Si Alfred Blaschko est pour vous un parfait inconnu, il n'y a à ce stade rien d'inquiétant. Ce dermatologue allemand, né le 4 mars 1858, s'intéressa beaucoup à la prostitution et aux maladies vénériennes associées sur lesquelles il publia divers ouvrages.
" Sapin de Noël "
Toutefois, il présenta sa découverte phare en 1901 lors du 7e congrès de la société allemande de dermatologie. Se basant sur l'étude des naevus de 170 patients, il parvint à décrire des lignes corporelles selon lesquelles se distribuaient ces lésions et à les associer à une origine génétique. On sait aujourd'hui que certaines aberrations épidermiques survenant durant les stades précoces de l'embryogénèse aboutissent à des lignées cellulaires épidermiques différentes qui se répartissent sur des lignes corporelles spécifiques. Si on ajoute aux lignes de Blaschko, celles de Langer qui marquent les zones de tension de la peau et les dermatomes nerveux, on a là l'arsenal séméiologique parfait du dermatologue averti. Sur la base de ces théories certaines pathologies vont donner des lésions qui dans le dos sont dites en " sapin de noël " de part l'image formée par la répartition des lésions le long de ces lignes de clivage et qualifié ou non d'inversé selon les représentations que l'on a de cet arbre. Il est préférable d'ailleurs d'être un disciple de Juan Miro plutôt que de Gustave Courbet pour ne pas passer à côté du diagnostic sur cette seule base picturale.
Parmi ces pathologies, il y a le Pityriasis rosé décrit officiellement en 1860 par Gibert. Même si cette dermatose est plutôt l'apanage des 10-35 ans, elle a été décrite jusqu'à l'âge de 83 ans. La maladie, qui évolue spontanément pendant environ un mois et demi, commence par une lésion mère appelée souvent médaillon car ovale, rouge et avec une collerette écailleuse en périphérie. Vont s'ensuivre une multiplicité de lésions réparties sur tout le corps et évoluant vers la guérison. L'abstention thérapeutique est la meilleure stratégie et l'usage de corticoïdes locaux peut entrainer des érythrodermies graves. L'éruption étant précédée d'une phase prodromique typique, l'origine infectieuse de la pathologie a ainsi été postulée. Différents agents infectieux comme Mycoplasme pneumoniae, Legionella micdadei ou encore Chlamydia trachomatis ont été soupçonnés sans preuve formelle. Les herpesvirus humain HHV6 et 7 sont les plus décrits et leur association avec cette pathologie est jugée probable même si elle n'est pas toujours formellement démontrée.
Un autre herpesvirus, HHV8, agit comme cofacteur d'activation des lésions nodulaires marron-pourpres qui vont se répartir dans le dos selon le fameux dermogramme ramifié. Il s'agit du sarcome de Kaposi, hélas en regain de notoriété depuis les années 80 via son association avec l'infection à VIH. Mais il existe aussi des formes dites classiques, endémiques ou iatrogéniques en particulier chez les transplantés rénaux qui touchent de fait la personne âgée.
Et vous, savez-vous lire dans les lignes du corps ?
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