« On ne change pas la société par décret », défendait le sociologue Michel Crozier. La transition ne se fera en effet qu'à la condition de s'appuyer sur une volonté commune de transformation. Dans un avenir où les ressources seront de plus en plus limitées cependant, comment parvenir à mobiliser efficacement les personnes, malades ou non, professionnels, aidants...
Télémédecine, prévention et modèle en santé
Dans les années à venir, la télémédecine, et plus largement la e-santé, se révèleront primordiales pour résoudre certaines problématiques au sein de notre société, telles que les déserts médicaux ou le manque de médecins de ville. Attention cependant à ce que ces outils soient bien accessibles techniquement (les zones blanches sont majoritairement dans des territoires touchés par les déserts médicaux...), culturellement et socialement. Ces outils apportent, par ailleurs, une réponse concrète -mais pas universelle- aux attentes et besoins des patients, qui sont de plus en plus nombreux à vouloir participer à l'élaboration de leur parcours de soins et à maîtriser leur propre santé.
Des patients au coeur de l'innovation
L'innovation est certes favorisée par les nouvelles technologies, mais aussi et principalement par les patients : il est fondamental de les placer au coeur des processus et du modèle de santé. Depuis la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, l'usager devient ainsi acteur à part entière de son parcours de soins. Enfin, la loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2018, qui accorde aux praticiens la possibilité de tarifer une prestation en télémédecine, change complètement le paradigme actuel.
Une technologie pour quelle utilisation ?
Rappelons, par ailleurs, que les nouvelles technologies ne sont d'aucune utilité en l'absence d'une véritable réflexion autour de leur usage, des besoins réels des personnes et de leurs attentes. La technologie en elle-même importe peu ; son utilisation seule, lui confère sa valeur. Il est nécessaire de se montrer actif et audacieux pour faire des outils actuels des vecteurs de transformation et d'innovation pertinents, utiles et positifs.
L'enjeu d'un nouveau modèle de santé concerne aussi très directement la question centrale de la prévention au sens large. Pas seulement le dépistage, le diagnostic, pas seulement des messages généraux... Encore moins des discours moralisateurs. Mais bien un accompagnement adapté aux personnes en fonction de leur situation, de leur capital social et culturel, de leur âge, de leur localisation, de leur mode de vie...
Pas seulement, l'aspect santé au sens strict, mais aussi l'activité physique, la nutrition, la protection face à la pollution, le principe de vaccination... Mais il s'agit aussi d'inclure l'habitat et le bassin de vie, l'adaptation du logement, la mobilité...
La prévention est une culture, un mode d'être, un projet de société non pas moralisateur ou infantilisant mais au contraire émancipateur et porteur d'autonomie.
Serge Guérin
Sociologue. Professeur à l'INSEEC où il dirige le MSc Directeur des établissements de santé. Co-auteur de « La guerre des générations aura-t-elle lieu ? », Calmann-Lévy, 2017 et de « La Silver économie », La Charte, 2018.