Dans le n° 149-mai 2023  - ESSMS  14744

2023, l'An I de la réforme de l'évaluation

Les Ehpad autorisés en 2008-2009 doivent être opérationnels pour le 30 juin prochain. Mais les autres doivent s'y préparer.

Crise sanitaire, raté législatif, vide juridique... La réforme de l'évaluation des quelque 40 000 établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) concernés a connu un retard à l'allumage, mais elle est enfin entrée en vigueur. 2023 est son An I.

Quels sont les premiers Ehpad à étrenner le nouveau dispositif ? Tous ceux autorisés en 2008-2009 qui n'ont pas transmis leur seconde évaluation « ancienne formule » au 10 mars 2022, date de la publication du référentiel de la Haute Autorité de santé (HAS). Ils devront avoir transmis leur évaluation « nouvelle formule » entre le 1er janvier et le 30 juin 2023.

Les structures autorisées avant 2008 ont bénéficié d'une tacite reconduction de leur autorisation, sauf demande de renouvellement expresse.

Pour tous les autres, un décret du 26 avril 2022 a donné compétence aux autorités de tarification et de contrôle, agences régionales de santé (ARS) et départements pour fixer la programmation pluriannuelle des évaluations pour la période de juillet 2023 à décembre 2027. Officiellement, les calendriers de programmation devaient être publiés au plus tard le 1er octobre dernier par les ARS mais l'échéance a été dépassée presque partout.

Un dispositif ambitieux

Centré sur les personnes accompagnées, le nouveau dispositif est ambitieux. Les pouvoirs publics et le secteur médico-social l'ont voulu comme tel, après plusieurs années de travail en commun et de concertation. Il doit être un véritable gouvernail de la qualité. Actualité oblige, après la secousse tellurique de l'affaire Orpea, le Gouvernement a aussi assigné à l'évaluation un rôle de bouclier - contre les dysfonctionnements dénoncés qui ne doivent pas se reproduire. Il s'agit aussi de restaurer la confiance.

Pour rappel, la structuration du référentiel d'évaluation de la HAS, en 3 chapitres, 9 thématiques, 42 objectifs et 157 critères, vise à permettre l'analyse croisée du recueil de l'expérience de la personne accompagnée, de l'évaluation des pratiques mises en oeuvre par les professionnels et de la dynamique impulsée par la gouvernance de l'établissement. Avec trois méthodes d'évaluation novatrices, l'accompagné traceur, le traceur ciblé, l'audit système, qui mettent tout le monde sur le pont :

- la personne accompagnée : la méthode de « l'accompagné traceur » consiste en un échange avec une personne accompagnée, puis avec les professionnels qui l'accompagnent afin de recueillir leurs points de vue sur les pratiques mises en oeuvre ;

- les professionnels à travers la méthode du « traceur ciblé » : l'évaluateur organise des entretiens avec différents professionnels pour apprécier leur capacité à développer un questionnement éthique, à garantir l'effectivité des droits des personnes accompagnées, à favoriser l'expression et la participation de la personne, à construire et à personnaliser le projet d'accompagnement avec la personne elle-même, à adapter l'accompagnement à l'autonomie et à la santé et à assurer de la continuité et de la fluidité des parcours ;

- la gouvernance de l'établissement ou du service : ce chapitre est évalué par la méthode de « l'audit système » qui consiste à s'entretenir avec la gouvernance d'une structure pour évaluer l'organisation mise en place et s'assurer de sa maîtrise par les professionnels sur le terrain.

Les Ehpad sont-ils prêts ?

Appropriation du référentiel, intégration dans une démarche d'amélioration continue, tous les observateurs s'attendent à ce que le déploiement demande du temps. Mais les ESSMS l'auront-ils ? Les Ehpad sont-ils prêts ?

Trop tôt pour répondre... Mais Cathy Ducos, porte-parole de l'Association des professionnels de l'évaluation sociale et médico-sociale (Apesm), le souligne : « dans certains départements, les calendriers de programmation ont été publiés seulement en début d'année 2023. Cela ne laisse que quelques mois pour se préparer et notamment sélectionner un organisme autorisé disponible à ces dates. » Les Ehpad concernés en 2023 « font souvent part de leur crainte » ajoute-t-elle. Premiers motifs ? « L'absentéisme qui persiste et reste encore important » ainsi que « la vacance de certains postes clés : médecin coordonnateur, cadre de santé ou infirmière coordinatrice ». Son association a aussi pu mesurer la crainte des directions « de ne pas avoir suffisamment de titulaires le jour de l'évaluation pour participer aux groupes d'évaluation ».

Pour le secteur non lucratif, la Fehap, constate que « la mise en oeuvre de ce nouveau régime n'a pas été sans poser de nombreuses difficultés » : accompagnement et formation des équipes dans des délais contraints ; arrêtés tardifs de programmation ; petit nombre d'évaluateurs référencés sur certains territoires « ne laissant que peu de choix » ; absence d'articulation entre évaluations et contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM)...

Elle déplore aussi une « difficulté d'utilisation » de la plateforme Synaé, qui permet aux ESSMS de réaliser des autoévaluations en reprenant l'ensemble des critères du référentiel qui leur sont applicables et d'extraire les résultats de l'autoévaluation pour alimenter leur plan d'actions d'amélioration de la qualité. En cause « un manque de visibilité pour l'organisme gestionnaire ». Cette difficulté prendra-t-elle rapidement fin ? La HAS vient d'actualiser le guide d'utilisation le 23 mars...

La Fehap « a été et reste fortement mobilisée » dit-elle à Géroscopie. À travers des actions de formation et la mise en place d'un groupe de travail d'experts, il s'agit « de favoriser la mise en oeuvre de cette réforme pour ceux qui étrennent le dispositif et pour accompagner ses adhérents dans l'appropriation de la démarche ». Et de faire remonter les préoccupations de ces derniers auprès de la direction générale de la cohésion sociale et de la HAS.

Le nerf de la guerre

Préoccupations dont beaucoup d'ores et déjà portent sur la charge financière...

Un amendement du sénateur LR Bernard Bonne au projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 tendait à ce qu'elle soit intégrée directement aux contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens « mais votre Gouvernement ne l'a pas retenu », a objecté l'Uniopss dans un courrier interassociatif du 24 février adressé à Élisabeth Borne. Au nom de ses 26 fédérations et associations adhérentes, elle a insisté auprès de la Première ministre sur la nécessité de compenser les surcoûts que la réforme a entraînés et qui sont aujourd'hui à la charge des structures : « l'évaluation coûte plus cher, notamment du fait des nouvelles exigences en matière de professionnalisme et d'indépendance des évaluateurs ».

En dehors de la mobilisation plus importante des équipes (temps allongé des évaluateurs sur place, multiplication des entretiens...) à un rythme accéléré à 5 ans au lieu de 7, « la restructuration du marché des organismes évaluateurs implique un coût moyen plus élevé », puisque leur nombre « a diminué du fait du double système d'accréditation par le Comité français d'accréditation (Cofrac) et d'habilitation par la HAS », écrivent les signataires.

Les craintes sont aujourd'hui confirmées par les premiers retours de terrain. L'Uniopss cite quelques derniers chiffres connus (2014) concernant l'ancien cadre réglementaire variant entre 3 519,60 euros correspondant à 3,7 journées/personne pour un Saad et 7 718,50 euros à 7,3 journées/personne pour un Ehpad), « tandis que les premiers retours de terrain indiquent un montant des prix de journées pouvant aller jusqu'à 1 700 euros par jour », cette estimation « restant à être affinée dans les mois à venir ».

Les signataires le rappellent, dans le passé, des crédits non renouvelables pouvaient être mobilisés pour compenser les surcoûts liés aux évaluations, mais ce « n'est à ce jour pas une solution envisagée par l'État ». Jean-Christophe Combe avait répondu au sénateur Bonne qu'il ne « s'agissait d'ailleurs que de quelques milliers d'euros ».

Son courrier du 27 février est resté sans réponse à ce jour, mais l'Uniopss et ses adhérents ne comptent pas lâcher. Inflation, problèmes de trésorerie, le secteur est déjà en grande difficulté, et les coûts supplémentaires de cette réforme risquent d'avoir un impact sur la qualité de l'accueil et de l'accompagnement... que l'évaluation est censée mesurer !


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