Une révolution silencieuse majeure est en cours : la reconnaissance du rôle essentiel des patients et leurs proches aidants par le monde médical et, plus largement, la société.
Aidants et société de la sollicitude
Les malades et ses proches sont engagés dans un processus de reconnaissance citoyenne. Elle oblige les médecins et l'ensemble des soignants à mesurer que le soin n'est pas qu'une affaire de technique et de normes, mais repose aussi sur l'échange et la relation avec la personne malade ou en déficit d'autonomie et son entourage. Les maladies ne sont pas neutres, ni égales en termes de reconnaissances sociales, de capacité de mobilisation médiatique ou de capacité à lever des fonds pour la recherche, le développement de réponses appropriées, la prévention...
Au-delà, la question politique posée concerne les conditions pour réinventer une démocratie concrète où les citoyens ont non seulement la parole mais aussi la capacité d'agir. Et de choisir. La déclaration de Denvers portée par les premiers militants de la reconnaissance du VIH, en 1983, résume bien une exigence démocratique qui va bien au-delà des enjeux de santé : " Rien pour nous sans nous ". C'est la société civile qui veut s'imposer, être un contre pouvoir, participer des choix de politique publique... Valoriser les aidants, prendre la mesure du rôle central du patient dans le soin, revivifier les solidarités sociales, énoncées par Durkheim comme base de la société, relancer une pratique du pacte républicain et laïc, et penser la société d'inclusion des plus fragiles.
A côté des institutions, et à côté de ceux dont le métier - ou le statut - est de savoir, se forme une République de pairs qui symbolise l'an II de la solidarité.
Cette solidarité de proximité, géographique ou via les réseaux numériques, permet à des personnes fragilisées et partageant un même type de situation de s'entraider, de se soutenir, de transmettre de l'information, de développer des réseaux, de construire de nouveaux rapports d'expertise et de savoir.
Reste que cette reconnaissance, cette politique effective de la sollicitude et de l'accompagnement peut aussi apparaître comme une manière d'organiser ce qui semble inéluctable : un repli de l'Etat. Les aidants de proche apparaissant alors comme des supplétifs de la solidarité et de la santé publique qui, finalement, permettent au système de soin de se maintenir sans se remettre en question. Les politiques publiques et les soignants reproduisent à l'identique un modèle qui pourtant paraît chaque jour plus éloigné des attentes et plus couteux.
La traduction politique du soutien à l'aidant passe par une redéfinition de l'Etat et de ses solidarités institutionnelles.
Rappelons que l'Etat providence en contribuant à généraliser la protection sociale a donné les outils pour l'accès à la dignité et à l'autonomie sociale des personnes. Mais il importe que l'Etat change son approche : il ne s'agit plus de faire pour et à la place des personnes mais de faire avec. A chacun de choisir son chemin, de construire son projet, d'être auteur de sa vie, mais en étant soutenu par d'autres. Il importe sans doute que l'Etat se recentre plus sur des domaines d'action spécifique dont le soin et l'accompagnement, mais aussi la formation, l'école ou la santé. Il importe surtout que l'Etat invente une politique de la prévention et innove en faveur de l'accompagnement social et personnalisé. Loin d'ouvrir à une inflation de dépenses, cette approche peut se révéler rentable et efficiente en termes économiques. Plutôt que de dépenser plus, il s'agit d'investir mieux.
@Guerin_Serge
Professeur à l'INSEEC Paris
Directeur du MSc " Directeurs des établissements de santé "
Dernier ouvrage : Silver Génération. 10 idées fausses à combattre sur les seniors , Michalon