Six mois à peine après le début de sa mise en application, la réforme budgétaire et financière des EHPAD cristallise au plus haut point le mécontentement des représentants du secteur. Et tout particulièrement ceux de la fonction publique hospitalière. Avec l'arrivée d'une nouvelle équipe gouvernementale, d'aucuns espèrent que le débat sur le chantier du financement des EHPAD sera réouvert.
Tarification des EHPAD : faut-il réformer la réforme ?
Il est urgent de rectifier le tir ! De plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer une réforme de la réforme de la tarification des EHPAD. La campagne budgétaire officiellement lancée avec la publication au Journal Officiel le 7 juin de la décision de la directrice de la CNSA fixant le montant des dotations régionales limitatives augure pour certains, une aggravation des difficultés financières pour les établissements. Ainsi le Syncass-CFDT, syndicat de directeurs de la fonction publique hospitalière, redoute "une sévère contraction des ressources". "Cette campagne budgétaire traduit concrètement les conséquences de la Loi dans le modèle économique des EHPAD publics, privés non-lucratifs et commerciaux. De très nombreux départements, eux-mêmes sous pression, ne permettent même plus la reconduction des moyens pour les établissements", critique-t-il.
La grogne s'est fait entendre dès la mise en oeuvre du nouveau mode de calcul du forfait dépendance, fondé sur l'instauration d'un point GIR départemental, lui-même calculé sur les charges moyennes constatées dans l'ensemble des EHPAD du département, ce quel que soit leur statut. De nombreuses voix ont dénoncé une forte disparité territoriale dans la valeur du point et un nivellement par le bas des dotations "dépendance" dans plusieurs départements. "Les premiers retours que nous avons sur 37 départements, font apparaître une très grande disparité de la valeur du point (5,86 pour le plus bas, à 7,95 pour le plus haut)", constatait, en mai 2017, la Conférence nationale des directeurs d'établissements publics pour personnes âgées et personnes handicapées (CNDEPAH). La nouvelle tarification laisse apparaître "des écarts de financement départementaux de l'ordre de 4 €", a déclaré, pour sa part, Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du syndicat, lors de son discours de politique générale au congrès annuel organisé à Deauville les 16 et 17 juin.
Un niveau sans précédent de convergence
Nombreux sont les établissements publics mais également associatifs, qui ont subi une baisse de leur dotation dépendance de 20 à 30 % avec comme principale conséquence, la disparition de milliers d'emplois. Les résultats des études d'impact de la Fédération hospitalière de France (FHF) "confirment un niveau absolument sans précédent de convergence". "D'un département à l'autre, la dépendance d'une personne âgée est plus ou moins bien financièrement reconnue, avec des écarts de plusieurs centaines d'euros pour une même situation", pointe du doigt la FHF, qui estime la perte de recettes pour les EHPAD publics à plus de 200 M€. "Le problème du forfait dépendance n'est pas réglementaire, il est politique. Au niveau de l'État comme au niveau des Départements, ce sont des choix politiques qui nous sont imposés. Ces choix sont principalement économiques: il faut réduire la dépense publique !", tempête le CH-FO.
Reçu le 13 juin par Agnès Buzyn, nouvelle ministre des Solidarités et de la Santé, Frédéric Valletoux, le président de FHF a demandé au gouvernement d'instaurer un moratoire sur la réforme de la tarification des EHPAD. Puis, le 14 juin, le conseil d'administration de la FHF est allé plus loin en votant une motion pour le retrait pur et simple "des dispositions mettant en place cette réforme insuffisamment évaluée en amont". La Fédération demande de "manière urgente la mise en place d'une réflexion globale et novatrice autour de la question de la dépendance et du " 5ème risque ".
Le temps des grandes manoeuvres
Si les représentants du secteur public sont en première ligne ces derniers mois pour obtenir le changement des règles de la réforme de la tarification, le secteur associatif n'est pas en reste. Ainsi l'AD-PA rejoint "pleinement" la position de la FHF "pour dénoncer la diminution prévue des budgets des établissements, publics pour l'essentiel et associatifs pour certains". L'AD-PA demande à l'Etat "l'abrogation" des décrets relatifs au tarif " dépendance " et au tarif " soin ". "En tant qu'instance représentative des CCAS/CIAS, qui gèrent environ 400 EHPAD en France, l'UNCCAS "partage" également les inquiétudes de la FHF. À Clermont-Ferrand par exemple, cette réforme risque d'engendrer une baisse de financement de 375 000 € pour les Ehpad gérés par des CCAS", souligne l'UNCCAS sur son site.
La FNADEPA dénonce elle aussi la convergence tarifaire sur les forfaits soin et dépendance et réclame également "une révision de l'équation tarifaire". Elle se déclare en faveur d'une convergence sur une moyenne nationale qui serait davantage pondérée. Par ailleurs, du côté des fédérations du secteur privé non lucratif, on craint que certains départements lorgnent sur le crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS) pour baisser les tarifs d'hébergement des établissements habilités à l'aide sociale.
Frédéric Valletoux a rencontré le 20 juin Frédéric Bierry, le président de la commission "solidarités et affaires sociales" à l'Assemblée des Départements de France. La Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ainsi que les fédérations du secteur se sont engagés dans un groupe de travail sur la question de l'habilitation à l'aide sociale. Concernant le forfait dépendance et la politique vieillesse dans son ensemble, un courrier interfédéral, signé par 26 organisations du secteur dont les principales fédérations d'EHPAD, a été adressé à Edouard Philippe, le Premier ministre, avec copie à la ministre des Solidarités et de la Santé. On le voit, la parenthèse de la période électorale étant désormais fermée, les grandes manoeuvres sont lancées pour obtenir que la tarification des EHPAD soit à nouveau inscrite à l'agenda politique...