Le Comité Consultatif National d'Éthique, sollicité par le ministre des Solidarités et de la santé, vient de rendre son avis sur la politique vaccinale contre la Covid-19.
Quels sont les enjeux éthiques de la vaccination ?
La mobilisation croisée de la recherche académique et industrielle a permis que, quelques mois après le début de la pandémie, des approches vaccinales voient le jour. La vitesse technologique exceptionnelle n'efface pas totalement l'incertitude qui subsiste quant à la sécurité et à l'efficacité des vaccins et contribue en partie à nourrir le doute au sein d'une partie de la population.
Par ailleurs, la campagne vaccinale imminente se présente avec une disponibilité limitée des vaccins pour les premiers mois. Ce contexte fait émerger l'urgence de définir un cadre éthique capable de sous-tendre la politique en matière de vaccination. Celle-ci illustre, plus que d'autres champs de la médecine, un conflit éthique entre les intérêts de la société et les intérêts individuels. Car si le vaccin protège la personne, il peut protéger aussi les autres, mettant en évidence le caractère altruiste et l'utilité sociale de la vaccination.
Des principes d'éthique et de respect des droits fondamentaux
La réflexion éthique, rappelle le CCNE, « doit respecter les principes qui fondent l'éthique médicale et les droits fondamentaux de toute personne, notamment l'égalité, l'équité, le respect des principes d'autonomie et de consentement, de bienveillance et de non-nuisance, le rapport entre bénéfice collectif et risque individuel, de justice pour déterminer les conditions d'accès ».
Ces principes doivent s'appliquer en dépit du caractère exceptionnel de la pandémie, « car il faut absolument écarter l'idée qu'une « éthique d'exception » pourrait guider la réflexion ». Cette Opinion du CCNE constitue une première réflexion sur les enjeux éthiques posés à très brève échéance par l'allocation des premiers vaccins aux personnes vulnérables dont les personnes âgées vivant dans les EHPAD.
L'enjeu dans les prochains mois est de sauver des vies, il ne concerne pas dans cette période l'ensemble de la population.
Dans son Opinion, susceptible d'évoluer dans les prochains mois, le CCNE suggère le respect de quelques règles pour la mise en place d'un cadre éthique dans une situation qui nous confronte à la difficulté de faire des choix collectifs et individuels, alors que sont inconnus certains paramètres importants pour la décision :
- délivrer une information transparente et compréhensible sur le développement et l'évaluation des vaccins dans un contexte d'urgence, ainsi que sur les processus délibératifs ayant conduit à leur allocation ;
- faire preuve de vigilance dans le processus de recueil du consentement à la vaccination des personnes vulnérables. Le temps imparti à la délivrance de l'information et à son appropriation par la personne doit être respecté, quel que soit le contexte d'urgence. L'effectivité de ce processus doit pouvoir être tracé;
- inciter les établissements accueillant les personnes vulnérables éligibles à la vaccination à appuyer leur démarche sur la réflexion éthique. Celle-ci pourrait être animée au plus proche du terrain par les Espaces régionaux de réflexion éthique (ERER) afin de soutenir les acteurs dans la mise en oeuvre de la politique vaccinale ;
- prendre en compte la diversité des points de vue sur la vaccination, en favorisant une délibération collective sur la valeur du geste vaccinal ;
- réexaminer constamment les choix au vu des nouvelles connaissances et expériences afin de vérifier que les décisions prises respectent toujours les principes éthiques;
- veiller au respect des règles de protection des données, de la vie privée et du secret médical dans la collecte et l'utilisation des données, celles-ci étant indispensables à la traçabilité des événements associés à la vaccination, à des fins de pharmacovigilance, de recherche épidémiologique ou en santé publique.
Enfin, le CCNE rappelle l'exigence morale de solidarité internationale que revêt la mise sur le marché des vaccins contre la Covid, qui sont un « bien commun mondial »: Il est urgent et indispensable de faciliter l'accès à la vaccination pour les pays à ressources limitées, et de réduire la crise économique imputable à la pandémie. Celle-ci touche l'ensemble des pays, la réponse doit être globale.