La notion de douleur est propre à chaque être humain. Il existe des différences d'ordre psycho-social, l'implication de l'entourage familial, les activités, l'origine culturelle ou ethnique, le niveau d'éducation et la croyance religieuse.
" Quand les notes de musique rencontrent les soins "
Toutes sortes de facteurs s'ajoutent à l'âge pour expliquer que la douleur soit sous-estimée et même non reconnue et il est indispensable de combattre l'idée reçue selon laquelle il est normal d'avoir mal lorsqu'on est âgé.
La prise en charge de la douleur, qu'elle soit physique ou psychique, des sujets âgés mérite d'être personnalisée.
Ainsi, l'EHPAD MBV Les Figuères propose une prise en charge de la douleur en intégrant l'approche musicale. En effet, depuis début 2015, le musicothérapeute Jean-Luc Dragotto est présent 2 matinées par mois pour une raison bien précise: l'accompagnement des soins douloureux. De nombreuses études mettent en évidence l'intérêt de la musicothérapie dans la prise en charge de la douleur. La musicothérapie a été définie par Biley comme : " une technique contrôlée d'écoute musicale utilisant son influence physiologique, psychologique et émotionnelle sur la personne durant le traitement d'une maladie ou d'un traumatisme ".
La musique agit par de multiples mécanismes interactifs (sensoriels, cognitifs, affectifs et comportementaux), permettant une action directe sur les composantes globales de la douleur des patients.
L'équipe du Comité Douleur de la Résidence s'est questionnée sur les bénéfices que pouvait apporter la musicothérapie dans ce contexte particulier du " soignant qui engendre de la douleur ", afin d'améliorer la prise en soins.
L'expérience " Quand les notes de musique rencontrent les soins " a donc débuté au 1er trimestre 2015.
Les résidents dont les soins engendraient des douleurs ont été identifiés, évalués (ALGOPLUS principalement) et le travail avec le musicothérapeute a débuté. L'équipe musicothérapeute/infirmière/ergothérapeute ou musicothérapeute/aide-soignante/ergothérapeute est présente durant la réalisation du soin. Ainsi par le biais de la musique, la recherche d'un support de diversion est proposée (le musicothérapeute ayant évalué préalablement la réceptivité de la personne à la musique).
Mme M. est âgée de 92 ans; elle présente une démence et de multiples hypertonies déformantes acquises. Elle est totalement dépendante et communique peu verbalement. La toilette est un moment de la journée redouté autant par Mme M. que par les soignants. L'appréhension de la "blouse blanche" et du "toucher utilitaire" (décrit et décrié dans la philosophie de soins Humanitude®) associés aux douleurs physiques induites par les mobilisations entrainent un ensemble de manifestations non-verbales (crispation, gémissements, ...).
Elle ne reçoit pas de médicaments psychotropes pour être chimiquement "plus détendue ", c'est un choix dans le projet de soins favorisant le développement des approches non-médicamenteuses. En revanche, une réorganisation des soins a été réfléchie afin que les soignants aient du temps. Du temps pour que le "toucher utilitaire" se transforme en "toucher relationnel". La toilette dure donc pour cette résidente entre 45 min et 1h et réalisée à 2 soignants. Malgré cela, l'appréhension est encore présente sauf les matins où les notes de musique s'invitent dans la chambre de Mme M...
Deux fois par mois, les soins de Mme M. se déroulent en présence du musicothérapeute. La guitare crée un lien dans la relation soignant-soigné, invite la douceur et favorise un soin apaisé. Mme M. y est particulièrement réceptive puisqu'elle démontre systématiquement de l'intérêt en suivant du regard Mr Dragotto. Après quelques minutes musicales de mise en confiance, la toilette commence avec les soignants. Mr Dragotto s'éloigne du lit afin de préserver l'intimité et joue des mélodies durant la totalité du soin. Le visage de la Résidente se détend, son corps également. Les gémissements sont remplacés par des fredonnements et des sourires apparaissent parfois.
Le relâchement musculaire secondaire permet d'effectuer des mobilisations passives facilitant par la même occasion les soins. Au fil des séances, le musicothérapeute a pu repérer les mélodies qui "parlaient" à Mme M. et a finalement réussi à lui personnaliser une composition.
La musique a-t-elle un effet anesthésiant?
Les observations cliniques montrent des effets d'apaisement, de relâchement des tensions musculaires permettant l'amélioration positive des conditions d'intervention dans le soin en agissant sur un seuil de diminution de l'appréhension et de la douleur générée par l'intervention. Pour cette résidente, les évaluations ALGOPLUS sont en moyenne scorées à 2/5 lorsque le soin est réalisé en présence du musicothérapeute (4/5 le reste du temps).
Et du côté des soignants ?
Tous les soignants, présents lors des soins "en musique", sont unanimes sur les bienfaits personnels ressentis. Détente, apaisement psychique, bienveillance, satisfaction de réaliser un soin en douceur. D'autres soins "en musique" sont régulièrement réalisés en partenariat avec Mr Dragotto comme par exemple des soins de pansements. Là encore, les résultats sont très positifs puisque dans la plupart des cas l'administration de médicaments antalgiques est diminuée voire évitée.
La musicothérapie est donc une approche non-médicamenteuse à développer et à intégrer dans la relation de soin et particulièrement dans le cadre de prise en charge de la douleur induite par les soins. Elle contribue à considérer la personne dans sa globalité en tenant compte de ses émotions, dignement.