Philippe Denormandie, chirurgien, est conseiller médical des États généraux de la séniorisation. Il appelle chacun d'entre nous à questionner ses décisions et ses pratiques pour que nous puissions faire progresser ensemble la cause de l'âge.
« Nous nous sommes laissés enfermer dans nos structures »
Pourquoi avez-vous décidé de lancer, avec Serge Guérin et Véronique Suissa, les États généraux de la séniorisation ?
Le Covid-19 a mis en lumière de nombreux sujets polémiques en lien avec les personnes âgées, qu'il s'agisse du nombre de décès dans les Ehpad, du débat sur le confinement prolongé ou non des seniors ou encore de leur accès aux services d'urgence. Ces éléments interrogent ou réinterrogent certaines recommandations identifiées dans les rapports Libault et El Khomri. Serge Guérin a donc souhaité lancer un nouvel espace de réflexion associant un maximum d'acteurs issus de différents champs, et je suis heureux d'y associer mon nom. Plus les propositions seront portées collectivement, plus les décideurs disposeront de points de repères pour nourrir le futur projet de loi Grand âge et autonomie. La démarche vise également à alimenter les réflexions individuelles. Chacun doit aujourd'hui questionner ses décisions et ses pratiques pour que nous puissions progresser ensemble.
Quel est selon vous le sujet majeur à traiter ?
Quelle est la place de la personne âgée dans la société et quelle importance donnons-nous à sa parole ? C'est un sujet de fond que nous avons des difficultés à appréhender. La question de la dépendance paraît systématiquement déconnectée de la capacité de décision des individus concernés. Nous devons aussi reprendre la sémantique de cette crise. Les mots employés à propos de la vieillesse étaient systématiquement négatifs. Or le seul fait d'en parler différemment peut contribuer à porter une nouvelle vision sociétale. La crise sanitaire a aussi mis en lumière le manque de variété et de souplesse dans l'accompagnement de nos aînés. La logique institutionnelle a clairement montré ses limites.
Le modèle des EHPAD est-il à bout de souffle ?
Faut-il calfeutrer des personnes âgées ensemble dans un établissement ? Voilà la question. Depuis des décennies, nous réfléchissons en termes de structures, de bâti, d'immobilier, tout en raisonnant de manière binaire : domicile versus établissement. Combien d'Ehpad proposent par exemple aujourd'hui des séjours temporaires ? Depuis combien de temps parlons-nous de plateformes de services ou d'Ehpad hors les murs sans qu'ils se soient réellement développés ? Si vous demandez à un établissement de 90 lits d'en fermer la moitié, il vous répondra en détaillant le prix de l'immobilier et le coût des emprunts. Nous nous sommes laissés enfermer dans nos structures. Si nous repartions de zéro, je suis convaincu que nous agirions différemment en développant l'accueil familial, en renforçant l'accompagnement à domicile, etc. Nous devons donc sortir de cette logique structurelle et réinterroger aussi, mais ce n'est qu'un exemple, la taille des établissements. Les personnes qui vivent en Ehpad ont besoin d'unités à taille humaine.