Le Monde et Mediapart ont publié simultanément deux articles mettant en cause la bonne gestion d'Orpéa. Explications - Réactions
Orpéa au coeur de la tourmente
« Les Fossoyeurs », ce livre « événement » de Victor Castanet publié chez Fayard mercredi 26 janvier, fait grand bruit. Il dénonce des maltraitances infligées aux plus âgés dans un établissement du groupe Orpea, mais aussi les accointances qu'aurait eues le groupe avec Xavier Bertrand, ministre de la Santé et des Solidarités du gouvernement Villepin (2005-2007) puis ministre du Travail couplé à la Solidarité (ou la Santé) dans les gouvernements Fillon de 2007 à 2012. La publication de quelques feuilles dans Le Monde a suffi à faire plonger l'action d'Orpéa, comme celle de Korian d'ailleurs, jetant l'opprobre sur les groupes privés lucratifs.
Et, hasard du calendrier, Médiapart a publié le même jour une enquête sur les pratiques en matière de recrutement. Les auteurs affirment que de nombreux CDD sont établis en remplacement de salariés fictifs. Des accusations graves dont Orpéa s'est défendu auprès de Géroscopie. « Il n'y a jamais eu d'emplois fictifs au sein de l'entreprise ni de faux contrats de travail. Les dotations soins et dépendance délivrées et contrôlées par les Autorités sont utilisées à bon escient. Il est extrêmement difficile de recruter en CDI dans les métiers du soin. Malgré tout notre intérêt à pourvoir les postes vacants en CDI, tant du point de vue de la qualité de prise en charge que nous souhaitons assurer, que d'un point de vue financier, de plus en plus de candidats souhaitent privilégier les postes en CDD, refusant des engagements en CDI. »
Dans un communiqué du 24 janvier, et en réponse à l'article du Monde, le groupe précise également qu'il exerce son activité dans un secteur qui fait l'objet de règlementations strictes et de contrôles réguliers par les autorités publiques et qu'« il n'aurait évidemment pas été en mesure d'assurer son développement en France et à l'international s'il ne respectait pas scrupuleusement les obligations qui sont les siennes ». Il ajoute avoir d'ores et déjà saisi ses avocats « pour donner toutes les suites, y compris sur le plan judiciaire, afin de rétablir la vérité des faits et défendre son honneur ainsi que celui de ses collaborateurs qui remplissent quotidiennement une mission admirable, avec conscience professionnelle et engagement ».
Deux jours plus tard, tout en continuant de démentir les faits, mais après avoir consulté l'ouvrage, le Conseil d'administration, en accord avec la Direction générale, a annoncé sa décision de « mandater immédiatement deux cabinets reconnus pour leur confier une mission indépendante d'évaluation sur l'ensemble des allégations rapportées dans ce livre. Ces deux cabinets auront accès à toutes les informations d'ORPEA et de ses établissements qu'ils jugeront nécessaires. Leurs noms seront communiqués dans les prochains jours. »
Il semblerait aux dires de l'auteur qu'Orpéa connaissait l'existence de cette enquête journalistique. « J'ai subi pendant cette enquête un certain nombre de pressions pour éviter d'aller au bout de l'investigation», déclare l'auteur dans Libération. « Il est arrivé à la moitié de mon enquête qu'un interlocuteur me propose une importante somme d'argent pour me dissuader d'aller au bout : 15 millions d'euros », indique t-il « à la table d'Anne-Elisabeth Lemoine » dans l'émission C à vous.
Indignation et tristesse des professionnels
Du côté des professionnels du secteur, c'est la consternation. Les réactions ne se sont pas faites attendre.
Côté gouvernement, la ministre déléguée à l'autonomie, Brigitte Bourguignon, a annoncé la convocation mardi 1er février à 9h15 du Directeur général du groupe Orpéa. « Elle demandera, lors de cet entretien, de premiers éclaircissements sur les différents faits mentionnés dans cette enquête. Elle cherchera également à s'assurer que des actions ont bien été mises en oeuvre par le groupe, depuis l'époque des signalements et des contrôles, pour y remédier. » Elle précise dans le courrier de convocation qu'elle se réserve le droit de diligenter une enquête de l'IGAS sur tout ou partie des établissements du groupe. Elle avait également annoncé sur twitter avoir diligenté une enquête flash sur l'Ehpad concerné.
Fnadepa - Jean-Pierre Riso s'est prononcé sur le sujet en conclusion du congrès de la fédération qui se tenait ce mardi 25 janvier « L'ensemble des faits me blesse, en tant que directeur mais aussi en tant que président de la Fnadepa », a t-il indiqué. « Ils ne reflètent pas notre réalité ni les valeurs auxquelles nous croyons à la Fnadepa ». Dans un communiqué, la fédération s'est dit « choquée par les faits relatés qui, s'ils sont avérés, sont très graves et appellent des sanctions exemplaires. » Elle demande également « à ne pas jeter l'opprobre sur tout le secteur du Grand âge ni sur les professionnels qui, en établissement comme à domicile, se dévouent au quotidien pour accompagner avec dignité les personnes âgées en perte d'autonomie ».
AD-PA - Pour aller dans le même sens, l'AD-PA a rappelé l'inadéquation constante entre les attentes des personnes âgées « et les moyens accordés par les pouvoirs publics ». L'AD-PA va donc « interpeller les candidats à la présidence de la République avec des propositions sur le respect des droits, l'expression des personnes et les financements associés. »
Enfin ce matin même dans la matinale de France Inter, Richard Ferrand, président de l'Assemblée nationale, réagissait sur le scandale. Il souligne que les établissements qui accueillent des personnes âgées ne devraient pas être à but lucratif. « L'or gris, c'est pas du business ». Il ne s'agit pas de nationaliser les établissements mais de privilégier les Ehpad à but non lucratif car « je trouve choquant que sur l'état de faiblesse de nos anciens qui doivent quitter leur domicile, on puisse faire de l'argent. Et j'ajoute que le service est moins bon, ça coûte plus cher et au fond, ça ne rend pas service à la hauteur de ce que les familles attendent. »...