Dans le n° 98-novembre 2018  10152

Société longévité : déni ou défi ?

Alors que pour la troisième fois en dix ans, une « grande consultation » est menée par un gouvernement au pouvoir autour des recherches de financement de la perte d'autonomie, peut-on espérer qu'enfin sera inventée une société de la longévité solidaire et partagée ?

Devant la nouvelle donne démographique marquée par le vieillissement et la longévité, la hausse des maladies chroniques et, plus largement, la croissance du nombre de personnes en situation de fragilité physique, psychique ou morale, il faudra bien choisir entre le déni et le défi.

Le premier, idéologiquement dominant, repose sur une culture d'injonctions hygiénistes et sur des représentations sociales hyper négatives de l'avancée en âge comme de la fragilité. Le second implique de poser les bases d'une politique du care, passant par la valorisation des métiers du soin, la priorité donnée à la prévention et le changement de regard sur la fragilité. Il s'agirait aussi de dépasser la croyance en la toute puissance des solutions technologiques.

Repenser le champ d'intervention

Il importe de rappeler que les questions d'accompagnement des malades chroniques et des personnes en grande perte d'autonomie, ne se réduisent pas à une politique de santé... Cela implique de repenser le champ de la perte d'autonomie autrement que par le recours à des politiques publiques limitées à la distribution de ressources financières. A la fois parce que le contexte des finances publiques oblige à encadrer les dépenses alors même que la demande est et sera en forte hausse1, mais aussi pour prendre en compte l'évolution des modes de vie et d'action des personnes, marquées en particulier par la culture du service, les attentes nouvelles pour être partie prenante de son avenir, y compris pour les choix de traitement de sa propre santé.

Développer des approches globales

Dans cette optique, l'une des pistes pour améliorer la prise en soin des aînés les plus fragilisés, dans des conditions économiques durables, serait de sortir d'une logique binaire établissement/domicile pour privilégier des solutions plus fluides favorisant la qualité de vie des aînés comme l'intérêt et le sens du travail des professionnels. Il s'agirait, par exemple, du développement de l'accueil de jour et du passage à une logique de plate-forme gériatrique et de soin. Signalons que ce type d'approche répond aux attentes des personnes. Selon un sondage Odoxa de juillet 2017, face à la perte de capacité physique, pouvoir alterner vie à domicile et accueil en établissement spécialisé, serait privilégié par 37% des plus de 50 ans. Le développement de l'« Ehpad hors les murs » participe de cette approche. Il faudrait évoquer plutôt d'ailleurs les Maisons d'accueil des Ainés et de l'Autonomie ou M3A, pour s'inscrire dans une approche plus large... Et pour tenter de sortir de l'Ehpad bashing...

Serge Guérin,

Sociologue, directeur du MSc « Directeur des établissements de santé », Inseec Paris, auteur de « Silver Génération », Michalon 2015 et co-auteur de « La guerre des générations aura-t-elle lieu ? », Calmann-Lévy, 2017

01/10/2024  - Ce qui se voit...

Luxe, calme et propreté

S'il est bien une condition indispensable au bon fonctionnement des Ehpad, c'est à n'en pas douter l'hygiène des locaux. Nettoyage, bionettoyage, hygiène du linge... Les consignes et protocoles ne manquent pas pour assurer l'organisation et l'évaluation de ces tâches quotidiennes. Et pourtant, ce travail reste invisible. Ou plutôt, il n'est visible que quand il n'est pas fait. Paradoxe ?
01/10/2024  - Billet

Les vieux aussi !

Serge Guérin me pardonnera de paraphraser le titre de son dernier ouvrage en date* pour titrer mon billet. Vous l'avez lu ou en connaissez le thème : bousculer les idées reçues sur le désintérêt des « vieux » en matière de gestes écologiques et solidaires. Tribune pour répondre à ceux qui pensent que ces générations issues de la deuxième guerre mondiale et des années cinquante ont abusé des trente glorieuses et se moquent des incidences climatiques et générationnelles futures. Elles pourraient pourtant donner des leçons d'économies à beaucoup en matière d'eau, de déchets et de courage. Une anecdote a fini de me convaincre. Récemment par une belle journée je me dirigeais vers la déchetterie suite à des travaux de jardin et je vis sur le bord de la route une personne âgée, courbée et tirant deux chariots utilisés pour les courses. Je me fis la remarque du courage de cette personne sachant que le commerçant le plus proche était à bonne distance. Sur la route de mon retour, je la revis. Quelle ne fut pas ma surprise de constater qu'en fait cette dame âgée ramassait des deux bords de la route les déchets que les « clients » de la déchetterie laissaient tomber de leurs remorques en roulant. Je ralentis pour en avoir la certitude et raconter ce vécu à l'ami Serge. Plus encore, je décidais en ces temps riches d'à priori primaires d'en faire le thème de ce billet. Méfions-nous de ces raccourcis trop faciles. Oui, les vieux « aussi » sont sensibles à ces sujets qui mobilisent beaucoup de jeunes, à juste titre. Gardons-nous de ces clichés clivants. Demain ne pourra se construire qu'en faisant société, intelligemment, avec tolérance et respect. Et dès lors, même si mon propos est naïf, il fera bon vivre ensemble. ...
01/07/2024  - Billet

La victoire appartient au plus opiniâtre

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01/06/2024  - Toucher

Découvrir le corps

Toucher des corps qui ne sont ni les nôtres ni ceux des proches aimés. Les couvrir et les découvrir, au gré des soins et des besoins de chacun. Les toucher avec pudeur et respect, dans l'intimité d'une chambre. C'est notre quotidien de soignants, qui prenons soin de ceux qui ont besoin d'assistance pour les actes simples de la vie.
01/06/2024  - Partie I

Virage domiciliaire: Les risques du tête à queue...

Le « virage domiciliaire » est une formule qui sent bon la novlangue administrative et le poncif bureaucratique. Voici des années que ce virage est annoncé, que de nombreuses caravanes publicitaires stationnent sur les aires d'autoroute de la seniorisation... Pour autant, le bilan est maigre.
16/05/2024  - Billet

Éloge du temps

Le débat sur la fin de vie est en cours. Tel un marqueur politique nécessaire, il a été décidé d'en accélérer la réflexion. Il est vrai que le sujet est plus que sensible car on le constate déjà, la sémantique le dispute au fond. On évoque un « modèle français », qui de mon point de vue sera difficile non seulement à construire mais aussi à mettre en oeuvre. Il a été dit qu'il fallait donner du temps au temps. Et cette formule est reprise bien souvent et complaisamment. Sans vouloir procrastiner, car il est légitime qu'une société évolue, j'ai pour autant l'humilité de penser que notre pays est assez enclin à légiférer et « sur-légiférer » sans s'assurer de la réelle application des lois déjà votées. Un consensus se dégage ainsi pour affirmer qu'en matière de fin de vie, la douleur est le facteur essentiel. Et que le nombre de places en soins palliatifs est non seulement insuffisant mais géographiquement injuste. Le sujet presque tabou est difficilement évoqué. Triste constat. La loi Claeys-Leonetti est incomprise, souvent non mise en oeuvre. Elle correspond pourtant à un encadrement important et nécessaire de ces moments si difficiles. ...
01/05/2024  - Billet

Marqueurs de bienveillance

Les débats sur la loi « Bien vieillir » agitent les acteurs du secteur médico-social. Le grand public est plus préoccupé par d'autres sujets sociétaux, anxiogènes et médiatiquement plus à la « une ». Encore une fois, le grand âge est victime du syndrome de l'indifférence et d'un manque de volonté politique face au mur qui se rapproche de plus en plus. C'est un combat permanent, lassant, décourageant souvent, mais essentiel cependant selon le terme si employé lors de la récente pandémie. ...
01/05/2024  - Partie IV

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Pour poursuivre notre série sur la valorisation des métiers du care, évoquons les initiatives visant à améliorer très concrètement le quotidien des femmes et des hommes (surtout des femmes) qui travaillent auprès des plus fragiles.
01/05/2024  - Chronique

Et si on arrêtait de cacher les vieux?

La France des vieux, c'est la France du passé, la France d'hier. Place aux jeunes, à la modernité et à l'innovation digitale ! Bien entendu, je ne suis pas sérieux... Je vous imagine déjà sursauter...