Depuis 1962, la question de la prise en compte collective de la perte d'autonomie liée au grand âge est sur la table. Nous attaquons, en seulement dix ans, la troisième « grande démonstration nationale » autour du financement de la perte d'autonomie.
Perte d'autonomie : un risque à prendre pour l'assurance maladie ?
Officiellement rien n'est encore décidé et le gouvernement explique attendre beaucoup de la plateforme participative « Comment mieux prendre soin de nos aînés ?». On progresse dans la sémantique avec la notion de « prendre soin » plutôt que « prendre en charge », même s'il est un peu dommage d'en rester encore à une vision assez paternaliste, d'évoquer « nos » aînés, plutôt que « les aînés »... Les aînés n'appartiennent à personne... Et moins encore à l'État.
Quelle politique de la longévité ?
Rappelons aussi que depuis les années 2000, il y a eu de nombreuses améliorations comme la création de l'Allocation personnalisée Autonomie et la mise en oeuvre de la CNSA, la loi d'Adaptation de la société au vieillissement... Pour autant, des problématiques très lourdes autour de la situation des Ehpad, du reste à charge pour les familles qui s'accroît alors même que le pouvoir d'achat des retraités a toutes chances de continuer de baisser.
Surtout, la question de fond autour de la construction d'une vision politique d'une société de la longévité n'a pas été réglée.
Élargirl'assurance maladie à la prise en charge du risque de perte d'autonomie ?
Régulièrement la question de la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale dédiée au financement collectif du risque de perte d'autonomie ressurgit sans qu'aucun gouvernement ne s'y soit réellement impliqué. Manque d'envie, peur des coûts et absence de vision sur le sujet ? Une nouvelle piste est maintenant évoquée, qui serait de maintenir tout ou partie de la cotisation de la CRDS mise en place pour rembourser la dette de la sécurité sociale et qui devrait s'éteindre à l'horizon 2025, pour l'affecter à la perte d'autonomie... Peut-être faudrait-il faire plus simple et élargir l'assurance maladie à la prise en charge du risque de perte d'autonomie ? Ce serait sans doute plus facile à mettre en oeuvre et cela éviterait de pointer du doigt les plus âgés. L'autre avantage de cet élargissement serait qu'ainsi il s'agirait d'accompagner et financer le risque de déficit d'autonomie sans que l'âge ne soit un critère et en prenant en compte le fait qu'il s'agit d'un risque et non d'une fatalité. Cesserait enfi, la barrière d'âge artificielle censée distinguer dépendance et handicap. Ce serait aussi peut-être une manière plus entrainante pour faire de la prévention un principe de santé publique à tout les âges.
Nos sociétés se veulent toujours plus performantes, mais génèrent toujours plus de vulnérabilité. A quand la performance dans la prise en compte collective de la perte d'autonomie, pour en faire un levier d'innovation technologique et social ?
Serge Guérin
Sociologue. Professeur à l'INSEEC où il dirige le MSc Directeur des établissements de santé.
Co-auteur de « La guerre des générations aura-t-elle lieu ? », Calmann-Lévy, 2017 et de « La Silver économie », La Charte, 2018.