Les questions sont très nombreuses à rester sans réponse après l'annonce par le gouvernement d'un plan de contrôle de tous les Ehpad de France.
7 500 Ehpad contrôlés en deux ans, mission impossible ?
Quelques jours après la parution du livre de Victor Castanet, la ministre déléguée à l'Autonomie avait demandé aux agences régionales de santé (ARS) de lancer en urgence un vaste plan de contrôle des Ehpad privés lucratifs. L'Unsa Santé-Cohésion sociale avait d'emblée dénoncé « l'abattage pour faire du chiffre » et tous les protagonistes avaient protesté d'une mission impossible face à la chute libre des effectifs chargés de contrôler les milliers d'établissements relevant de leur compétence (Ehpad, hôpitaux, cliniques...) : en six ans, le nombre d'inspecteurs de l'action sanitaire et sociale est passé de 944 à 688, celui des médecins inspecteurs de 297 à 182, et celui des pharmaciens inspecteurs de 137 à 126.
N'empêche, un mois après, le 8 mars, le gouvernement annonçait le lancement d'un vaste plan de contrôle des 7 500 Ehpad de France en deux ans, qui « commencera par les Ehpad qui ont été signalés » et sera accompagné « d'un renforcement pérenne et significatif » des moyens humains. Avec un vrai revirement de doctrine demandé aux ARS : l'activité d'inspection-contrôle avait disparu de leurs lettres de mission en 2019.
Depuis, les regards se tournent vers la commission d'enquête parlementaire du Sénat, créée le 17 février, qui a fait le choix de replacer « l'affaire Orpea » dans une réflexion plus large sur les modalités de contrôle des Ehpad. Lors de son audition inaugurale, le 24 février, Pierre Moscovici a présenté l'enquête de la Cour des comptes, qu'il préside, sur la prise en charge médicale des Ehpad, tout juste publiée. Menée en 2021, elle était étayée par le contrôle de 57 Ehpad, tous statuts confondus - mais hasard oblige, aucun d'Orpea. La dernière audition en date, le 10 mai, a donné la parole à quatre présidents de conseil départemental[1]. L'occasion pour le sénateur Bernard Bonne, rapporteur, de réévoquer une gouvernance unique des contrôles, ARS/départements.
La commission d'enquête parlementaire, qui s'est parfois transformée en bureau des peurs, s'est donné six mois pour rendre sa copie. Sans garantie d'être suivie par le futur gouvernement... Les incertitudes continuent donc pour les Ehpad. Qui contrôle ? Comment contrôle-t-on ? Que contrôle-t-on ? De manière programmée ? Pas programmée ? Avec une question névralgique : le poids dans ces contrôles du critère des effectifs alors que tous connaissent des difficultés de recrutement.