La plus haute juridiction administrative valide le principe de la vaccination obligatoire de certains personnels instaurée par le projet de loi présenté en conseil des ministres le 19 juillet. Sur le fond, la suspension et le licenciement prévus à compter du 15 septembre passent aussi la rampe. Mais sur la forme, l'oubli de consultation pour avis de deux instances pose un problème juridique.
Obligation vaccinale : l'analyse juridique du conseil d'Etat pointe un oubli
Le projet de loi « relatif à l'adaptation de nos outils de gestion de la crise sanitaire », validé pour l'essentiel quelques heures auparavant par le conseil d'Etat, a été adopté en conseil des ministres dans la soirée d'hier.
Il s'agit de tenter de contrer la « quatrième vague » qui déferle sur la France, a indiqué le porte-parole du gouvernement qui, contexte oblige, a surtout évoqué les modifications apportées sur le pass sanitaire.
Rien (encore) d'annoncé de neuf en ce qui concerne l'obligation vaccinale de certains personnels. Il est donc intéressant de se pencher sur l'analyse juridique du conseil d'Etat qui fait l'objet des points 28 à 39 de son avis du 19 juillet (pas encore publié)
Le Conseil d'Etat rappelle d'abord que l'instauration d'une obligation vaccinale s'inscrit dans un cadre constitutionnel et conventionnel bien établi (point 28) et considère qu'au vu de la situation actuelle et des effets bénéfiques attendus, elle est proportionnée à la lutte contre l'épidémie de la covid-19 et ne se heurte, dans son principe, à aucun obstacle d'ordre constitutionnel ou conventionnel » (point 29).
Le périmètre des personnes concernées
Sur le périmètre des personnes concernées, il note que le projet de loi dresse précisément la liste des personnes concernées à travers leur lieu de travail et leur profession. Il les récapitule : les professionnels médicaux et paramédicaux, du champ sanitaire et médicosocial, exerçant en établissement ou en libéral, ainsi que les professionnels, étudiants ou élèves qui travaillent dans les mêmes locaux. Entrent également dans le champ de l'obligation vaccinale les professionnels susceptibles d'être en contact dans le cadre de leur activité avec des personnes vulnérables, comme les pompiers, les personnels du transport sanitaire, etc.
Juste une réserve : l'obligation devrait cibler les personnels travaillant au domicile des personnes âgées de plus de 70 ans et des personnes en situation de handicap dans leur ensemble et pas seulement des bénéficiaires de l'APA ou de la PCH.
Et une suggestion : le Conseil d'État suggère d'introduire une disposition prévoyant expressément que les personnes intervenant ponctuellement, à titre professionnel ou bénévole, au sein des locaux dans lesquels travaillent les personnes soumises à l'obligation vaccinale ne sont pas soumises à l'obligation vaccinale.
Et les patients et résidents ?
Par ailleurs, le Conseil d'État constate que le Gouvernement n'a pas inclus dans le champ de l'obligation vaccinale les résidents ou patients des établissements, structures ou services dans lesquels exercent ou travaillent les professionnels obligés et s'est interrogé sur l'éventuelle atteinte à l'objectif constitutionnel de protection de la santé de cette obligation asymétrique.
Toutefois, compte tenu, d'une part, du niveau de la couverture vaccinale des personnes les plus vulnérables et, d'autre part, des conséquences sanitaires et sociales induites par une obligation de vaccination pour les plus vulnérables qui refuseraient la vaccination, le Conseil d'État estime que ce choix n'est pas manifestement inapproprié avec l'objectif de protection de la santé poursuivi par le projet de loi.
Interdiction d'activité et licenciement : le vent du boulet
L'avis du conseil d'État pointe une erreur qui risque d'avoir un effet domino sur les dispositions prévoyant l'interdiction des professionnels d'exercer leur activité en cas de non-respect de l'obligation de vaccination et leur licenciement après deux mois de suspension...
Sur le fond, le conseil d'État les estime dans les clous mais, sur la forme, il relève que si, côté salariés, le gouvernement a demandé l'avis de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle, il ne l'a fait ni pour le Conseil commun de la fonction publique (CCFP) et ni pour le Conseil supérieur des personnels médicaux, odontologistes et pharmaceutiques, alors que ces dispositions concernent aussi les trois versants de la fonction publique et les personnels en question.
Le conseil d'État tire les conséquences de l'absence de consultation sur le projet de loi et ne valide pas l'interdiction d'activité et le licenciement : ces dispositions relatives aux agents publics ne peuvent pas être retenues et ne s'appliqueraient par conséquent qu'aux seuls salariés... ce qui serait « contraire au principe constitutionnel d'égalité ».
Trop tard pour réunir ces deux conseils, mais le conseil d'État prévoit une échappatoire ! « Si le Gouvernement décidait de maintenir ces dispositions dans le projet de loi ou d'en proposer le rétablissement par amendement au Parlement, écrit-il, dès lors que la consultation du Conseil commun de la fonction publique résulte d'une obligation législative dont la méconnaissance n'est pas sanctionnée par le Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat l'invite à en compléter la rédaction pour tenir compte de ses observations faites ci-dessus »....
Le projet de loi doit être examiné cette semaine par le parlement.