Un sondage A+A pour le laboratoire pharmaceutique Pfizer, publié en septembre 2018, nous apprend beaucoup sur le rapport des médecins généralistes aux personnes âgées.
Regard des médecins et attentes des plus âgés
Dans une période où la réforme de la santé d'Agnès Buzyn valorise plus fortement la prévention, enclenche une dynamique de rétrécissement de la médecine libérale, en actant de fait la transformation de la sociologie et des pratiques des médecins, et renforce le poids dans les territoires des hôpitaux, il est très intéressant de noter les ressentis des médecins.
L'inquiétude des médecins
L'étude montre que pour les médecins généralistes, les problèmes de polymédication, pour 83% d'entre eux, puis les risques de iatrogénie, à 77%, arrivent en tête. Les deux thèmes, d'ailleurs, sont assez proches. Plus intéressant, en troisième position 66% des médecins généralistes citent le besoin d'accompagnement social et administratif des aînés. Le chiffre est beaucoup plus élevé si le médecin a une petite patientèle : 74% contre 57%. Les femmes médecins sont 72% à évoquer le sujet, contre 62% des hommes. De ce point de vue, la création d'assistants médicaux pourrait contribuer à améliorer la capacité des médecins, dont ce n'est ni la compétence ni nécessairement l'appétence, à répondre à ces besoins.
Les différences entre sexes sont aussi très marquées pour la prise en soin de la douleur : 34% pour les femmes, contre 21% pour les hommes. On retrouve aussi des écarts très significatifs en ce qui concerne l'attention aux problèmes d'observance, avec un rapport de 45 à 35%, entre femmes et hommes.
Le point de vue des seniors
Du côté des seniors, l'étude apporte aussi de éléments de réflexion quant au rapport avec le monde du soin. Les plus de 55 ans comptent d'abord sur eux-mêmes pour bien vieillir : 77% sont de cet avis et même 84% chez les plus de 75 ans. Le médecin est cité pour 66% des seniors (75% des plus de 75 ans) avant la famille (58%). L'attente des seniors vis à vis des professionnels du soin concerne (à 62%) la qualité des soins et de l'accompagnement, devant (à 55%) la qualité des conseils et, à 46%, de la relation.
L'autonomie, signe du bien vieillir
Contrairement aux idées reçues, les seniors se sentent bien vieillir. Du moins pour 85% d'entre eux et pour 79% des plus de 75 ans. Ici pas de différences particulières entre les sexes. La preuve du bien vieillir pour les seniors, c'est à 87% de rester autonome. L'autonomie pour soi, pas seulement physique mais aussi administrative et chez soi, afin de rester aussi présent pour les autres.
Pour autant, l'étude montre une forte peur de vieillir (62%), encore plus notable chez les 65-75 ans (67%), et chez les seniors vivant dans les grandes villes (70%). La « marque » Alzheimer fait le plus peur (60%), encore plus chez les femmes (64% vs 55%), et les plus de 75 ans (68%). La perte physique est citée par 30% et la perte de liens sociaux par seulement 10%. Le très fort risque de perte de lien est finalement peu anticipé par les seniors. Un enjeu de santé publique et de bien vieillir à ne vraiment pas négliger...
Serge Guérin
Sociologue, directeur du MSc « Directeur des établissements de santé », Inseec Paris
Dernières publications : La Silver économie, La Charte, 2018, La guerre des Générations aura-t-elle lieu ?, Calmann-Levy, 2017