Non obligatoire et soumise à la décision individuelle, la vaccination en EHPAD interroge cependant la prise en considération de la volonté du résident atteint de troubles cognitifs. Que dit la loi ?
Quel consentement au vaccin en EHPAD ?
Le devoir de fournir une information complète et adaptée au résident
Informer le résident est un préalable nécessaire au consentement au soin. « Toute personne a le droit d'être informée [...] sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent »[i] . L'absence de recul sur les vaccins anti-Covid complique la délivrance d'une information complète sur le rapport bénéfice/risque pour une vaccination pouvant paraître expérimentale. Cette information incombe pourtant à tout professionnel de santé et doit être délivrée au cours d'un entretien individuel avec le patient.[ii] Le résident sous protection juridique[iii] conserve le droit de recevoir l'information et de participer à la prise de décision le concernant. Cette information devra être délivrée d'une manière adaptée à ses facultés de discernement.
Le cadre juridique du consentement libre et éclairé
Le droit français associe le consentement au soin au principe d'autonomie de la personne et au principe d'inviolabilité du corps humain[iv], ce qui signifie qu'il appartient à l'individu de décider des soins qu'il souhaite recevoir. Le code de la santé publique indique que « toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement » et que « le médecin a l'obligation de respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité » [v]. Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne, sauf en cas d'urgence[vi] (risque vital et immédiat). Ainsi, il appartient au résident de consentir à tout soin comme à la vaccination.
La délicate question du consentement du résident avec des troubles cognitifs
Si le résident a des troubles cognitifs pouvant altérer son jugement, il peut ne pas être en capacité d'apprécier les informations apportées ni de formuler un consentement libre et éclairé. S'il est sous tutelle ou habilitation familiale et que sa capacité de discernement est altérée, le juge des contentieux de la protection[vii] peut autoriser le tuteur ou la personne chargée de cette habilitation à représenter le majeur protégé, y compris pour les actes ayant pour effet de porter gravement atteinte à son intégrité corporelle. Cependant, nombreux sont les résidents ayant des troubles cognitifs sans pour autant faire l'objet d'une mesure de protection juridique, ce qui complique la question du consentement. Ni la famille ni la personne de confiance ne peuvent décider à la place du résident. Seule la personne de confiance possède une réelle légitimité et constitue le porte-parole du résident qui l'a désignée, sans pour autant pouvoir décider à sa place. Il est préférable que l'établissement consulte les directives anticipées, la personne de confiance ainsi que les proches du résident, afin d'établir un consensus, et connaître la position qu'aurait eu le résident s'il avait été en pleine possession de ses facultés cognitives. En cas de désaccord entre les différents partis, le témoignage de la personne de confiance prévaut sur les membres de la famille, enfants et époux[viii]. La direction de l'établissement peut s'appuyer sur le médecin coordonnateur, un membre du conseil de la vie sociale ou un médiateur professionnel pour garantir impartialité et neutralité dans le recueil des différents avis.
La preuve de la délivrance de l'information et du recueil du consentement
Il appartient au professionnel de santé ou à l'établissement d'apporter la preuve par tout moyen que l'information a été délivrée au résident[ix]. Le Comité Consultatif National d'Ethique[x], comme le guide d'organisation de la vaccination anti-Covid en EHPAD et USLD, réalisé par le ministère de la santé (voir notre article) préconisent fortement une traçabilité détaillée. Dans le cas du résident atteint de troubles cognitifs, le simple recueil écrit ne peut être une garantie irrécusable du consentement du résident. Sans traçabilité sur le processus décisionnel et l'adaptation de l'information délivrée selon les capacités cognitives du résident, ce recueil ne constitue qu'un indice et non pas une réelle preuve du consentement. La vulnérabilité des personnes âgées ne doit pas pour autant les priver de la considération de leur souhait.
Anne-Sophie Moutier est Juriste consultante formatrice en droit de la santé et médicosocial
[i] Article L1111-2 du code de la santé publique
[ii] Idem
[iii] Il s'agit des mesures de protection juridique protégeant les adultes vulnérables : sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, habilitation familiale - Article 415 du code civil
[iv] Art.414 du Code civil
[v] Article L1111-4 de Code de la santé publique
[vi] Idem
[vii] Anciennement dénommé juge des tutelles
[viii] Article L1111-6 du Code de la santé publique
[ix] Art L1111-2 du Code de la santé publique
[x] Avis rendu par le CCNE le 21/12/2020 : https://www.ccne-ethique.fr/fr/actualites/enjeux-ethiques-dune-politique-vaccinale-contre-le-sars-cov-2