La situation en France reste préoccupante. En effet, 58 % des français qui se sont rendus en cabinet dentaire durant les 12 derniers mois l'ont fait pour une urgence. Pire, 75% des résidents en EHPAD présentent un état de santé bucco-dentaire délabré, qui ne leur permet pas de s'alimenter correctement.

Et on connaît, pour les avoir évoquées maintes fois, les difficultés des soignants à réaliser les nettoyages de bouche ou de prothèses des résidents. Comment dans ces conditions améliorer la santé bucco-dentaire, et donc la santé générale et la qualité de vie, des personnes accueillies en établissements ?

" Par la formation des soignants et encadrants qui contribue à l'amélioration des pratiques quotidiennes d'hygiène avec notamment un brossage systématique des dents deux fois par jour, par la détection précoce des pathologies dentaires et par le maintien du lien avec le chirurgien-dentiste ", déclare sans hésiter le Dr Sophie Dartevelle, présidente de l'UFSBD. " Pour être performant, il faut construire une équipe autour du résident. L'hygiène bucco-dentaire doit s'inscrire dans son quotidien, mais aussi dans le projet de l'établissement " . C'est d'ailleurs fort de ces principes qu'est né le programme Oralien, un programme de management de la santé orale, 100 % français.

De quoi s'agit-il ?

Oralien est un dispositif totalement nouveau qui bien qu'expérimenté dans plusieurs établissements, est officiellement lancé en janvier 2018. Validé par des chirurgiens-dentistes, ce programme propose de dresser un bilan régulier de l'état bucco-dentaire des résidents, d'émettre des préconisations et également d'aider les soignants à adapter leurs pratiques. Des protocoles d'hygiène personnalisés, mis en place suite à la formation du personnel au lancement du programme, sont ainsi établis pour chaque résident, enrichis et révisés régulièrement en fonction de l'état de santé bucco-dentaire de la personne.

Comment se déploie le programme Oralien ?

Les équipes soignantes et encadrantes sont d'abord formées en présentiel durant 7h. La formation s'adresse aux cadres de santé, infirmiers, aides soignants, AMP, AVS... Elle est assurée par un chirurgien-dentiste de l'UFSBD au sein de l'établissement. La matinée est consacrée à l'aspect théorique et permet d'aborder des thématiques diverses : conséquences de la perte d'autonomie sur la santé orale et la qualité de vie, alimentation et santé bucco-dentaire, rôles du soignant et conduites à tenir et s'achève par la présentation du système de monitoring développé pour et avec l'UFSBD par Dental Monitoring. L'après-midi, consacrée au passage en chambre, permet d'expérimenter les techniques de brossage en bouche, de définir un protocole d'hygiène adapté à chaque résident avec l'appui du chirurgien-dentiste qui va définir des points de vigilance et aider les soignants à s'approprier les outils et protocoles.

Suite à la formation, le personnel reçoit un smartphone équipé du programme. Après avoir placé un écarteur dans la bouche du résident, il scanne l'ensemble de la dentition proposant un panorama des dents mais aussi des gencives, des lèvres et de la langue. Les images sont envoyées sur une plate-forme via des serveurs sécurisés (les données y sont cryptées et anonymisées) et analysées par intelligence artificielle. Un rapport est alors créé et adressé à l'équipe via l'interface dédiée, dressant un bilan de la santé bucco-dentaire de chaque résident (tissus durs, tissus mous, hygiène buccale...) et éventuellement des soins à réaliser. Ces recommandations individualisées sont naturellement validées par des chirurgiens dentistes, avant envoi.

En parallèle de l'imagerie, le personnel répond à un questionnaire additionnel pour aider les chirurgiens dentistes : le patient a t-il une bouche sèche ? Mauvaise haleine ? Suit-il des traitements spécifiques ? Ces informations permettent d'évaluer le risque carieux et de prescrire d'éventuels soins complémentaires.

Des points d'étape sont réalisés régulièrement, à mi-année, au sein de l'établissement, avec le cadre de santé et un chirurgien dentiste de l'UFSBD. " L'objectif de ces rencontres est d'optimiser la prise en charge, ajoute le Dr Sophie Dartevelle. Jamais de se substituer au praticien traitant. Notre volonté est de permettre la réalisation d'un premier bilan dès l'admission en EHPAD, s'il n'a pas été réalisé auparavant, pour favoriser la prise en charge des soins et améliorer la qualité de vie des résidents. Car le but ultime reste le bien-être et la santé des résidents ".