Réussir une politique de la longévité impliquerait de renforcer les politiques de mobilité, pour aider à lutter contre l'isolement des plus âgés (27% des plus de 80 ans affirment ne voir personne au moins un jour sur deux1) et d'adaptation de l'habitat pour faciliter la vie à domicile et réduire les risques d'accidents, et d'abord de chutes.
Vers des plaques tournantes du soin et de l'accompagnement des aînés ?
Cette politique contribuerait aussi à améliorer l'activité des artisans de proximité, et donc de l'emploi, et renforcerait le dynamisme économique des territoires. Pour faire face au vieillissement de la population, en particulier dans les bassins de vie éloignés des métropoles, il est vital de sortir d'une logique binaire d'opposition entre le domicile et l'EHPAD. Logique à la fois intenable humainement, au regard de l'image des EHPAD et de la difficulté de trouver des personnels de soin comme d'accompagnement hôtelier formés et mobilisés, et délicate économiquement, du fait du coût de l'accompagnement.
L'enjeu serait d'assurer le continuum entre le chez soi et, si besoin, la maison de retraite médicalisée.
Entre les deux, une variété de solutions existe déjà
Cela va dans le sens de l'évolution des aspirations des générations et la diversité sociale et culturelle en hausse de la société française.
Aujourd'hui, on connaît déjà une multitude d'initiatives, comme le bailleur social aquitain Logévie qui propose des résidences thématiques permettant à des habitants de se retrouver à partir d'un goût commun, comme une première autour de la musique, puis une deuxième autour du jeu, ou encore le soutien à la co-habitation intergénérationnelle, mais aussi les premiers développements de co-location générationnelle, comme DomoFrance à Bordeaux.
Signalons aussi la diversité des approches autour de l'habitat intergénérationnel ou les initiatives d'élaboration de petites unités d'habitat adapté portées par les communes ou les particuliers, ou d'habitat regroupé, soutenues par la CNAV, permettant de réunir plusieurs personnes dans des logements individuels mais leur offrant des locaux et activités communes.
De multiples initiatives se font jour, portée par des individus, par des bailleurs sociaux, par des mutuelles, par des communes...
De l'individuel dans le collectif, intergénérationnel
Citons la mutuelle Multilog qui avec le soutien de la ville de Limoges a développé son concept de résidence bi-générationnelle « AIMER », où cinq logements individuels sont habités par des aînés autonomes et un logement est réservé pour une co-location d'étudiants en santé. L'idée est à la fois de favoriser le lien social, de changer les regards, en particulier de futurs soignants, et de réduire les charges pour les étudiants.
De son côté, Ages & Vie réalise des petits ensembles de logements accueillant des aînés en perte d'autonomie et des familles dont au moins un membre est auxiliaire de vie. Cela permet de supprimer les temps de transport et de mutualiser les interventions rendant moins lourd le coût pour la collectivité.
Citons encore Souvigny en Touraine où la ville avec l'implication de la MSA a su réaliser un ensemble cohérent sur le même terrain composé d'une MARPA2 et d'un groupe scolaire permettant de mutualiser certains équipements et services et de renforcer le lien entre les aînés et les enfants, les familles et les professionnels. Les acteurs (secteur HLM, promoteurs, milieux associatifs, individus, collectivités territoriales...) inventent régulièrement de nouvelles approches plus douces, moins onéreuses, plus en continuité avec les désirs et besoins des personnes.
Plus largement, l'enjeu est d'inventer avec les seniors des solutions abordables et faisant du lien social et de la prise en compte de leurs attentes le coeur du projet.
Serge Guérin
Sociologue. Professeur à l'INSEEC, directeur du MSc « Directeurs des établissements de santé ». Vient de publier Les quincados Calmann-Lévy, 2019