Julien Vernaudon et Anita Nowogorska présentent l'ACP qui contribue à atténuer le décalage entre la volonté exprimée par le passé et les souhaits actuels en impliquant le patient tout au long de la maladie et en s'appuyant sur les proches et les professionnels de santé.

Alzheimer : l'Advance care planning, une aide à l'anticipation
La Société française d'accompagnement et de soins palliatifs a organisé le premier colloque international en France sur l'Advance care planning (ACP), le 7 février dernier à Paris. La planification anticipée des soins, avec et pour le patient, est une façon de garantir la qualité des soins palliatifs, mais elle est encore mal connue dans notre pays.
Et quid de l'ACP en gériatrie, quand l'altération cognitive rend difficile la possibilité de se projeter dans l'avenir ? C'est le thème d'un article de la revue Gériatrie et Psychologie Neuropsychiatrie du Vieillissement (GPNV) de mars titré « Advance care planning, une aide à l'anticipation dans les maladies d'Alzheimer et apparentées ». Les auteurs, Julien Vernaudon, gériatre et Anita Nowogorska, médecin de soins palliatifs (hôpital de Villefranche-sur-Saône) partent de la situation clinique de Mme S., 75 ans, qui après s'être occupée de son père Alzheimer, et alors elle-même Alzheimer à un stade léger, a rédigé des directives anticipées consignant, notamment, son souhait d'entrer en institution quand la maladie serait à un stade avancé. Quelques années après, ce stade atteint, elle se montre agressive et agitée quand on lui en parle. Pour les auteurs, cette situation clinique interroge la pratique médicale en ce qu'elle illustre la tension éthique qui peut apparaître entre les souhaits anticipés et les souhaits actuels : « la question autour du respect de décisions prises par le passé dans des directives anticipées est cruciale, écrivent-ils. Elle détermine finalement la direction prise pour trouver la décision à prendre : rester à la maison ou entrer en Ehpad ».
Autour de ce cas, ils analysent les difficultés d'appréciation de l'autonomie décisionnelle au fil d'une altération cognitive progressive. Ils évoquent ensuite les changements de valeurs et d'identité des personnes au cours de l'évolution de la maladie qui rendent difficile la possibilité d'anticiper et de se projeter dans l'avenir. Enfin, ils proposent aux soignants de s'appuyer sur le concept d'advance care planning pour tenter de concilier anticipation, empowerment, changement progressif des valeurs et perte d'autonomie. « Tenter », le mot est essentiel quand les directives anticipées, le témoignage de la personne de confiance et des proches se révèlent en décalage avec les nouveaux choix exprimés. L'ACP permet d'anticiper le projet de soins et de vie de manière dynamique et continue, en assurant une communication au fil du temps et en tenant compte des changements graduels de valeurs. Cette « approche d'éthique narrative » a pour mérite de s'appuyer aussi sur les proches « souvent désemparés face aux décisions éthiques concernant la personne malade. Leur participation dans l'ACP les préparera à mieux représenter les valeurs du patient une fois que sa capacité décisionnelle est trop altérée ».
Pour les auteurs, la mise en oeuvre et le et déploiement de l'ACP nécessitent une formation des professionnels de santé et une véritable politique institutionnelle.
Vernaudon J, Nowogorska A. Advance care planning, une aide à l'anticipation dans les maladies d'Alzheimer et apparentées. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2025 ; 23(1) : 124-129. doi:10.1684/pnv.2025.1219