Accueillir une personne obèse dans son établissement nécessite une certaine organisation humaine et matérielle : lit XXL, matelas adapté, lève-malade spécifique... et l'instauration d'une véritable démarche de prévention des chutes, car le relevage reste souvent problématique pour les équipes.
Accueillir des personnes obèses en toute sécurité
Il faut bien l'avouer : trouver une place en Ehpad pour une personne obèse relève du parcours du combattant. Pourtant un établissement ne peut refuser une admission sur la base d'un indice de masse corporelle trop élevé. « Quand je reçois un dossier de préadmission, j'ai toujours à l'esprit la loi du 11 février 2005, en faveur de l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Il ne faut jamais perdre de vue les principes de non-discrimination qu'elle édicte », explique le docteur Philippe Walraet, médecin coordonnateur de l'Ehpad Notre Dame de l'Accueil à Lille. Cet établissement privé à but non-lucratif héberge 71 résidents, dont certains concernés par une obésité ou une surcharge pondérale.
Réflexion pluridisciplinaire
L'obésité peut être plus ou moins invalidante : certaines personnes sont en simple surpoids quand d'autres présentent une obésité modérée (indice de masse corporelle de plus de 30), sévère (IMC supérieure à 35), voire morbide (supérieure à 40). Leur prise en charge ne nécessite pas les mêmes moyens. Une réflexion doit être menée par le médecin coordonnateur et l'équipe soignante sur la faisabilité d'une admission. Car l'établissement doit être en mesure de fournir un accueil de qualité à tous les résidents, en toute sécurité. « Pour décider, nous analysons les points forts et difficultés de l'organisation et notre charge de travail. Nous tenons compte également du degré d'autonomie de la personne. La prise en charge d'un résident d'obésité morbide en GIR 4 ne sera pas identique à celle d'un résident en obésité morbide en GIR 1 », confirme Martine Leblond, infirmière de coordination de l'Ehpad Notre Dame de l'Accueil.
Un binôme aide-soignante/infirmière
Mais accueillir des personnes obèses ne s'improvise pas. Plusieurs éléments doivent être vérifiés et anticipés. En tout premier lieu, l'accompagnement humain. Le suivi nécessite une vigilance particulière sur le plan cardiologique et dermatologique car l'obésité engendre souvent une hypersudation, des irritations, des mycoses, voire des escarres, qui réclament des soins de nursing et une toilette quotidienne plus longue. « Il est conseillé d'organiser un binôme aide-soignante/infirmière ou aide-soignante/aide-soignante », souligne le docteur Philippe Walraet.
Lève-malade adapté, lit bariatrique XXL...
Ce binôme accompagne les personnes dans leurs déplacements. L'organisation de la vie quotidienne doit être pensée pour faciliter les transferts, notamment du lit au fauteuil. Il faut réfléchir à la disposition de la chambre et s'équiper de matériels spécifiques pour soulager les soignants : lève-malade adapté, lit bariatrique XXL, fauteuil roulant classique ou électrique pour se rendre au restaurant, chaise de douche renforcée, matelas spéciaux pour prévenir les escarres... Il est possible de louer ce matériel s'il n'est pas disponible à l'achat. Certains détails de sécurité doivent également être examinés lors du choix de la chambre. « Il faut penser à l'accès, en cas de panne d'ascenseur et lors d'une évacuation d'urgence », poursuit Martine Leblond.
La délicate question des chutes
Ce travail, mené en amont par l'infirmière coordinatrice, est réalisé conjointement avec l'ergothérapeute et le kinésithérapeute sur le volet de la prévention des chutes. Le relevage des personnes obèses constitue la principale difficulté des équipes et doit être anticipé. « Nous sommes dotés d'un lève-malade classique sur-roulette. Il fonctionne jusqu'à 200 kg, ce qui en pratique, permet d'aider quasiment toutes les personnes. Concrètement, quand quelqu'un est allongé au sol, nous passons sous son corps des sangles fixées à l'appareil. La personne qui a chuté est ainsi redressée en position assise. Le relevage n'est pas douloureux. Certes, cela exige un peu plus de temps qu'une aide manuelle, mais cette opération est réalisable aisément », souligne Pauline Wielfaert, ergothérapeute. Néanmoins, cet équipement peut être délicat à manier. « Si la personne chute au milieu d'un couloir, ce sera simple. Si elle tombe derrière son lit dans un coin de sa chambre, il faudra plusieurs soignants pour l'aider à se relever, car le matériel ne passe pas partout », ajoute Pauline Wielfaert.
Des solutions à inventer
Quand l'établissement n'a pas de personnel disponible capable de soutenir la personne en surcharge pondérale, les pompiers sont appelés à la rescousse. « Il existe peu d'autres solutions. Il serait judicieux de développer de nouveaux robots releveurs pour les personnes en obésité morbide, afin de leur permettre de trouver plus facilement une solution de vie en Ehpad », préconise le docteur Philippe Walraet, qui plaide pour une prise en charge financière publique renforcée des établissements pour l'accueil des personnes de très forte corpulence. De fait, l'obésité est loin d'être un problème isolé. Selon l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, 17 % des adultes français se déclarent obèses. Or, une alternative à domicile est peu envisageable pour elles, estime le médecin : « Les difficultés restent identiques, mais se trouvent décuplées par manque de temps des équipes libérales ».