Dans le n° 127-avril 2021  -  Partie I  11747

Penser seniorisation, c'est aussi penser le local

Le mois dernier, j'ai évoqué la nécessité de penser local. La crise de la Covid a aussi remis le local au centre de la vie. D'un coup, l'idéologie de la mondialisation heureuse, du libre-échange, des frontières à tout vent et du mouvement a pris un sacré coup de vieux...

A mesure que la pandémie s'est accrue, de plus en plus de gouvernements se sont résolus en Europe à fermer ou mieux contrôler leurs frontières. Décision difficile pour des leaders qui sont pour la plupart convaincus que le progrès, la modernité et le développement font étroitement corps avec la mondialisation et l'ouverture au monde.

Peut-être faudrait-il réinventer la relation au monde ? Non pour la nier, mais pour l'inscrire dans le maintien d'une relation au local, aux racines, au lien avec les autres qui vivent en proximité. Simone Weil avait écrit durant la guerre un livre, L'Enracinement, qui évoquait la nécessité « de satisfaire aux besoins terrestres de l'âme et du corps de chaque être humain autant qu'il est possible ». Cette satisfaction passe beaucoup par le lien, le sentiment d'être en sécurité, le rapport simple à l'autre.

Le local dans le domaine de la vie des gens, y compris des plus âgés, c'est aussi de privilégier les ressources de proximité, en termes alimentaires bien sûr, mais aussi de compétences sociales et relationnelles diverses : bénévoles et tissu associatif dense, mais aussi équipements en santé, soignants et praticiens reconnus de médecines complémentaires et alternatives, ou encore lieux scolaires, lieux de socialisation et lieux d'accueil et enseignants, formateurs et animateurs qualifiés...

Le local, c'est bon pour la santé !

Les maisons de retraite et l'ensemble des lieux d'accueil des plus âgés sont aussi des espaces où le local a tous son sens. D'abord en ce qui concerne les emplois : moins les professionnels font de route pour venir et plus leur qualité de vie sera maintenue. Et leur pouvoir d'achat aussi... Ce sont des emplois et des personnes qui contribuent aussi à la dynamique économique et sociale locale. Cela veut dire qu'un lieu d'accueil est également un espace d'activités et d'emplois qui contribue à la dynamique locale et à l'aménagement du territoire : écoles, centres de formation, commerces....

Par ailleurs, la littérature scientifique sur des dizaines d'années montre l'effet de l'environnement, du beau, de la nature, du lien social sur les malades et sur l'évolution de leur état de santé. Installés devant un beau paysage, ces patients bénéficient d'une meilleure qualité de vie et coûtent en définitive moins cher à la collectivité. On en revient au cercle vertueux du care qui est favorable à la planète. Le beau fait vraiment partie intégrante du care. A mon sens, le discours écologique oublie trop souvent les notions de beau et de plaisir. Les mesures, les normes, les règlements proposés et imposés sont ressentis comme des contraintes car le discours dominant sur l'environnement est généralement négatif, conçu pour donner mauvaise conscience. Comment mobiliser les personnes et les impliquer directement dans la dynamique ? Voilà l'enjeu de la transition écologique et démographique. Pourquoi se mobiliser sinon pour le beau, pour la beauté du monde ? 

@Guerin_Serge

Professeur de sociologie à l'Inseec GE, directeur du MSc « Directeur des établissements de santé », président de l'Agence des MCA, auteur de Les quincados , Calmann-Lévy

01/10/2024  - Ce qui se voit...

Luxe, calme et propreté

S'il est bien une condition indispensable au bon fonctionnement des Ehpad, c'est à n'en pas douter l'hygiène des locaux. Nettoyage, bionettoyage, hygiène du linge... Les consignes et protocoles ne manquent pas pour assurer l'organisation et l'évaluation de ces tâches quotidiennes. Et pourtant, ce travail reste invisible. Ou plutôt, il n'est visible que quand il n'est pas fait. Paradoxe ?
01/10/2024  - Billet

Les vieux aussi !

Serge Guérin me pardonnera de paraphraser le titre de son dernier ouvrage en date* pour titrer mon billet. Vous l'avez lu ou en connaissez le thème : bousculer les idées reçues sur le désintérêt des « vieux » en matière de gestes écologiques et solidaires. Tribune pour répondre à ceux qui pensent que ces générations issues de la deuxième guerre mondiale et des années cinquante ont abusé des trente glorieuses et se moquent des incidences climatiques et générationnelles futures. Elles pourraient pourtant donner des leçons d'économies à beaucoup en matière d'eau, de déchets et de courage. Une anecdote a fini de me convaincre. Récemment par une belle journée je me dirigeais vers la déchetterie suite à des travaux de jardin et je vis sur le bord de la route une personne âgée, courbée et tirant deux chariots utilisés pour les courses. Je me fis la remarque du courage de cette personne sachant que le commerçant le plus proche était à bonne distance. Sur la route de mon retour, je la revis. Quelle ne fut pas ma surprise de constater qu'en fait cette dame âgée ramassait des deux bords de la route les déchets que les « clients » de la déchetterie laissaient tomber de leurs remorques en roulant. Je ralentis pour en avoir la certitude et raconter ce vécu à l'ami Serge. Plus encore, je décidais en ces temps riches d'à priori primaires d'en faire le thème de ce billet. Méfions-nous de ces raccourcis trop faciles. Oui, les vieux « aussi » sont sensibles à ces sujets qui mobilisent beaucoup de jeunes, à juste titre. Gardons-nous de ces clichés clivants. Demain ne pourra se construire qu'en faisant société, intelligemment, avec tolérance et respect. Et dès lors, même si mon propos est naïf, il fera bon vivre ensemble. ...
01/07/2024  - Billet

La victoire appartient au plus opiniâtre

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01/06/2024  - Toucher

Découvrir le corps

Toucher des corps qui ne sont ni les nôtres ni ceux des proches aimés. Les couvrir et les découvrir, au gré des soins et des besoins de chacun. Les toucher avec pudeur et respect, dans l'intimité d'une chambre. C'est notre quotidien de soignants, qui prenons soin de ceux qui ont besoin d'assistance pour les actes simples de la vie.
01/06/2024  - Partie I

Virage domiciliaire: Les risques du tête à queue...

Le « virage domiciliaire » est une formule qui sent bon la novlangue administrative et le poncif bureaucratique. Voici des années que ce virage est annoncé, que de nombreuses caravanes publicitaires stationnent sur les aires d'autoroute de la seniorisation... Pour autant, le bilan est maigre.
16/05/2024  - Billet

Éloge du temps

Le débat sur la fin de vie est en cours. Tel un marqueur politique nécessaire, il a été décidé d'en accélérer la réflexion. Il est vrai que le sujet est plus que sensible car on le constate déjà, la sémantique le dispute au fond. On évoque un « modèle français », qui de mon point de vue sera difficile non seulement à construire mais aussi à mettre en oeuvre. Il a été dit qu'il fallait donner du temps au temps. Et cette formule est reprise bien souvent et complaisamment. Sans vouloir procrastiner, car il est légitime qu'une société évolue, j'ai pour autant l'humilité de penser que notre pays est assez enclin à légiférer et « sur-légiférer » sans s'assurer de la réelle application des lois déjà votées. Un consensus se dégage ainsi pour affirmer qu'en matière de fin de vie, la douleur est le facteur essentiel. Et que le nombre de places en soins palliatifs est non seulement insuffisant mais géographiquement injuste. Le sujet presque tabou est difficilement évoqué. Triste constat. La loi Claeys-Leonetti est incomprise, souvent non mise en oeuvre. Elle correspond pourtant à un encadrement important et nécessaire de ces moments si difficiles. ...
01/05/2024  - Billet

Marqueurs de bienveillance

Les débats sur la loi « Bien vieillir » agitent les acteurs du secteur médico-social. Le grand public est plus préoccupé par d'autres sujets sociétaux, anxiogènes et médiatiquement plus à la « une ». Encore une fois, le grand âge est victime du syndrome de l'indifférence et d'un manque de volonté politique face au mur qui se rapproche de plus en plus. C'est un combat permanent, lassant, décourageant souvent, mais essentiel cependant selon le terme si employé lors de la récente pandémie. ...
01/05/2024  - Partie IV

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Pour poursuivre notre série sur la valorisation des métiers du care, évoquons les initiatives visant à améliorer très concrètement le quotidien des femmes et des hommes (surtout des femmes) qui travaillent auprès des plus fragiles.
01/05/2024  - Chronique

Et si on arrêtait de cacher les vieux?

La France des vieux, c'est la France du passé, la France d'hier. Place aux jeunes, à la modernité et à l'innovation digitale ! Bien entendu, je ne suis pas sérieux... Je vous imagine déjà sursauter...