Entretien avec Elsa Boubert, responsable de la filière D3S (directeurs d'établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux) et coordinatrice du réseau CAFDES (certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement ou de service d'intervention sociale) à l'École des hautes études en santé publique (EHESP).
« Un équilibre à trouver entre le terrain et la gestion »
Quelles sont les qualités qui doivent primer chez un directeur d'établissement au regard des multiples compétences qui lui sont demandées ?
C'est un métier humain de terrain et de gestion. Il y a donc un équilibre à trouver entre ces deux piliers. Le directeur doit gérer différentes équipes et fédérer ce collectif pluridisciplinaire autour de valeurs de prise en charge et de bientraitance, ce qui exige des qualités humaines et de management importantes. Il doit aussi être un bon gestionnaire, garant du fonctionnement optimal de la structure et de la bonne utilisation des deniers publics. Car même s'il n'est pas soumis à la logique de concurrence qui existe dans le privé, il doit préserver un bon taux d'occupation de l'établissement. Ce qui implique de proposer et de maintenir une qualité d'accompagnement de nature à susciter la confiance des familles pour l'accompagnement de leur proche.
Quel est le profil des élèves directeurs ?
L'accès aux formations « fonction publique » de l'EHESP est conditionné par la réussite aux concours d'entrée externes et internes. Dans le premier cas, les élèves ont suivi un cursus de formation initiale - faculté de droit ou Science-Po par exemple - et certains possèdent déjà une expérience professionnelle ou associative dans le secteur médico-social. Le concours interne s'adresse quant à lui aux personnes qui ont déjà exercé dans la fonction publique, souvent en qualité de soignants ou de cadres de santé. La connaissance du soin est une plus-value mais elle n'est pas indispensable. La première année des deux années de formation comprend un stage d'observation qui vise à comprendre le fonctionnement des métiers et les modalités d'accompagnement des usagers. Et les cours théoriques abordent un maximum de sujets, y compris la sociologie ou le droit des usagers. Nous donnons à nos élèves toutes les clés de lecture pour comprendre les besoins des populations fragiles et le fonctionnement d'un établissement.
Les questions liées à l'innovation font-elle également partie de l'enseignement ?
Toutes les disciplines enseignées - finances, ressources humaines, sociologie... - abordent effectivement ce sujet qu'il s'agisse de la qualité de vie au travail, de l'innovation architecturale, de la transition numérique... Nous avons la volonté d'aiguiser la curiosité de nos élèves sur les sujets et les techniques d'innovation.
Quelles sont leurs motivations pour exercer un métier qui, à la lecture de la presse grand public, « ne fait pas vraiment envie » compte tenu des contraintes financières ou de recrutement par exemple ?
Pour la majorité de nos élèves, travailler dans le secteur médico-social était un facteur de motivation central à l'entrée en formation. Beaucoup évoquent un intérêt particulier pour l'un de ces secteurs, qu'il s'agisse de la protection de l'enfance, du handicap ou du grand âge. Tous mettent en avant des valeurs sociales et l'envie de servir une population fragile. Ils ont aussi envie d'exercer un métier qui mêle des aspects très techniques - comme la gestion - à des considérations très humaines, en prise avec la quotidien. Les élèves ont bien évidemment lu des articles d'actualité qui dépeignent des situations difficiles mais ils sont particulièrement motivés et enthousiastes.
La formation de Directeur va-t-elle être amenée à évoluer ?
Elle évolue chaque année en fonction notamment des retours des élèves et des enseignants dans le cadre d'un processus d'amélioration continu. Et nous travaillons aujourd'hui sur le passage en blocs de compétence. Cette démarche qui concerne l'ensemble du secteur universitaire devrait être mise en oeuvre à la rentrée 2022. Nous allons partir de la définition des compétences attendues du métier de Directeur pour définir des blocs de formation. La démarche de construction pédagogique repart de la définition de la compétence attendue du directeur et permettra de préciser nos enseignements au plus près des besoins des recruteurs.