Alors que pour la troisième fois en dix ans, une « grande consultation » est menée par un gouvernement au pouvoir autour des recherches de financement de la perte d'autonomie, peut-on espérer qu'enfin sera inventée une société de la longévité solidaire et partagée ?
Société longévité : déni ou défi ?
Devant la nouvelle donne démographique marquée par le vieillissement et la longévité, la hausse des maladies chroniques et, plus largement, la croissance du nombre de personnes en situation de fragilité physique, psychique ou morale, il faudra bien choisir entre le déni et le défi.
Le premier, idéologiquement dominant, repose sur une culture d'injonctions hygiénistes et sur des représentations sociales hyper négatives de l'avancée en âge comme de la fragilité. Le second implique de poser les bases d'une politique du care, passant par la valorisation des métiers du soin, la priorité donnée à la prévention et le changement de regard sur la fragilité. Il s'agirait aussi de dépasser la croyance en la toute puissance des solutions technologiques.
Repenser le champ d'intervention
Il importe de rappeler que les questions d'accompagnement des malades chroniques et des personnes en grande perte d'autonomie, ne se réduisent pas à une politique de santé... Cela implique de repenser le champ de la perte d'autonomie autrement que par le recours à des politiques publiques limitées à la distribution de ressources financières. A la fois parce que le contexte des finances publiques oblige à encadrer les dépenses alors même que la demande est et sera en forte hausse1, mais aussi pour prendre en compte l'évolution des modes de vie et d'action des personnes, marquées en particulier par la culture du service, les attentes nouvelles pour être partie prenante de son avenir, y compris pour les choix de traitement de sa propre santé.
Développer des approches globales
Dans cette optique, l'une des pistes pour améliorer la prise en soin des aînés les plus fragilisés, dans des conditions économiques durables, serait de sortir d'une logique binaire établissement/domicile pour privilégier des solutions plus fluides favorisant la qualité de vie des aînés comme l'intérêt et le sens du travail des professionnels. Il s'agirait, par exemple, du développement de l'accueil de jour et du passage à une logique de plate-forme gériatrique et de soin. Signalons que ce type d'approche répond aux attentes des personnes. Selon un sondage Odoxa de juillet 2017, face à la perte de capacité physique, pouvoir alterner vie à domicile et accueil en établissement spécialisé, serait privilégié par 37% des plus de 50 ans. Le développement de l'« Ehpad hors les murs » participe de cette approche. Il faudrait évoquer plutôt d'ailleurs les Maisons d'accueil des Ainés et de l'Autonomie ou M3A, pour s'inscrire dans une approche plus large... Et pour tenter de sortir de l'Ehpad bashing...
Serge Guérin,
Sociologue, directeur du MSc « Directeur des établissements de santé », Inseec Paris, auteur de « Silver Génération », Michalon 2015 et co-auteur de « La guerre des générations aura-t-elle lieu ? », Calmann-Lévy, 2017