Au lendemain du Séminaire qui a réuni le Conseil de la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie (CNSA) mercredi 25 février, sa présidente, Marie-Anne Montchamp, a confié à la presse les premiers éléments, non votés toutefois, sur les réflexions en cours autour des politiques de l'âge.
Si le constat est unanime et l'objet d'un consensus clair, à savoir que le virage domiciliaire doit s'opérer, la traduction de cette aspiration sociale et sociétale dans les politiques publiques se pose de manière prégnante. A l'heure du « grand RDV », comme l'appelle Marie-Anne Montchamp, il est essentiel de réfléchir à la manière d'intégrer ces volontés en terme de gouvernance et de financement « dans un environnement qui est tellement complexe, morcelé, parfois parcellaire, qu'il ne suffit pas de le décider pour que la décision et le fonctionnement s'appliquent automatiquement chez la vieille dame à l'autre bout de la France. »
Pour travailler ces deux thématiques et proposer un éclairage pertinent, la CNSA a donc réuni son Conseil en séminaire, mêlant écoutes et analyses d'experts, et ateliers symétriques permettant de réaffirmer les conditions d'acceptabilité de la démarche, pour fabriquer ensemble un modèle adapté.
Des données datées ou imprécises
Premier élément et non des moindres, les informations fournies par la Drees sont découpées en 3 agrégats qui définissent les composantes de la réponse à la question de l'autonomie : le soin, l'accompagnement, l'hébergement. « Or le Conseil a défini un 4è élément, la fonction présentielle, qui valide la viabilité du système », commente Marie-Anne Montchamp . « Il ne s'agit pas d'établir une valeur marchande pour cet acte mais de le chiffrer en mesure d'impact car il participe à l'équilibre général du système. Cette fonction présentielle se distingue naturellement de l'accompagnement professionnel. Aujourd'hui nous valorisons l'acte mais oublions cette incontournable fonction présentielle. »
Par ailleurs, les études réalisées par la Drees sont établies à partir de données relativement anciennes puisqu'elles datent de 2014. « Cela nous oblige à nous interroger sur la commande que nous passons à la Drees. Nous lui demandons finalement toujours les mêmes informations, et ce depuis 2014, avant la loi ASV. Or il est essentiel que nous sachions quelles sont les mobilisations des moyens publics à destination des politiques. Quand on parle du poste soin, s'agit-il des personnes âgées à l'hôpital ? Quelle est la part du soin de ville délivré à la personne âgée ? Lui est-il administré parce que la personne est âgée ou est-elle un patient comme les autres ? Nous ne savons pas imputer le niveau de soin au profil de la personne. Nous avons donc besoin de données plus fines pour répondre aux enjeux à venir ».
La France en Europe et dans le monde
Dès lors qu'on pose la question du financement des politiques de protection sociale, il est essentiel de comprendre le contexte économique général. Pour Bruno Cabrillac, économiste à la Banque de France, dont Marie-Anne Montchamp relate la pensée, « la politique française a soutenu le pouvoir d'achat des ménages. Cela a permis de stabiliser la situation de croissance de notre pays qui se trouve dans un environnement économique mondial défavorable (la croissance ralentit partout). Nous sommes aujourd'hui à un moment charnière où de nombreux effets sont inconnus : l'impact produit par le développement des nouvelles technologies sur la croissance mondiale, les enjeux climatiques qui représentent une source de tension très importantes au vu des inégalités internationales. » Enfin, le vieillissement de la population qui crée un défi supplémentaire. « Nous raisonnons toujours dans le périmètre étroit des politiques sociales. (...) Nous ne mettons jamais en corrélation les politiques économiques et les politiques sociales. Or, quand on en est à traiter de grands enjeux comme celui du vieillissement, on ne peut pas refuser de voir que le vieillissement pèse sur le résultat économique et, naturellement, pèse aussi sur les enjeux de protection sociale . » L'idée est (de comprendre) comment articuler les deux pour accompagner harmonieusement le vieillissement dans l'objectif domiciliaire.
Changer de méthode
Plutôt que de mener une « chasse illusoire » à la recette budgétaire miracle et de fabriquer un financement « binaire », sans toutefois abdiquer sur son ambition, le Conseil de la Caisse invite à investir une méthode nouvelle et innovante pour financer le grand âge. Marie-Anne Montchamp propose de mettre en place les mécanismes d'une loi de programmation, « qui évite la gestion de la pénurie ». Ce dispositif crée des rendez-vous d'investissement, d'efforts budgétaires, mesurables et fondés sur des priorités partagées, et donnant lieu à une clause de reconduite qui permet de réajuster l'effort.
Repenser la mobilisation des moyens et le pilotage
Autre sujet fondamental pour la Présidente de la Caisse, la nécessité de mobiliser des moyens sur un champ interministériel large, créant de la cohérence entre les politiques de protection sociale, l'aménagement du territoire, le logement, les dépenses fiscales, la culture, l'éducation... « Nous devons adopter une approche transversale et de forte mobilisation de la Nation parce que le vieillissement est un phénomène structurel où tout est interdépendant. Toute mesure intelligente dans le logement va alléger la charge en soin, en accompagnement, la charge présentielle... ». Une transversalité qui s'applique aussi aux fonctions avec des objets d'analyse et de report les unes par rapport aux autres.
« La question du pilotage enfin est apparue déterminante sur le sujet du financement ». Il s'agit de mobiliser des acteurs sur lesquels l'État n'a pas d'autorité directe. Une question « centrale » nécessitant de mener des démarches de parties prenantes, de consensus, de contractualisation partagée pour que tous soient au rendez-vous dans leur capacité à mobiliser leurs ressources mais aussi leurs savoir-faire pour aller jusqu'au dernier km, jusqu'à la personne. La pertinence de cette trajectoire se dénoue dans une évaluation du service rendu et de l'adhésion de la personne à la réponse apportée. « Il faut sortir de la réponse normative et taylorisée et installer une logique d'animation, de programmation, de montée en charge avec des clauses de revoyure. C'est à cette condition que nous pensons, une affirmation à confirmer par le vote du conseil, que l'ambition est atteignable ».
Le territoire reste alors la pierre angulaire du dispositif d'accompagnement, qui peut différer d'un département à l'autre en fonction de ses spécificités territoriales. C'est ainsi qu'un prototypage vient d'être lancé dans 10 départements (Bas-Rhin, Corrèze, Gironde, Hautes Pyrénées, Landes, Manche, Mayenne, Meurthe et Moselle, Nord, Seine Maritime). Les départements réalisent d'abord un état des lieux de la situation dans leur département, ils projettent ensuite un pilotage plus efficace de leurs dispositifs pour aller jusqu'au bénéficiaire. Enfin la comparaison de ces différents prototypes est réalisé par la Caisse pour inspirer la réflexion et proposer des solutions favorisant l'engagement de chacun.
Les résultats devraient être présentés début avril.