Des acteurs de l'aide à domicile cherchent une réponse à son manque d'attractivité à travers une réforme des organisations et du management, en s'appuyant sur des approches dites « innovantes » et sur des discours humanistes. Un article de Lucie Chevalier en souligne les limites.

Aide à domicile : injonction à l'humanisation et conflit de valeurs
La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a annoncé il y a quelques jours soutenir six recherches doctorales dont celle de Lucie Chevalier, doctorante en sociologie à l'Université de Limoges, qui travaille sur les innovations managériales dans l'aide à domicile. Cette dernière a récemment publié dans la revue Ethique publique (en accès libre) un intéressant article sur la question de l'injonction à l'humanisation. Elle y fait entrer les lecteurs dans les coulisses d'un programme de formation destiné aux organisations du secteur de l'aide à domicile souhaitant adopter ces nouvelles méthodes managériales.
Objectif de l'autrice ? Mettre à la discussion l'instrumentalisation de dimensions éthiques à des fins gestionnaires et managériales, ici pour améliorer la performance des structures d'aide à domicile et le service rendu aux personnes dépendantes, ainsi que pour favoriser l'engagement au travail et limiter l'absentéisme des intervenantes. Elle y note, entre autres, que le contenu des formations renvoie fortement au développement personnel et porte peu sur le contenu du travail, exception faite pour l'encadrement intermédiaire qui est incité à réformer son poste. Si le personnel professionnel semble adhérer aux propositions formulées, certaines personnes témoignent des difficultés à appliquer ces normes idéalistes, parfois incompatibles avec les contraintes notamment financières des structures.
« Les formations données dans le cadre du programme étudié visent à diffuser des valeurs managériales à travers différentes mises en scène orchestrées par les formatrices et formateurs, conclut-elle. Si l'appui sur des valeurs humanistes fait écho à l'éthique du care, il semble que celle-ci soit dévoyée au profit du management, et comporte le risque de conflits de valeurs pour les personnes salariées ne se voyant pas octroyer les moyens de mettre en oeuvre ce qui est présenté comme l'idéal lors des formations ».