Dans le n° 8-mai 2011  -  Roseline Bachelot  70

A l'heure de la transition

Solidarité nationale, décloisonnement du secteur, démarche qualité,...Roselyne Bachelot, ministre des Solidarités et de la Cohésion Sociale, fait pour Géroscopie un état des lieux de la réflexion en cours sur la dépendance. Elle prône le décloisonnement, la création de guichets uniques départementaux et place les EHPAD au coeur des dispositifs

Comment avance le débat sur la dépendance ?

Depuis le 18 avril, le débat est entré dans sa deuxième phase avec la tenue dans chaque région d'un grand débat citoyen. J'ai souhaité en effet donner la parole aux français car la dépendance nous concerne tous. Avec Marie-Anne Montchamp, nous participons à chacun de ces débats. Ce qui nous frappe c'est à la fois la très haute qualité des échanges et le nombre de participants : ces débats font salle comble ce qui montre que cette question intéresse nos concitoyens. Plusieurs thèmes reviennent de façon récurrente : la prévention de la perte d'autonomie, la coordination des différents intervenants autour des personnes âgées dépendantes, l'aide aux aidants afin de soulager les familles et les proches, la promotion de la bientraitance ou encore le développement de structures de prise en charge intermédiaires (accueil de jour, hébergement temporaire, etc.).

 

Voyez-vous des pistes se dessiner sur le financement ?

Il est encore trop tôt même si quelques contours se dessinent peu à peu : je note tout d'abord qu'un consensus se dégage en faveur du maintien d'un large socle de solidarité nationale. La prise en charge de la dépendance est financée aujourd'hui à hauteur de 25 milliards d'euros par la solidarité nationale. Il n'est pas question de la diminuer. Par ailleurs, je n'ai entendu personne proposer le recours sur succession. Enfin, je l'ai dit à plusieurs reprises, nous devrons faire preuve de responsabilité et refuser d'augmenter la dette en reportant le financement sur les générations futures. Les conséquences d'une telle décision seraient de pénaliser notre économie. Au moment où cette dernière redémarre, ce serait une erreur. Pour le reste, toutes les pistes sont sur la table. Le Président rendra ses arbitrages dans le courant de l'été.

 

Peut-on vraiment attendre une première série de mesures dans la prochaine loi de Sécurité Sociale ?

Le Président de la République l'a dit : des premières mesures seront prises dans les lois de financement à la fin de cette année, c'est-à-dire en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) mais aussi en loi de finances. D'autres aspects de la réforme ne relèveront vraisemblablement pas du champ de la LFSS et devront donc faire l'objet de lois spécifiques.

 

Comment voyez-vous le paysage gérontologique à l'horizon de 10 ans ?

Notre système de prise en charge est aujourd'hui très diversifié et bien situé : il propose une large palette de solutions de prise en charge, des aides financières et un bon niveau de qualité. Mais cette diversité induit un trop grand cloisonnement : cloisonnement tout d'abord entre le secteur sanitaire et les établissements ou services médico-sociaux ; cloisonnement ensuite entre le domicile et la prise en charge en établissement,... Pour sortir de cette logique, des trésors d'ingéniosité ont été déployés pour améliorer la coordination des différents acteurs autour de la personne. On a ainsi créé les Centres locaux d'information et de coordination (CLIC), les Maisons pour l'Autonomie et l'Intégration des malades Alzheimer (MAIA), dans le cadre du Plan Alzheimer 2008-2012, ou encore les réseaux de gérontologie. C'est nécessaire, bien évidemment, et je souhaite même que nous allions plus loin pour mettre fin au parcours du combattant des personnes âgées et de leur entourage : comment choisir une maison de retraite ? Où trouver une information fiable et de qualité ? Auprès de qui s'adresser pour demander une aide financière et savoir ce à quoi on a droit ? Nous devons mettre en place dans chaque département, des guichets uniques " dépendance " : des lieux bien identifiés auprès desquels les familles pourraient trouver toutes les informations utiles, les aidants pourraient être accueillis pour des temps de répit ou des groupes de parole. Pour les proches de personnes lourdement dépendantes, un référent unique, dédié, pourrait être désigné pour les accompagner dans leurs démarches et coordonner les interventions des différents professionnels. Mais je pense que dans dix ans, nous serons sortis de la logique de la coordination pour entrer dans l'ère du décloisonnement. Je l'appelle en tout cas de mes voeux ! Je vois bien, par exemple, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) être à la tête d'une plateforme reliant l'hôpital et les services de maintien à domicile et devenir les pivots de l'accompagnement à domicile. Vous le savez, le Président de la République m'avait chargée d'élaborer la loi " Hôpital, patients, santé et territoires " (HPST) qui a permis de moderniser en profondeur notre système de santé et de franchir une première étape vers le décloisonnement, en particulier grâce à la création des agences régionales de santé. Je souhaite que nous allions jusqu'au bout de cette réforme en mettant les ARS en situation de responsabilité sur l'ensemble des crédits qui aujourd'hui transitent par elles, en créant des objectifs régionaux de dépenses d'assurance maladie (ORDAM) qui permettraient une fongibilité totale entre les différentes enveloppes.

A-t-on atteint un point d'équilibre dans la construction d'EHPAD ? Si oui quels sont les axes de développement dans la prise en charge des personnes âgées ?

Les besoins ne sont pas toujours là où on le pense. Dans certaines régions, l'offre d'équipement est telle que certains établissements ne font pas le plein. Je note toutefois qu'il subsiste encore de réelles disparités sur le territoire ce qui nous conduira à poursuivre notre effort d'investissement ces prochaines années pour assurer un égal accès à tous aux structures et services de prise en charge des personnes âgées dépendantes. Nous devons également développer des structures intermédiaires de prise en charge entre, d'un côté le domicile et, de l'autre les établissements d'hébergement qui sont fortement médicalisés afin d'offrir une réponse plus adaptée aux personnes faiblement dépendantes. J'ai vu en Allemagne des expériences très intéressantes d'appartements regroupés autour de services communs et d'un accueil de jour. Il y a aussi d'autres formules comme le béguinage par exemple. Trois orientations ressortent à ce stade des travaux du groupe de travail animé par Evelyne RATTE sur l'accueil et l'accompagnement des personnes âgées : la poursuite de l'effort de médicalisation des établissements et, au-delà, la nécessité d'un effort de réhabilitation important de certains d'entre eux ; le développement de structures intermédiaires de prise en charge et, bien sûr, répondre à la demande des personnes âgées de continuer à vivre le plus longtemps possible en logement autonome. Je crois ainsi nécessaire de privilégier le maintien à domicile grâce à la prévention, à l'adaptation du logement, aux technologies et services de l'autonomie et à l'aide aux aidants.

 

Le budget modificatif de la CNSA a été voté le 12 avril. Comment les professionnels des EHPAD doivent-ils interpréter cette évolution (a priori 82 millions en moins dont 16 pour les EHPAD) ?

Les professionnels ne doivent pas s'y tromper : nous continuons notre effort régulier depuis 2002 et massif d'investissement dans notre système de prise en charge des personnes âgées dépendantes. Les chiffres sont têtus : le taux de progression de l'ONDAM médico-social est cette année de +3,8%, soit un niveau nettement supérieur à celui de l'ONDAM à +2,9%. Cette progression des ressources permettra de financer 412 millions d'euros de mesures nouvelles qui se réaliseront effectivement dans l'année. En tout, ce seront 8,55 milliards d'euros de dépenses qui seront consacrées au secteur des personnes âgées en 2011, soit un volume qui a quasiment doublé depuis 2006. Je rappelle surtout que le budget modificatif adopté par le Conseil de la CNSA le 12 avril dernier avait plusieurs objectifs : notamment prendre en compte les mesures adoptées dans la LFSS pour 2011 telle que la mise en place d'un plan d'aide à l'investissement de plus de 92 millions d'euros en 2011 pour le secteur. Par ailleurs, le très haut niveau de consommation des crédits au cours de l'exercice 2010 nous a conduits à proposer des ajustements afin que le budget présente un solde à l'équilibre en fin d'année. Il faut retenir par ailleurs que ces modifications n'entraîneront ni une diminution de l'effort de médicalisation, ni un report de la création des places nouvelles cette année. N'oublions pas, enfin, que le Gouvernement a donné son accord à l'objectif de revalorisation de 1% des mesures salariales pour le secteur médico-social cette année, soit une dépense de 136 millions d'euros en 2011. Les personnels, dont je veux saluer le professionnalisme et le grand sens du service, ne sont donc pas impactés par ce budget modificatif.

 

Quel regard portez-vous sur les efforts d'amélioration de la qualité dans les établissements ?

La qualité de la prise en charge des personnes dépendantes s'est significativement améliorée depuis deux décennies, en particulier en établissement, secteur qui a bénéficié de moyens importants grâce aux plans de modernisation, de médicalisation et de prévention de la maltraitance mis en place par le Gouvernement. Comme vous le savez, j'ai fait récemment plusieurs déplacements à l'étranger. Nous n'avons pas à rougir de la qualité de notre prise en charge en établissement. Bien au contraire. Pour autant, en effet, la perception positive de ces progrès fait encore défaut chez nos concitoyens. C'est pourquoi, je souhaite mettre en place dès 2012 des indicateurs de qualité dans les EHPAD, certifiés par une agence indépendante et disponibles gratuitement sur un site Web afin de garantir une plus grande transparence des prestations et la possibilité pour les futurs résidents et leur entourage familial de pouvoir comparer et faire leur choix en toute connaissance.

 

L'EHPAD se doit d'être un lieu de vie. Compte tenu du degré de dépendance croissant des personnes accueillies, l'EHPAD ne redevient-il pas un lieu de soins ?

On ne doit pas opposer lieu de soins et lieu de vie. En accueillant des personnes âgées de plus en plus dépendantes, les EHPAD d'aujourd'hui ne sont plus les anciennes " maisons de retraite ". Ces soins sont nécessaires et participent de la qualité de vie des résidents. Je visite régulièrement des EHPAD et je peux vous dire que la plupart de ces établissements sont de vrais lieux de vie, chaleureux, ouverts sur le monde. De nombreuses activités sont proposées aux résidents : musique, arts plastiques, etc. Les familles sont bien accueillies et entourées. Je veux d'ailleurs rendre hommage aux directeurs d'établissement qui déploient une énergie incroyable, avec beaucoup d'humanité, pour accueillir dignement nos aînés.

 

La mise en place des ARS est progressive. Les directeurs d'EHPAD se disent submergés de notes, de demandes... sans toujours avoir d'interlocuteurs compétents. Que leur répondez-vous ?

La création des agences régionales de santé est une vraie révolution. Regrouper plus de 9 000 agents, issus d'horizons si divers, sans heurt, ni rupture de service, n'était pas une mince affaire ! Et je crois que nous pouvons être fiers du chemin parcouru. La mise en place des ARS est désormais bien réelle. Toutes les instances de démocratie ont été installées, chaque ARS a adopté son plan stratégique régional de santé et les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) liant les 26 agences régionales de santé (ARS) et l'Etat ont tous été signés.

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