Lors du Congrès national des Unités de soins Alzheimer, les 16 et 17 décembre, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) un groupe d'experts a présenté un Livre Blanc pour améliorer l'organisation de la filière Alzheimer. Certaines recommandations concernent la prise en charge des patients présentant des troubles du comportement. De quoi intéresser les EHPAD, lieux de vie et de soins de 60% des malades déments sévères.
Alzheimer : le virage ambulatoire pour soulager les EHPAD ?
La «filière Alzheimer» a connu des améliorations majeures en France, au cours des 15 dernières années. Les Plans gouvernementaux successifs depuis 2001 ont donné naissance à plusieurs structures de diagnostic et de prise en charge, à tous les stades d'évolution de la maladie et à la fois dans les secteurs sanitaire, médico-social ou social.
Il n'empêche que les défis à relever sont nombreux pour adapter davantage le système de soins à la prise en charge de ces malades. La Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG), l'association France Alzheimer et la Fédération nationale des centres mémoire de ressources et de recherche (F-CMRR) formulent une série de propositions d'amélioration, dans un Livre Blanc sur les Unités de soins Alzheimer.
«Il semble essentiel de mieux préciser les fonctions et les missions de chaque « structure de soins Alzheimer » et d'optimiser leur coordination et leur interopérabilité, afin de mieux fluidifier et d'améliorer le parcours de soin », souligne le cortège d'auteurs du Livre Blanc.*
Le boom des cas d'Alzheimer sévère
Si le groupe de travail élabore des propositions au sujet du diagnostic au stade léger de la maladie, de l'aide aux familles, ou encore de la prise en charge des patients jeunes, il pose également la question des solutions nécessaires pour les malades d'Alzheimer présentant des troubles du comportement sévères. Une problématique cruciale d'autant plus qu'aucune réponse pharmacologique satisfaisante n'est pour l'heure disponible. «Devant le vieillissement démographique qui va se poursuivre durant les prochaines années, un nombre croissant des patients à un stade avancé de la maladie ayant des sévères symptômes comportementaux et psychologiques des démences (SCPD) devra être pris en charge». Ces troubles - agitation, déambulation, agressivité - épuisent les aidants formels et informels à domicile. Et sont, par conséquence, un motif fréquent d'entrée en établissement des personnes âgées.
Les limites de l'institutionnalisation
Au sein des EHPAD, 20 % de l'ensemble des résidents, soit plus de 700 000 personnes, sont régulièrement agressifs. Dans 87,3% des cas envers les soignants, selon l'étude IQUARE 2013. Une situation éprouvante pour les équipes. La création d'unités d'hébergement renforcé (UHR) médico-sociales - mesure 16 du Plan Alzheimer 2008-2012 - visait à faciliter l'organisation des soins en EHPAD dans le cas de troubles psycho-comportementaux sévères. Un besoin réel puisque le nombre de ces unités spécifiques a augmenté de façon importante ces dernières années. Le déploiement devrait d'ailleurs se poursuivre dans le cadre du Plan national maladies neuro-dégératives 2014-2019. Les UHR d'une capacité moyenne de 14 places «représentent une réponse humaine et matérielle spécifique qui ne concerne toutefois qu'une proportion restreinte des résidents déments présentant des troubles de comportement», rappelle le Pr Yves Rolland, gériatre du Gérontopôle de Toulouse. Pour les experts, l'augmentation du nombre d'unités cognitivo-comportementales (UCC) dans le secteur sanitaire ne sera pas suffisante, non plus, pour répondre à cette problématique des SCPD perturbateurs.
Quelle solution alors face aux limites de l'institutionnalisation des ces malades? Il apparaît urgent d'orienter la prise en charge vers l'ambulatoire, selon les auteurs du Livre Blanc. Un virage ambulatoire qui suppose notamment de former les aidants naturels (programme d'éducation thérapeutique) et les professionnels (IDE et aides-soignants libéraux) en utilisant les outils déjà existants pour les professionnels en EHPAD (fiches TNM EHPAD, Serious Game EHPAD Panic). Au niveau des structures, la recommandation formulée est de s'appuyer sur des accueils de jour (type PASA mais en ville) et sur des hôpitaux de jour spécifiques (à l'image des hôpitaux de jours psychiatriques). «Il ne s'agit pas de la création de nouveaux dispositifs dans la filière mais de l'adaptation des structures existantes pour augmenter leur niveau de spécialisation», précise le Livre Blanc.
Equipes mobiles et télémédecine en renfort
Le virage ambulatoire est également l'une des solutions préconisées pour réduire le taux d'hospitalisations inappropriées des résidents atteints de la maladie d'Alzheimer. Le Livre Blanc recommande de favoriser l'intervention d'équipes mobiles en gériatrie, d'équipes mobiles de gérontopsychiatrie en EHPAD. Autre piste: la mise à disposition d'une ligne téléphonique dédiée permettant aux médecins coordonnateurs d'avoir «un accès direct et rapide à une expertise gériatrique, psychiatrique ou neurologique».
Enfin, le développement de la télémédecine est la voie à suivre afin que les différentes structures de la filière Alzheimer - les consultations mémoire, les UCC, les services de court séjour gériatrique ou les services de psychiatrie du sujet âgé - accomplissent «leur mission de formation et de recours spécialisé» pour les EHPAD, dans le cas notamment de troubles sévères du comportement ou de l'accompagnement de fin de vie de résidents Alzheimer.
«A côté du progrès des nouveaux traitements et de techniques innovantes de diagnostic précoce, il restera toujours le défi de la prise en charge des formes les plus évoluées avec ces complications les plus sévères comme les SCPD perturbateurs. De la même manière, la question essentielle de son retentissement sur la famille en particulier et la société en général, devra rester au coeur des réflexions futures », considèrent les auteurs du Livre Blanc. Une réflexion qui concerne au quotidien les EHPAD, aujourd'hui et encore plus demain.