La Haute Autorité de santé a publié des recommandations pour aider les professionnels des ESSMS à entreprendre une démarche de prévention des addictions et de réduction des risques et des dommages.
Addictions : comment tenir la ligne de crête
Alcool, tabac, drogues, jeux... Le gouvernement a présenté, le 9 mars, sa « Stratégie interministérielle de mobilisation contre les conduites addictives 2023-2027 » avec une attention particulière aux établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), qui viennent d'être outillés par des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) : « Prévention des addictions et réduction des risques et des dommages dans les ESSMS ».
Publiées le 25 janvier, elles visent à donner des repères aux professionnels des secteurs handicap, personnes âgées, inclusion sociale et protection de l'enfance, confrontés aux usages de substances psychoactives. Les personnes qu'ils accompagnent cumulent souvent les facteurs de risque : isolement, précarité, maltraitance, parcours migratoire, perte d'autonomie, etc.
Et l'éventail des substances psychoactives concernées est vaste ! Il regroupe à la fois les drogues licites (tabac, alcool, produits de substitution, médicaments psychotropes tels que hypnotiques, antidépresseurs...) et non licites (cannabis, cocaïne, ecstasy, MDMA ou amphétamine...).
Les recommandations ont été élaborées de manière transversale en prenant en compte les enjeux spécifiques de chaque secteur (caractéristiques du public accompagné, place de l'entourage...). La HAS a identifié les partenaires spécialisés mobilisables dès l'élaboration de la démarche et l'état des lieux, par exemple, les Centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa).
L'enjeu ? Tenir bon la ligne de crête entre encadrement/accompagnement des consommations et usages vs interdictions et sanctions, autour de trois axes : intégrer la gestion des addictions dans le projet de la structure ; prévenir l'entrée et l'installation dans les conduites addictives, et, quand l'addiction est déjà là, accompagner et réduire les risques et les dommages - en Ehpad, on est souvent dans ce dernier cas de figure.
La politique du rien ou tout
Les recommandations de la HAS se déclinent en quatre documents spécifiques. Pour le secteur des personnes âgées, elle l'écrit dans sa note de cadrage, les recherches récentes concernant les conduites addictives « sont rares, voire inexistantes », alors même qu'en Ehpad, la dépendance à l'alcool concernerait entre 20 % et 40 % de résidents.
Il apparaît que le sevrage y garde une place majeure même si « la prohibition fait l'objet de critiques car, selon les auteurs, elle confond usage et mésusage » et que rien ne peut la justifier « sur le plan de la santé, ni sur celui du respect fondamental de l'identité et de la liberté individuelle ».
Mais dans la politique du rien ou tout, le tout pose aussi problème : « l'invocation du dernier plaisir de l'existence, pour laisser les plus âgés boire en paix de l'alcool » peut « démultiplier les freins avant de pouvoir accéder à de possibles aides ou d'éventuels soins et voies de soulagement du mal-être et de souffrances associées », écrit le médecin addictologue et gériatre Pascal Menecier dans « Soins, alcool et personnes âgées » (Chronique sociale, 2019).
Et Edwige Picard, psychologue en Csapa et formatrice Askoria/Fnadepa*, le confirme (voir notre article), les équipes sont souvent démunies et ne savent pas quelles postures adopter.
Six étapes pour une démarche
De fait, les personnes âgées accueillies en Ehpad présentent des facteurs de risque dus à leur (grand) âge et à des polypathologies. Au sein de cette population, les addictions concernent en majorité des produits légaux tels que l'alcool, les médicaments psychotropes (benzodiazépines) et le tabac.
Pour un accompagnement efficace, il est recommandé aux professionnels d'adapter les modalités d'évaluation et les outils utilisés à l'âge des personnes, et notamment à leurs particularités sensorielles et cognitives. De plus, comme pour chaque public d'ESSMS, l'accompagnement doit au maximum impliquer l'entourage quand il est présent.
Les recommandations sont articulées en six parties :
- Engager la structure dans la prévention, le repérage et l'accompagnement des conduites addictives ;
- Proposer un cadre d'accompagnement protecteur ;
- Repérer et co-évaluer les conduites addictives afin de co-définir un accompagnement adapté aux besoins et aux souhaits de chaque personne ;
- Mettre en oeuvre des actions dans la structure à partir des besoins repérés dans les projets personnalisés d'accompagnement ;
- Suivre la mise en oeuvre des accompagnements et gérer les situations problématiques ;
- Agir auprès de l'entourage.
La HAS met également à disposition des Ehpad, un outil pour la réalisation du diagnostic des besoins et de ressources ainsi que des repères juridiques.