Les retraités se sont mobilisés ces derniers temps à plusieurs reprises à la fois contre la hausse de la CSG qui leur est imposé, mais peut-être plus encore contre les représentations négatives et méprisantes qu'ils subissent.
Quand le réel se rattrape...
Remarquons combien la tentation d'opposer aux jeunes, les retraités " privilégiés " qui " osent " 1 se plaindre est présente chez les décideurs, chez ceux que l'on dénomment maintenant comme les premiers de cordée. Il y a un véritable mépris pour les seniors, les retraités, les vieux. Autre exemple, un député En Marche évoquait dans L e Parisien la " génération dorée " qui vraiment ne devrait pas se plaindre et être heureuse d'avoir une retraite...
Le président Macron, qui doit largement aux seniors, sa qualification au 2ème tour de la présidentielle puis sa victoire 2 , au-delà d'un projet nécessaire de réforme structurelle des retraites, tend aussi à opposer les retraités aux actifs 3 . En témoigne les conditions de la hausse de la CSG pour les retraités les plus " aisés " (c'est-à-dire disposant d'une pension nette égale ou supérieure à 1 289 € par mois, pour les retraités de moins de 65 ans et de 1 394 € par mois, pour ceux de plus de 65 ans ...) qui selon le rapport du député En Marche (LREM), Joël Giraud, ne sera pas du tout compensé pour 2,5 millions de retraités, et en partie sur le moyen terme, pour 4,5 millions d'entre eux.
Des discours inadaptés
Entendons-nous bien : la hausse de la CSG est parfaitement légitime pour les retraités réellement aisés (par exemple les 7% d'entre eux qui touchent plus de 3 000 € par mois, voire les 15% dont la pension mensuelle dépasse les 2 400 €). Mais c'est le niveau choisi et le discours associé qui apparaissent totalement en dehors des clous. Une décision qui souffre aussi de la comparaison avec la suppression de l'ISF. Il n'est pas sûr que l'augmentation de l'Allocation de solidarité (Aspa, ex minimum vieillesse) de 35 € par mois prévue en 2018 suffise à équilibrer les choses. Ni la décision d'Edouard Philippe de prendre en compte la situation de 100 000 retraités dont les revenus sont justes à la limite.
Des acteurs sociaux
Rappelons surtout que ces discours et décisions s'appuient sur des représentations négatives et éculées de l'avancée en âge mais aussi sur une vision contestable des disparités sociales entre les générations. Ces représentations restent au niveau d'une vision productiviste de la société sans mesurer combien les retraités sont des acteurs sociaux, impliqués dans les solidarités familiales et de proximité, matérielles et informelles, dans le tissu associatif ou encore dans la vie des communes, sans compter l'apport des 4 millions de retraités aidants bénévoles d'un proche (ce qui représente, toutes choses égales par ailleurs, l'équivalent de 80 Mds€ d'économie pour la santé publique).
Plutôt qu'inventer une pseudo lutte des âges, nous avons besoin plus que jamais d'une intergénération active et solidaire pour tisser et retisser le lien social.
Serge Guérin, sociologue. Professeur à l'INSEEC où il dirige le MSc Directeur des établissements de santé.
Co-auteur de " La guerre des générations aura-t-elle lieu ? ", Calmann-Lévy et de " La Silver économie ", La Charte.