Vice-président d'Orpea en charge du développement, Emmanuel Masson détaille pour Géroscopie les ambitions et perspectives de développement d'un acteur incontournable du marché européen. Interview.
« Nous n'imaginons pas un avenir reposant sur le tout "domicile" »
Comment répondez-vous à la demande croissante en France et à l'international ?
Orpea, qui est implanté dans 23 pays (1 156 établissements et environ 70 000 collaborateurs), a ciblé son activité sur la prise en charge de la perte d'autonomie et des fragilités. Cette expérience nous a permis de bien connaître le secteur, qu'il s'agisse de la grande dépendance que l'on retrouve dans nos maisons de retraite ou des prises en charge temporaires dans des cliniques, via l'accompagnement à domicile ou les résidences services.
En parallèle d'un développement européen contrôlé, nous nous déployons à l'international depuis 10 ans, en Amérique latine et en Chine, où nous avons ouvert il y a 8 ans, à Nanjing, la première maison de retraite médicalisée du pays.
La solvabilisation globale des offres de services autour de la prise en charge de la personne dépendante a facilité en France la structuration et la sécurisation de la Silver économie. Ce mode de financement a donné plus de moyens aux professionnels, afin de mettre en place un parcours du vieillissement adapté à chacun.
Cette grande expérience a permis à des groupes comme Orpea d'asseoir un savoir-faire qui est aujourd'hui reconnu mondialement. Certains groupes français sont ainsi des champions de la Silver économie.
Quel est votre modèle de développement et sur quelle vision de l'accompagnement du grand âge s'appuie-t-il ?
Notre objectif est d'être au plus près du résident et de permettre au directeur de l'établissement de personnaliser au maximum les soins et les services. Notre rôle est de le soulager de toutes les tâches administratives et techniques en centralisant les fonctions support et logistique.
Nous avons divisé le réseau en différentes zones géographiques qui couvrent souvent plusieurs pays de la même culture. On ne peut en effet pas plaquer un modèle français en Croatie, au Portugal ou en Irlande. Nous nous appuyons sur une équipe locale qui connaît bien les habitudes et l'environnement des personnes âgées et peut ainsi adapter notre savoir-faire. En Pologne par exemple, où la religion catholique est prédominante, tous nos établissements possèdent des chapelles. En Irlande, cette spécification touche à l'organisation spatiale des établissements. Nous avons mis en place des systèmes de patios protégés, afin de permettre aux résidents de continuer à sortir quand ils le souhaitent.
En quoi une entreprise comme la vôtre est-elle intéressante pour les investisseurs ?
Les besoins de lits non couverts sont extrêmement importants. C'est une chance et une opportunité qui assurent une pérennité et un développement de l'activité certains. Notre forte capacité de développement raisonné et contrôlé rassure naturellement les investisseurs.
Orpea a également mis en place un modèle de développement durable qui donne la priorité à la qualité et aux enjeux sociétaux. Notre feuille de route RSE en 16 objectifs à horizon 2023 est sur ce point particulièrement ambitieuse.
Comment voyez-vous l'avenir du secteur alors que partout se développe une approche domiciliaire ?
Il est important pour nous de couvrir l'ensemble du continuum de prise en charge, avec des appartements de résidences services, des lits de maisons de retraite médicalisées, mais aussi des unités de soins de suite et de réadaptation pour personnes âgées en hospitalisation complète et en ambulatoire, du service et du soin à domicile pour le quartier, voire un centre de consultation avec des médecins spécialisés.
Plus que jamais, les établissements doivent être ouverts sur l'extérieur : restaurant, café, salon de coiffure accessibles à la population locale, intégration de crèches dans l'établissement, etc.
Nous n'imaginons pas un avenir reposant sur le « tout domicile ». Car les résidences services, Ehpad et services à domicile sont complémentaires et s'adressent à des profils de personnes âgées différents.
Le développement d'Orpea repose sur une conviction : construire une offre globale pour répondre aux besoins des personnes à toutes les étapes de la vie et de la perte d'autonomie. À l'avenir, nous envisageons l'Ehpad comme une plateforme de ressources et d'expertise, qui pourrait intervenir auprès de la population âgée d'un territoire sur des missions de coordination, d'information, de prévention (notamment des fragilités liées à l'âge) et de vie sociale. L'accompagnement et la prise en charge des personnes âgées doivent être centrés autour d'un parcours de vie et de soins, ce qui nécessite une approche décloisonnée des métiers.
À deux mois des élections présidentielles, quelles sont les priorités politiques d'Orpea ?
Trois points nous semblent essentiels pour faire face aux enjeux sociétaux du vieillissement. Il s'agit d'abord de privilégier la transversalité pour se donner les moyens de voir réellement se construire le parcours grand âge (Ehpad hors les murs, Ehpad plateforme...). Il faut ensuite faire face à l'augmentation de la perte d'autonomie des résidents en Ehpad avec l'embauche d'infirmières de nuit et le développement de l'HAD. Enfin, pour lutter contre la pénurie de personnel, nous devons former davantage, poursuivre le développement de l'apprentissage et dynamiser la VAE, adapter les formations initiales aux caractéristiques du secteur du grand âge et valoriser les métiers. Le PLFSS présente déjà de belles avancées concrètes, qu'il s'agisse des services à domicile ou de l'émergence de l'Ehpad plateforme qui était une modernisation très attendue.