Face à un patient dénutri ou en perte de poids, le médecin peut décider d'une nutrition artificielle entérale pour quelques semaines ou plusieurs mois. En fonction de la durée, les appareillages varient. Le point.
Nutrition entérale : la solution en cas de carence nutritionnelle
La nutrition entérale est une technique de nutrition artificielle. La solution nutritive liquide équilibrée est administrée par l'intermédiaire d'une sonde, dans l'estomac ou le jéjunum, partie centrale de l'intestin grêle, chez les patients dénutris, ou non, pour qui l'alimentation par voie orale est insuffisante ou impossible. Avec la nutrition entérale, l'alimentation artificielle reste portée dans la voie digestive, car le tube digestif fonctionne correctement, contrairement à la nutrition parentérale avec laquelle la nutrition passe directement dans les veines.
Les raisons de la mise en place
Deux causes principales justifient la mise en place de la nutrition entérale.
La carence d'apports nutritionnels d'abord, en raison de traitements lourds, d'absence de goût ou d'anorexie de la personne âgée.
L'hypermétabolisme de la personne âgée ensuite, qui dépense plus de calories qu'elle n'en absorbe, en raison de polytraumatismes, d'infections, de cancers ou encore d'escarres.
Face à un patient dénutri, il est difficile d'augmenter les apports journaliers car la personne âgée a généralement un petit appétit. La solution repose, dans un premier temps, sur une alimentation enrichie et des compléments nutritionnels. Si la personne continue à perdre du poids, l'alimentation artificielle est alors envisagée, toujours sur décision du médecin traitant ou du médecin coordonnateur.
Les différentes voies d'abords
Il existe quatre voies d'abords pour mettre en place une nutrition entérale. Le choix est apprécié par le médecin et repose sur l'état de santé du patient, les risques d'inhalation et la durée de cette alimentation artificielle.
- La sonde naso-gastrique
Elle va être privilégiée si la nutrition artificielle est envisagée pour une période inférieure à un mois. La sonde est insérée dans le nez, descend dans l'oesophage, jusqu'à l'estomac.
Elle est mise en place à l'hôpital, car elle requiert un contrôle radiographique afin de s'assurer qu'elle est correctement placée et ne dévie pas dans les poumons. Elle est utilisée chez les patients sans aucun risque d'inhalation.
- La sonde naso-jéjunale
Le principe est identique, à la différence près que la sonde est poussée, sous endoscopie, après l'estomac, dans le jéjunum. Cette solution est choisie pour les patients présentant des risques d'inhalation. Avec ce type de sonde, même si le patient s'allonge, ce risque est contrôlé.
- La gastrostomie
La sonde est placée directement dans l'estomac en endoscopie digestive. Cette option est choisie pour une alimentation artificielle d'une durée supérieure à un mois, car la sonde naso-gastrique sur une longue durée génère des risques d'inconfort voire d'escarre (lire notre article dans Géroscopie n° 136, février 2022).
- La jéjunostomie
Le principe est identique à la gastrostomie, à la différence que la sonde est placée directement dans le jéjunum. Elle est choisie pour une durée d'alimentation artificielle supérieure à un mois pour les patients présentant des risques d'inhalation.
Les surveillances
Elles varient en fonction du type de sondes.
- La sonde naso-gastrique
Il est primordial de s'assurer que la sonde est bien fixée à l'aile du nez. En Ehpad, cette responsabilité incombe à l'infirmière. Généralement, la sonde est fixée avec la méthode dite Pink-Tape. Un repère au marqueur indélébile doit être effectué sur la sonde, juste sous le sparadrap. La nutrition entérale ne doit pas être branchée si le repère n'est pas visible ou se trouve à distance du sparadrap. Si c'est le cas, l'infirmière doit prévenir le médecin pour replacer correctement la sonde.
Durant la nutrition, le patient ne doit en aucun cas être couché mais maintenir une position à 30 degrés (l'équivalent de deux coussins dans le dos).
Les infirmières vérifient régulièrement que la sonde n'est pas obstruée. Si c'est le cas, il faut chercher à la déboucher avec de l'eau tiède ou du cola, mais ne jamais utiliser un guide métallique au risque de la perforer.
Il est important de vérifier la fixation de la sonde, afin qu'elle ne soit pas en traction, ce qui peut provoquer des douleurs à la narine, majorant un risque d'escarre.
Il faut aussi prêter une attention particulière lors des transferts car la sonde peut s'arracher facilement.
- La sonde naso-jéjunale
En dehors de l'absence de risque d'inhalation, tous les autres risques sont identiques à ceux de la sonde naso-gastrique.
- La gastrostomie
Une gastrostomie nécessite une hospitalisation de trois jours. De retour à l'Ehpad, les infirmières effectuent des soins locaux avec pansement ; la gastrostomie pouvant ensuite rester à l'air libre. L'un des risques est la fuite de liquide gastrique. Dans ce cas, il faut nettoyer au sérum physiologique et hydrater la peau avec des crèmes résistantes à l'eau. Si la fuite persiste, il faut réadresser le patient au médecin opérateur, qui peut décider de changer le calibre de la sonde.
Autre risque : l'arrachage de la gastrostomie. Si cela se produit, les professionnels de santé doivent veiller à garder l'orifice ouvert, en y plaçant par exemple une sonde urinaire, dans l'attente du retour du patient à l'hôpital pour replacer la gastrostomie.
Dernière complication rare : le buried bumper syndrome ou l'enfouissement de la collerette interne de la gastrostomie, qui consiste en une migration progressive de la collerette interne du tube de la gastrostomie dans la muqueuse gastrique. Ce phénomène résulte d'une traction excessive de la gastrostomie contre la peau. Il est donc important de toujours vérifier la mobilité de la sonde dans l'estomac.
- La jéjunostomie
Les risques sont identiques à ceux de la gastrostomie. En revanche, il n'est pas possible de laisser la sonde à l'air libre en raison des points qui la maintiennent. Il n'y a pas de risque de traction car la sonde est fixée à la peau.
Laure Martin
avec la contribution de Nathalie Barbier, infirmière à l'Unité de support nutritionnel au CHU de Nice, et membre du Comité Nutrition à domicile (CNAD) de la Société française de nutrition clinique et métabolique (SFNCM)