Dans le n° 116-mai 2020  -  Plaidoyer  11053

Pour un maintien du concours d'entrée en école d'aide-soignant

Face au Covid-19, les aides-soignants se sont engagés massivement, assumant aux côtés de infirmiers, un rôle décisif dans la bataille. Un rôle essentiel et exigeant qui mérite une vraie sélection à l'entrée de la formation.

Secondant les personnels paramédicaux en unités spécialisées, en réanimation, dormant dans les EHPAD, intervenant dans les ssiad avec des protections minimum, cette profession (comme d'autres, peu considérées) attire les regards, par son exemplarité. Alors que nous avons des aides-soignant(e)s dont nous sommes fiers, et au motif qu'ils/elles ne sont pas assez nombreux/ses, la suppression du concours d'entrée à l'école qui les forme a été annoncée.

Peu de motifs à cela, au final, sinon une barrière trop exigeante qui écrèmerait des gens refoulés à l'écrit (orthographe ou grammaire hasardeuses, manque de culture générale) alors qu'ils présenteraient des qualités humaines insondables ! Ces candidats sont majoritairement des candidates (90%), en formation continue (74%), issus de milieux employés/ouvriers (DREES, 2019). Ils sont en moyenne plus âgés que les candidat(e)s des autres formations de santé.

Voila une manière singulière d'envisager les choses ! Les candidates présentent des lacunes en français, manquent de culture générale... On supprime la barrière ! Et l'on envisage d'ouvrir largement l'accès au cursus, un simple oral suffisant (oral déjà en place et second élément essentiel du concours) avec la double promesse d'une formation plus dense et d'un diplôme, au final, plus exigeant. Nous avons, hélas (le Bac en est un exemple), été plutôt habitués à voir des diplômes finaux se calquer sur le niveau en baisse des candidats et non sur l'exigence de l'excellence attendue. Peu de chances qu'il en soit ici autrement. Il est à noter que certains échouent après avoir suivi une préparation d'un an.

La particularité de cette formation est de délivrer un accès à l'ensemble du système sanitaire et médico-social et de permettre aux AS diplômées d'exercer tant à l'hôpital, en service de pointe ou d'urgence, qu'en structure médico-sociale. Les aides-soignantes ont un rôle propre, elles doivent écrire des transmissions, lire des consignes, et sont en contact direct avec les usagers. Elles doivent donc pouvoir réfléchir et penser le care, la dignité, le sens du soin, la pudeur, la bientraitance... Autant d'aspects de leur métier, exigeants, qui méritent bien un niveau élevé à l'entrée, dans la maitrise du Français comme dans la culture générale ! Par ailleurs, elles travaillent « sous la responsabilité de l'infirmière » (annexe IV à l'arrêté du 25/01/2005) ce qui signifie que d'éventuelles erreurs seront imputables à l'infirmière ! Mesurer les principaux paramètres liés à l'état de santé des personnes, transmettre ses observations par oral ou par écrit pour maintenir la continuité des soins, autant actions qui ne peuvent s'affranchir d'un certain niveau, que les seules qualités humaines ne peuvent garantir ! 27 actes supplémentaires pourraient leur être délégués (recueil de la saturation en oxygène, recueil des glycémies capillaires, etc.) ! Est-ce compatible avec moins d'exigence ? C'est exactement l'inverse !

Il y a une certaine condescendance à estimer que les métiers moins diplômés ou moins hiérarchisés peuvent être ouverts au tout venant ! C'est pourtant rarement en nivelant par le bas que l'on produit l'excellence ! Alors oui, il faut certainement aider financièrement massivement à la préparation du concours d'entrée, oui il faut que les études soient gratuites, oui il faut encourager l'apprentissage qui existe déjà, oui il faut revaloriser les salaires, oui il faut peut-être envisager un cursus différent pour les AS de Pratiques Gériatriques Avancées ou de Pratiques Sanitaires Avancées mais il faut maintenir le concours tout comme il faut considérer ce métier comme un métier à véritable valeur ajoutée et non une piste buissonnière vers un métier radicalement différent : celui d'infirmièr(e) !

Jean-Marc Blanc

Directeur général de la Fondation I2ml

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