Présentée ce mercredi 10 avril en conseil des ministres, la stratégie décennale pour le renforcement des soins palliatifs, de la prise en charge de la douleur et de l'accompagnement de la fin de vie entend marquer une rupture.
1,1 milliard d'euros supplémentaires pour développer les soins palliatifs en France
Finie donc la concentration des moyens sur les soins palliatifs « de fin de vie », la stratégie gouvernementale parle désormais de « soins d'accompagnement » et de prise en charge anticipée de la douleur. Le Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités souhaite ainsi développer dans les 10 ans un accès universel à cet accompagnement, qui mobilisera l'ensemble des acteurs de l'hôpital, de la ville et de la société, et ce, partout en France.
Si la France a progressé, elle reste à la 15è place des pays de l'OCDE (Organisation de développement et de coopération économique) en termes de densité de l'offre de services spécialisés en soins palliatifs. Aujourd'hui, 190 000 personnes sont accompagnées, ce qui ne représente que 50% des besoins. D'ici à 2035, le nombre de patients ayant besoin d'une prise en charge palliative est estimé par la Cour des Comptes, dans son rapport de juillet 2023, à près de 440 000 personnes, soit une augmentation de près de 250 000 personnes chaque année. L'objectif est donc de mettre en place une prise en charge précoce, dès le diagnostic de la maladie, et de l'élargir au soutien des aidants familiaux.
En 2023, la dépense publique de soins palliatifs s'élève à 1,6 milliard d'euros, soit une augmentation de 24,6 % depuis 2017. La trajectoire d'augmentation budgétaire dédiée aux mesures « soins palliatifs » dans la stratégie décennale passera ainsi de 1,6 milliards d'euros en 2022 à 2,7 milliards d'euros en 2034, soit une augmentation d'environ 100 millions d'euros chaque année.
4 objectifs pour soutenir et accompagner la prise en charge thérapeutique, puis la fin de vie.
La stratégie proposée par le gouvernement compte quatre objectifs, dont 14 des 30 mesures sont issues du rapport du Pr. Chauvin. Ces mesures permettront d'amorcer puis de renforcer l'évolution nécessaire de la prise en charge des patients atteints de maladies chroniques pour, d'abord, soutenir et accompagner la prise en charge thérapeutique, puis la fin de vie.
La première évolution vise à favoriser une prise en charge adaptée et anticipée. La deuxième évolution touche au renforcement de l'accompagnement des patients par la société. La troisième évolution forte concerne le soutien à l'émergence d'une filière de formation universitaire en médecine palliative pour des médecins comme des non-médecins.
Les mesures proposées
Objectif 1 : Un accès plus juste aux soins d'accompagnement
1.A : Faire valoir les droits des patients
1.B : Renforcer l'offre de soins, par filière et par territoire, pour répondre aux besoins croissants de prise en charge. Le gouvernement propose notamment de renforcer la qualité de la prise en charge palliative en EHPAD et en établissements sanitaires et médico-sociaux (300 M€). L'enjeu est de mieux diffuser la culture des soins d'accompagnement dans les établissements. Il entend développer des conventions avec des acteurs spécialisés soins palliatifs dans 100% des établissements pour personnes âgées d'ici 2030, alors qu'un tiers n'en a pas aujourd'hui. Les 6000 recrutements prévus dans les EHPAD pourront contribuer au bon déploiement de ces mesures, grâce à des formations spécifiques, souligne le cabinet.
Il évoque aussi la volonté de créer des maisons d'accompagnement (80 M€) pour pallier au vide existant entre l'hôpital et le domicile. Ces structures hybrides permettront d'offrir un cadre adapté et une prise en charge spécialisée à des personnes dont le traitement est stabilisé, et qui ne peuvent ou ne souhaitent pas rester à leur domicile, notamment quand il n'y a pas d'aidant. Cela permet aussi de fluidifier l'occupation des lits dans les unités spécialisées. L'objectif est évalué à une structure par département au terme de la stratégie, soit 100 sur 10 ans.
Le gouvernement veut enfin développer des équipes mobiles territoriales de soins palliatifs (89 M€). Aujourd'hui il existe 412 équipes pluridisciplinaires et pluriprofessionnelles qui appuient les professionnels et les soignants. Elles sont essentiellement intra hospitalières. Mais l'ensemble du territoire n'est pas couvert. 15 équipes supplémentaires devraient être créées d'ici fin 2024, 100 d'ici 10 ans, avec une priorité affichée pour les Ehpad. Notons que le rapport Chauvin proposait d'en créer 330 d'ici 10 ans...
Objectif 2 : mobiliser l'ensemble de la société (104 M€)
2.A : mobiliser les aidants et bénévoles
2.B : mobiliser et organiser les territoires
2.C : mieux accompagner le deuil
Objectif 3 : développer la recherche et la formation
Objectif 4 : piloter tous les acteurs (4 M€)
Un comité scientifique d'orientation de la recherche et de formulation des bonnes pratiques sera créé. Une instance de gouvernance, de pilotage et d'évaluation de la stratégie sera également mise en place (4 M€).