sont aujourd'hui les perspectives à l'échelle mondiale ? Y a t-il des pistes de recherche prometteuses ?
La recherche médicale avance dans deux directions. Elle améliore la connaissance de la maladie et de ses différents mécanismes, au-delà des plaques amyloïdes et de la neurodégénérescence fibrillaire. Par ailleurs, le développement de tests non invasifs permettant de détecter la maladie à un stade le plus précoce possible suscite beaucoup d'espoir.
Il semblerait qu'un nouveau dépistage sanguin permette d'identifier des prédispositions à la maladie. Comment vont être utilisés ces résultats ?
Régulièrement, des études très prometteuses portant sur des tests sanguins sont publiées. Les médias font actuellement état d'un test sanguin capable de détecter la maladie d'Alzheimer vingt ans avant l'apparition des signes. L'article source a été publié dans Neurology, le 1er août 2019. Il s'agit d'une étude réalisée auprès de 158 personnes seulement, non malades, sur une durée de 18 mois. Les chercheurs ont montré qu'un test sanguin, moins douloureux qu'une ponction lombaire, moins coûteux qu'un PET Scan, arrivait à détecter dans 94 % des cas des dépôts amyloïdes dans le cerveau. Mais ils ne sont pas suffisants pour caractériser la maladie d'Alzheimer et existent aussi chez des personnes qui ne développeront jamais les symptômes.
On a le sentiment d'une grande errance et d'un grand désarroi des familles comme des professionnels, notamment avec le déremboursement des médicaments. Qu'en pensez-vous ?
Personne n'avait imaginé que le déremboursement serait mis en place aussi rapidement. Beaucoup de personnes malades, de familles et de professionnels ont été pris de vitesse et ont estimé les mesures d'accompagnement insuffisantes. Pour eux, à défaut d'alternative, ce déremboursement signait l'aveu d'une forme d'impuissance dans les réponses apportées.
Toutefois dans le domaine de l'accompagnement, ne négligeons pas l'efficacité des interventions psychosociales et environnementales qui existent et méritent d'être approfondies et promues.
La Fondation Médéric Alzheimer a lancé son Living Lab il y a plus de deux ans. Quels en sont les premiers enseignements ?
Depuis 2017, le Living Lab a testé en conditions réelles auprès de personnes malades plusieurs de ces interventions : l'impact de la danse sur l'équilibre et la mobilité, l'effet du taï-chi sur l'image corporelle, l'impact d'une chorale inclusive sur les représentations sociales, l'usage des tablettes tactiles...
Les interventions psychosociales apportent des résultats. Nous essayons de les faire (re)connaître. Ces résultats font d'ailleurs régulièrement l'objet de publications dans des revues scientifiques et professionnelles, et d'interventions orales dans des congrès en France comme à l'étranger.