L'alcool et le tabac ont un fort taux de prévalence en Ehpad. Plus que l'abstinence, une réduction de la consommation est à?encourager.
Alcool et tabac : encourager une baisse de consommation
Dès qu'il est question d'addictions, tabac et alcool arrivent au premier rang des produits les plus consommés. Et l'Ehpad ne fait pas exception.
Si l'on observe une baisse du nombre de fumeurs avec l'avancée en âge, elle est en réalité souvent liée aux décès desdits fumeurs. Les autres ne sont pas pour autant exemptes de complications associées, avec des impacts sur les fonctions rénales, cardiaques, etc.
En ce qui concerne l'alcool, trois origines à une consommation excessive sont observées chez le sujet âgé : une habitude de consommation quotidienne, qui perdure voire augmente avec l'arrivée en Ehpad ; une consommation apparue tardivement, souvent au moment de la retraite, de façon importante ; une consommation liée à la volonté de créer du lien social.
Si en France il n'existe pas de recommandations concernant la consommation d'alcool chez le sujet âgé, aux États-Unis en revanche, l'American Psychological Association (APA) la fixe à un verre par jour, pas tous les jours, à partir de 60 ans. L'objectif est de limiter les troubles cognitifs et de réduire les interactions médicamenteuses, les troubles mnésiques ou encore les troubles de l'équilibre.
Former les soignants à?l'accompagnement
Les soignants peuvent jouer un rôle important pour aider à réduire les consommations de tabac ou d'alcool.
Pour le tabac
L'accompagnement à l'arrêt du tabac est un enjeu majeur, ne serait-ce qu'en termes d'amélioration de la qualité de vie de la personne fumeuse. La dépendance est une contrainte forte, particulièrement dans le cadre d'une vie en collectivité, qui impose souvent une abstinence. Pour fumer, le résident est obligé de sortir de l'établissement.
Pour accompagner la réduction voire l'arrêt du tabac, les soignants peuvent être formés aux pratiques interventionnelles telle que l'intervention brève. Elle repose sur un savoir-faire relationnel et l'adoption de la stratégie des 5A :
- Ask, pour demander à la personne si elle consomme des drogues ;
- Advice, pour conseiller l'arrêt ou du moins la réduction de la consommation ;
- Assess, pour évaluer cette consommation grâce à un questionnaire ;
- Assist, pour proposer une aide ou un accompagnement ;
- Arrange, pour s'assurer de la possibilité pour la personne d'être suivie.
Cette stratégie de repérage précoce se révèle très efficace sur la diminution de la consommation.
Par ailleurs, il est important de mettre à disposition des équipes soignantes des substituts nicotiniques à proposer aux résidents tels que des patchs, des formes orales (comprimés à sucer, gommes à mâcher) ou des vapes. Les substituts nicotiniques sont accessibles sans prescription. Ainsi, le recours aux patchs de nicotine associés à la vape, permet à la fois d'assouvir le besoin de nicotine et la gestuelle. Outre les infirmiers, qui peuvent encadrer le recours aux substituts nicotiniques, les aides-soignants ont toute leur place dans l'accompagnement des résidents. Ils doivent, eux aussi, être sensibilisés et formés aux approches motivationnelles car ils représentent un précieux levier dans la diminution de la consommation, en raison du soutien et de l'aide qu'ils apportent quotidiennement aux résidents.
Pour l'alcool
Contrairement au tabac, il n'existe pas de traitement de substitution pour l'alcool. Les soignants peuvent travailler sur une réduction et une stabilisation des consommations en ayant principalement recours, là aussi, aux entretiens motivationnels. Ces derniers impliquent de passer du temps avec la personne, de l'accompagner, de lui faire prendre conscience de l'impact de sa consommation sur ses traitements et ses rapports aux autres. Pour aider les résidents, l'action en prévention est essentielle. À titre d'exemple, en Ehpad, il est conseillé de ne pas placer de pichet de vin sur toutes les tables mais de proposer plutôt un service à la demande, idéalement au verre, en limitant la taille des contenants.
Améliorer la qualité de vie et?valoriser la personne
Dans leur démarche d'accompagnement, les soignants peuvent porter une stratégie de promotion de la santé, de mieux être, de réduction des risques et de valorisation de la personne. La personne âgée peut en effet tirer une satisfaction personnelle en prenant conscience de sa capacité d'agir sur sa consommation de tabac ou d'alcool. Si l'arrêt total n'est peut-être pas à considérer pour tous, envisager une réduction permet de renforcer le sentiment d'efficacité, donc de fierté. Les soignants se doivent donc de reconnaître la souffrance que peut générer ce travail sur soi et de l'effort requis pour la démarche. Au-delà des effets bénéfiques sur la santé, c'est l'estime de soi qu'il faut valoriser.
Article réalisé avec la contribution du Dr Nicolas Bonnet, pharmacien de santé publique et directeur du Réseau de prévention des addictions (Respadd)